Les libéralités entre époux
Article extrait du mémento Patrimoine 2017-2018 des éditions Francis Lefebvre
Dans le but de protéger le conjoint survivant au-delà des dispositions légales, les libéralités entre époux font partie des techniques juridiques incontournables, tout comme le régime matrimonial et les avantages matrimoniaux. Présentation des différents mécanismes.
Les libéralités entre époux font l’objet d’un régime dérogatoire au droit commun sur trois points : elles bénéficient d’une quotité disponible spéciale qui permet, en présence de descendants, de gratifier son conjoint plus largement qu’une autre personne – précisons que la qualité d’époux s’apprécie au décès du testateur ; entre époux, et seulement entre époux, il est possible d’effectuer des donations portant sur des biens à venir – couramment appelées donations au dernier vivant, ces libéralités qui sont très fréquentes présentent la caractéristique d’être librement révocables ; si les donations de biens présents entre époux réalisées depuis le 1er janvier 2005 sont en principe irrévocables, celles qui ne prennent pas effet pendant le mariage (notamment la réversion d’usufruit) sont librement révocables.
Quotité disponible spéciale entre époux
En présence d’enfants ou de descendants, rappelons que l’époux peut disposer de ses biens au profit de son conjoint dans les limites suivantes (C. civ. art. 1094-1) :
- la quotité disponible ordinaire en pleine propriété (la moitié, le tiers ou le quart de ses biens, selon qu’il a un, deux ou trois enfants et plus) ;
- le quart de ses biens en pleine propriété et les trois autres quarts en usufruit ;
- la totalité en usufruit.
Dans le cadre d’un testament ou d’une donation de biens à venir, des biens spécifiques peuvent être transmis à l’époux survivant et il conviendra de vérifier que leur valeur n’excède pas la quotité disponible entre époux.
Mais il est également possible, et c’est la modalité la plus usitée, que la libéralité porte sur l’entière quotité disponible. La libéralité peut prévoir qu’une des trois quotités susvisées est dévolue au conjoint survivant. Elle peut également laisser au conjoint, et c’est en pratique le cas le plus fréquent, le choix d’opter entre les trois quotités.
Titulaire de l’option
Souvent, le testament ou l’institution contractuelle se contente de gratifier le conjoint de la quotité disponible la plus large. Il revient alors au conjoint survivant en présence de descendants d’exercer l’option entre les trois quotités de l’article 1094-1 du Code civil. Cette option a un caractère personnel. Elle est exclusivement attachée à la personne du conjoint et ne peut pas être exercée par ses créanciers par voie oblique.
Le caractère personnel de l’option n’empêche cependant pas sa transmissibilité aux héritiers du conjoint, s’il est décédé sans avoir pris parti. Ceci risque de donner lieu à des conflits entre héritiers qui n’ont pas nécessairement les mêmes intérêts, notamment s’ils sont de lits différents. Chaque héritier peut exercer séparément, pour la quote-part qui lui revient, l’option entre les différentes quotités disponibles, ce qui conduit le notaire à opérer un calcul distinct pour chaque part de réserve. Afin d’éviter cette situation, il est opportun de prévoir dans l’acte que, faute d’avoir exercé l’option, le conjoint sera réputé avoir opté pour telle quotité (en usufruit lorsque tous les enfants sont communs ou, éventuellement, en propriété en présence d’enfants de lits différents). Le caractère intransmissible de l’option peut également être prévu, ce qui revient à priver d’effet la libéralité si le conjoint décède avant d’avoir opté. En effet, la libéralité est alors caduque.
Quelle option exercer ?
Déterminer l’option à exercer est délicat car les paramètres à prendre en compte sont nombreux : composition de la famille, consistance de la succession, besoins du conjoint survivant et éventuellement conséquences fiscales de l’option pour les enfants. Le régime légal comportant lui aussi un mécanisme d’option entre des droits en usufruit et des droits en propriété lorsque tous les enfants du défunt sont des enfants communs des époux, on renverra, en ce qui concerne les avantages et inconvénients de chacune de ces options, à nos développements antérieurs.
Ajoutons que, sauf stipulation contraire du disposant, le conjoint survivant bénéficiaire d’une libéralité au dernier vivant peut cantonner son émolument, ce qui lui offre une marge de manœuvre supplémentaire.
Concours de quotités disponibles
La question du concours de quotités disponibles apparaît lorsque le disposant, qui a des héritiers réservataires, souhaite avantager à la fois son conjoint et une ou plusieurs autres personnes, enfants ou tiers. Si chacun des gratifiés reçoit la totalité de la quotité que la loi lui permet de recevoir – quotité disponible spéciale pour le conjoint, quotité disponible ordinaire pour les autres –, les héritiers ne pourront pas recevoir l’intégralité de leur réserve. Pour résoudre ce problème, la jurisprudence estime que si chacun des gratifiés ne peut recevoir que dans les limites de la quotité disponible qui lui est destinée, un cumul partiel de ces quotités est possible.
En pratique, ces principes permettent au disposant de gratifier son conjoint de l’usufruit de tous ses biens et de disposer au profit d’une autre personne de la nue-propriété de la quotité disponible ordinaire. Cela revient à faire bénéficier le conjoint survivant de l’usufruit de la réserve des enfants, ceux-ci ayant vocation à recouvrer la pleine propriété au décès de l’usufruitier.
Cette solution répond en général au souhait des époux de permettre au survivant de conserver en tant qu’usufruitier la jouissance de l’ensemble des biens de la succession. Elle permet également de gratifier un tiers ou un enfant sans encourir de risque de réduction de la libéralité au décès du disposant.
Libéralités portant sur des biens à venir
Donation au dernier vivant
Une donation entre époux pendant le mariage peut bien sûr porter sur des biens présents. De manière plus originale, une donation entre époux peut également porter sur des biens à venir, ce qui constitue une exception au principe de prohibition des pactes sur succession future. Lorsqu’elle porte sur des biens à venir, la donation ne dépouille pas immédiatement le donateur : jusqu’à son décès, il continue de disposer librement de son patrimoine, et donc des biens donnés.
La loi prévoit uniquement la validité des donations de biens à venir réalisées par contrat de mariage. Mais la donation de biens à venir au cours du mariage, en pratique dénommée donation au dernier vivant, a été validée par la jurisprudence dès 1807.
Les donations entre époux de biens à venir présentent la caractéristique d’être librement révocables (C. civ. art. 1096, al. 1). La révocabilité est dite ad nutum, c’est-à-dire que le donateur peut révoquer la donation à tout moment sans motif légitime. Il ne peut pas renoncer à son droit de révocation, qui est d’ordre public.
La révocation n’est pas soumise à des règles de forme particulières ; elle peut être expresse, par acte notarié ou testament, ou tacite. La révocation tacite peut résulter de l’incompatibilité des dispositions contenues dans la donation avec celles d’un testament postérieur ou de tout fait ou acte du donateur qui indique d’une manière non équivoque son intention de révoquer la donation (aliénation du bien donné, par exemple). Face à ces situations, le juge a un pouvoir souverain pour apprécier si la donation a été ou non tacitement révoquée.
En cas de divorce, les donations de biens à venir sont révoquées de plein droit, sauf volonté contraire de l’époux qui les a consenties (C. civ. art. 265, al. 2).
L’objet de la donation de biens à venir peut être un bien précis ou, comme c’est le cas habituellement, une quotité de biens en pleine propriété ou en usufruit. En présence de descendants, c’est la quotité disponible entre époux la plus étendue qui est en général donnée, cette quotité étant exprimée soit directement, soit en laissant au conjoint survivant la faculté d’opter prévue par l’article 1094-1 du Code civil. Ces caractéristiques font de la donation de biens à venir entre époux une institution originale, qui participe plus du legs que de la donation. Sur le plan civil, pour déterminer ses effets, la jurisprudence l’assimile d’ailleurs au legs.
Au décès du donateur, le conjoint peut, comme un héritier, accepter purement et simplement, à concurrence de l’actif net ou renoncer à la libéralité.
Deux mesures facilitent le règlement de la succession :
- d’une part, sauf stipulation contraire de la donation, il peut comme un légataire cantonner son émolument sur une partie des biens dont il a été disposé en sa faveur (C. civ. art. 1094-1, al. 2) ;
- d’autre part, si le conjoint recueille des droits en usufruit en exécution de la donation de biens à venir, il peut avec l’accord des nus-propriétaires, comme pour l’usufruit d’origine légale ou testamentaire, obtenir amiablement la conversion de son usufruit en capital. Cette conversion s’analyse comme une opération de partage avec le paiement d’un droit d’enregistrement fixe de 125 € (C. civ. art. 761). Elle constitue une solution très utilisée en pratique car elle permet de mettre fin totalement ou partiellement à un démembrement non souhaité ou d’augmenter les droits en propriété du conjoint en vue par exemple de lui attribuer un bien particulier. Cette conversion de l’usufruit en capital est à distinguer de la conversion de l’usufruit en rente viagère, qui est susceptible d’être demandée par les héritiers ou le conjoint mais qui, en cas de désaccord, peut être obtenue en justice (C. civ. art. 759 à 760).
La donation de biens à venir réalisée pendant le mariage étant une disposition à cause de mort assimilée à un legs, elle obéit aux règles d’imputation et de réduction des libéralités testamentaires : imputation après les donations et concurremment avec les legs.
Le risque de réduction de l’institution contractuelle est donc important lorsque de son vivant, l’époux prédécédé a effectué d’autres libéralités, spécialement des donations. Le conjoint survivant risque alors de ne rien recevoir au titre de cette institution contractuelle.
Il n’est pas possible de prévoir des règles de réduction plus favorables au conjoint survivant, en stipulant dans l’institution contractuelle une imputation préalable à celle des donations antérieures ; ce serait aller à l’encontre du principe de l’irrévocabilité des donations. En revanche, l’ordre légal de révocation des legs n’est pas d’ordre public ; il est donc possible de prévoir que la libéralité au profit du conjoint s’exécutera avant les legs.
Règles protectrices des héritiers réservataires
Lorsque le conjoint survivant est bénéficiaire d’une libéralité en usufruit, les descendants ont la possibilité d’en demander la réduction pour parfaire leur réserve, en faisant l’abandon de la quotité disponible en pleine propriété (C. civ. art. 917).
Ce texte, d’application délicate et incertaine, n’est pas d’ordre public. Aussi, il peut être de bon conseil, dans un souci de protection du conjoint, que le disposant l’écarte par une stipulation particulière.
Une libéralité en propriété au profit du conjoint survivant peut porter atteinte aux droits des enfants d’un autre lit de l’époux prédécédé. Au décès du conjoint survivant dont ils ne sont pas héritiers, ces enfants n’auront aucun droit sur les biens ainsi transmis, qui appartenaient pourtant à leur auteur à l’origine.
Aussi le Code civil permet-il aux enfants non communs, si la libéralité au profit du conjoint est faite en pleine propriété, de substituer à l’exécution de cette libéralité l’abandon de l’usufruit de la part de succession qu’ils auraient recueillie en l’absence de conjoint survivant (C. civ. art. 1098). Recevant alors des droits en nue-propriété dans la succession de leur auteur, ils deviendront pleins propriétaires au décès du conjoint survivant usufruitier.
N’étant pas d’ordre public, ce droit au profit des enfants du premier lit peut être écarté par la volonté contraire du disposant. Une telle stipulation permettra d’éviter un démembrement de propriété entre le conjoint et les enfants du lit précédent.
Forme de la libéralité : testament ou donation ?
Un legs au profit du conjoint survivant ou une donation au dernier vivant produisent des effets juridiques comparables. Ils s’exécutent tous deux au décès du disposant et permettent pareillement, en présence d’enfants, de gratifier le conjoint dans la limite de la quotité disponible spéciale entre époux.
Lorsque l’objet de la libéralité est d’ajouter aux droits ab intestat du conjoint, donation au dernier vivant et legs peuvent être indifféremment utilisés et le problème se pose en pratique de savoir quelle est la meilleure forme à adopter. Lorsque la libéralité a pour effet de priver le conjoint de certains des droits qu’il tire de la loi, seul un testament peut être utilisé. C’est évidemment le cas lorsqu’un époux veut déshériter son conjoint, en tout ou partie. Mais le recours au testament peut également s’avérer nécessaire pour aménager les règles légales.
Par exemple, un époux ayant des enfants d’un premier lit peut vouloir laisser à son conjoint l’usufruit de toute sa succession (quotité disponible spéciale entre époux), à l’exclusion du quart en pleine propriété que la loi lui accorde. Pour priver son conjoint de ce quart en pleine propriété, il doit nécessairement faire un testament.
L’intervention d’un notaire est obligatoire pour établir une donation au dernier vivant, qui doit à peine de nullité revêtir la forme notariée (C. civ. art. 931). Elle l’est également si l’époux souhaite établir son testament sous forme authentique. Elle ne l’est pas en revanche si l’époux choisit d’établir un testament olographe. Cependant, il est très fortement conseillé de prendre les conseils d’un professionnel du droit, avocat ou notaire, avant de rédiger un testament olographe en faveur de son conjoint.Sur le plan de la conservation du document, l’époux prendra ses dispositions pour éviter tout risque de perte ou de destruction.
S’il s’agit d’un testament olographe, il est utile de l’adresser à un notaire pour qu’il mentionne le testament au fichier central des dispositions des dernières volontés. Si la libéralité est effectuée par donation au dernier vivant (ou par testament authentique), le notaire procédera de lui-même à l’information du fichier, sauf opposition du disposant. Les frais sont relativement faibles lors de l’établissement de la donation au dernier vivant (ou du testament authentique) par le notaire. Pour un testament olographe, les seuls frais à prévoir sont ceux de la consultation auprès d’un notaire ou d’un avocat. Si la forme testamentaire est choisie par les époux, ils doivent prendre garde à respecter le principe d’interdiction des testaments conjonctifs (C. civ. art. 968). Alors qu’il peut paraître naturel aux époux de s’engager dans un seul et même document, une telle manière de faire serait sanctionnée par la nullité.
C’est dire l’importance de rappeler aux époux de veiller à établir leurs testaments par actes séparés, même si les dispositions des deux actes sont identiques.
L’interdiction des testaments conjonctifs résulte de l’exigence de libre révocabilité par le testateur de ses dispositions testamentaires ; elle a pour finalité de protéger la volonté du testateur. Elle est néanmoins inadaptée au souci des époux de se protéger réciproquement et mutuellement.
Pourquoi faire une libéralité entre époux de biens à venir ?
Bien que les droits légaux du conjoint héritier soient importants, une libéralité entre époux reste néanmoins intéressante dans la très grande majorité des cas.
Avant d’évoquer les différentes situations susceptibles de se présenter, il faut rappeler que le conjoint survivant ne peut pas cumuler ses droits légaux et ceux qu’il retire d’une disposition de dernières volontés. La règle est que les libéralités qu’il reçoit s’imputent sur ses droits successoraux ; si ces libéralités sont inférieures à ses droits légaux, le conjoint peut réclamer le complément, sans jamais cependant recevoir une portion de biens supérieure à la quotité disponible spéciale entre époux (C. civ. art. 758-6).
Par rapport aux droits que le conjoint tirerait de la loi, une libéralité entre époux présente les avantages suivants en présence de descendants :
- elle permet à l’époux qui a des enfants d’un autre lit de laisser à son conjoint l’usufruit de toute sa succession, ce que la loi ne prévoit que lorsque tous les enfants sont communs ;
- s’il y a moins de trois enfants, elle offre au conjoint survivant une quotité en pleine propriété supérieure à celle prévue par la loi, qui est fixée à 1/4 quel que soit le nombre d’enfants : le conjoint qui opte pour la quotité disponible ordinaire récupère la moitié de la succession s’il n’y a qu’un enfant et un tiers s’il y a deux enfants ;
- elle permet de cumuler des droits en propriété et des droits en usufruit, ce que la loi ne prévoit pas ;
- sauf indication contraire de l’acte, elle offre au conjoint survivant le choix entre les trois quotités autorisées avec en outre la possibilité de cantonner son émolument à certains biens dont il a été disposé en sa faveur.
En l’absence de descendants et en présence des père et/ou mère, une libéralité entre époux permet de déshériter les ascendants pour laisser l’intégralité de la succession à son conjoint. Ajoutons toutefois que la libéralité au profit du conjoint ne saurait à notre avis faire obstacle au droit de retour légal dont bénéficient les père et mère sur les biens donnés à leur enfant prédécédé sans descendance.
Les personnes qui ne laissent ni descendants ni ascendants n’ont guère de raison de faire une libéralité de biens à venir : leur conjoint hérite de la totalité de leur succession par le seul effet de la loi. Une libéralité peut toutefois présenter un intérêt si le défunt laisse des frères et sœurs et qu’il détient des biens de famille, car ces biens ont vocation à revenir pour moitié aux frères et sœurs du défunt. Une donation au dernier vivant ou un legs universel en faveur du conjoint permet de faire obstacle au droit de retour des frères et sœurs, le conjoint recevant la pleine propriété de l’intégralité des biens.
Par testament, le défunt peut prévoir un légataire autre que le conjoint pour les biens de famille. Les donations au dernier vivant et les testaments établis avant le 1er janvier 2007 (date d’entrée en vigueur de la réforme des successions et des libéralités opérée par la loi du 23 juin 2006), voire avant le 1er juillet 2002 (date d’entrée en vigueur de la réforme des droits du conjoint survivant opérée par la loi du 3 décembre 2001), restent valables. Les époux doivent cependant s’interroger sur la pertinence des dispositions qu’ils ont pu prendre au regard des règles actuelles. Si les époux considèrent que leur conjoint est suffisamment protégé par les nouvelles dispositions légales, les libéralités portant sur des biens à venir au profit du conjoint peuvent être révoquées.
Si les époux souhaitent protéger le conjoint au-delà des dispositions légales, la libéralité devra être maintenue. Les époux peuvent cependant se demander si un changement de leur régime matrimonial ne leur offrirait pas un cadre juridique et fiscal plus opportun.
Il peut également arriver que les droits légaux du conjoint soient inadaptés à la situation patrimoniale et familiale par exemple si le conjoint est suffisamment protégé grâce à l’existence d’un patrimoine personnel ou à son contrat de mariage. Il est alors possible de prévoir par testament que le conjoint sera privé de tout ou partie de sa vocation successorale, en usufruit ou en propriété, dans la mesure bien entendu où ces dispositions ne portent pas atteinte à ses droits impératifs (jouissance gratuite du logement pendant un an et, le cas échéant, réserve du quart en l’absence de descendants). On rappellera que seul un testament établi sous la forme authentique permet de priver le conjoint survivant de son droit viager d’habitation du logement conjugal et d’usage du mobilier le garnissant.
Donation de biens présents
Les donations de biens présents consenties entre époux depuis le 1er janvier 2005 sont (C. civ. art. 1096) :
- irrévocables si elles prennent effet pendant le mariage, sauf hypothèses marginales d’inexécution des charges ou d’ingratitude où elles demeurent révocables dans les conditions de droit commun ;
- librement révocables si elles ne prennent pas effet pendant le mariage, cas notamment de la réversion d’usufruit au profit du conjoint survivant.
Toutes les donations de biens présents consenties entre époux avant le 1er janvier 2005 restent en revanche librement révocables au gré du donateur. Ajoutons que, consenties par personne interposée ou de façon déguisée, ces donations étaient nulles.
En pratique, l’alignement partiel du régime civil des donations entre époux sur le droit commun des donations pourrait avoir pour effet de permettre le développement des donations de biens présents, lorsqu’un époux cherche à assurer de manière définitive la protection de son conjoint, quel que soit l’avenir de leur relation matrimoniale. En effet ces donations sont, depuis le 1er janvier 2005, irrévocables sauf circonstances exceptionnelles (ingratitude du conjoint, inexécution des charges). La Cour de cassation a même invalidé les clauses de non-divorce dans les donations de biens présents. Cette irrévocabilité des donations entre époux permet de sécuriser les transactions effectuées sur les biens donnés postérieurement à la donation.
En effet, le principe de libre révocabilité applicable aux donations de biens présents entre époux antérieures au 1er janvier 2005 entraîne une insécurité juridique pour tout transfert de propriété du bien donné à un tiers, ce transfert étant résolu en cas de révocation ou d’annulation de la donation. Il suscitait également des conflits en cas de divorce sur la qualification onéreuse ou gratuite des transferts entre époux dont dépendait le caractère définitif ou non du transfert.
A noter que la fiscalité lourde des donations entre époux est un obstacle à leur utilisation dans la mesure où les intéressés préféreront recourir à des transmissions par décès (testament, donation de biens à venir, réversion d’usufruit) qui bénéficient d’une totale exonération de droits de succession ou encore à des avantages matrimoniaux dans le cadre d’un contrat de mariage.
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