Eau et déchets, une thématique « perpétuelle »

Par : edicom

Par Bertrand Lecourt, responsable de la gestion thématique chez Regnan/JO Hambro et gérant du fonds Regnan Sustainable Water & Waste

L’eau et les déchets : deux thèmes que l’on qualifie de « perpétuels ». Cet adjectif caractérise une catégorie d’investissement valable sur le très long terme, invariablement, quel que soit l’environnement social, politique ou conjoncturel. Vu sous cet angle, rares sont les thèmes d’investissement aussi perpétuels que ceux de l’eau et de la gestion des déchets. L’homme est ainsi conçu : une machine organique transformant de l’eau et de la matière en eau et en matière usées. La gestion de l’eau et des déchets est même consubstantielle de l’histoire de l’humanité.

Il y a plus de dix mille ans, l’homme a quitté ses habits de « chasseur-cueilleur » pour se sédentariser. Des terres agricoles et des villes ont été établies autour des mers, rivières, lacs ou autres sources d’eau. Et ces villes, en se développant, génèrent un volume croissant de déchets à récupérer et d’eau à gérer.

Pour le gestionnaire de fonds d’épargne, ce sont autant d’opportunités d’investissements. Investir sur l’eau, c’est s’intéresser à une chaîne de valeur allant du prélèvement de cette ressource à son évacuation, par rejet dans les fleuves ou dans la mer.

Entre ces deux étapes, il a fallu pomper l’eau, la transporter, la dessaler, l’épurer, la traiter, la stocker, la distribuer aux particuliers ou aux entreprises à travers des réseaux très denses, la mettre en bouteille ou encore la tester à maintes reprises, avant de la filtrer à nouveau pour la rejeter. Autant d’entreprises différentes concernées à chaque étape.

Pour sa part, le marché des déchets verra ses volumes a minima doubler au cours de la décennie à venir. Trois scénarios sont en effet modélisés par les experts. Le premier – le plus raisonnable – table sur un passage de la production de déchets de 4 millions de tonnes par jour aujourd’hui, à 8 millions de tonnes d’ici 2040, niveau sur lequel elle se stabilisera ensuite. Ce scénario prévoit que les sept milliards d’habitants de la planète soient urbanisés à 90 %, que les objectifs de développement soient atteints, que la consommation de combustibles fossiles soit réduite et que les populations soient plus soucieuses de l’environnement.

Les deux autres scénarios, plus inquiétants d’un point de vue environnemental, voient la production de déchets s’envoler à 12 millions de tonnes par jour, d’ici 2100. L’un d’entre eux correspond à la prévision « normale », avec une population estimée à 9,5 milliards et une urbanisation à 80 %. Dans le troisième scénario, la population mondiale augmenterait fortement, et 70 % des 13,5 milliards d’habitants de la planète vivraient dans des villes où existeraient des poches d’extrême pauvreté.

Quel que soit le niveau qui sera atteint in fine, tous ces scénarios concordent sur un point : la gestion des déchets devient cruciale. Le déchet, en soi, devient même une nouvelle ressource.

Là aussi, la gamme d’entreprises concernées est très vaste : transport, stockage, filtration de l’air, lutte contre les nuisibles, assainissement, tri et traitement, emballages durables, capteurs et technologie, biens d’équipement, biomasse, valorisation énergétique des déchets, réhabilitation de sites, tests et laboratoires, conseil, planification environnementale, services sur site, traitement des déchets dangereux, etc. De nombreux secteurs sont en lien direct avec la gestion des déchets.

Des facteurs de croissance

Sur le plan de l’analyse économique, plusieurs facteurs de croissance communs guident ces deux thèmes :

- urbanisation et allocation efficace des ressources : depuis 2011, plus de la moitié de la population mondiale habite dans les villes et cette tendance va se poursuivre, comme l’indiquent les trois scénarios précédemment cités ;

- intensité de consommation : tout ce que nous consommons possède une intensité en eau qui ne cesse de croître. Nous consommons environ deux cents litres d’eau par jour par personne pour cuisiner, laver et nettoyer. Cependant notre empreinte en eau est beaucoup plus grande, et peut varier entre dix mille et quinze mille litres d’eau par jour. Par ailleurs, plus de 90 % de ce que nous consommons se transforment en déchets dans les deux années qui suivent. Et certains de ces déchets mettent très longtemps à se dégrader, à l’image du plastique qui peut demeurer entre cent et neuf cents ans dans la nature ;

- besoin continu d’investissement dans les infrastructures : tous ces besoins en eau et en service de gestion des déchets nécessitent des investissements importants en infrastructures, que ce soit dans le monde développé pour s’adapter à notre mode de consommation et pour remplacer les éléments vieillissants ou dans les pays en développement qui doivent mettre en place les infrastructures critiques ;

- régulation et nouvelles normes : l’univers de l’eau et des déchets se caractérise par une très importante régulation. Les fournisseurs d’eau sont souvent des entreprises privées en situation de quasi-monopole. La régulation est bâtie pour stimuler les investissements, tout en modérant le risque de super-profits. Les entreprises génèrent des retours sur capitaux au-dessus de leurs coûts de financement pour un investissement créateur de valeur pérenne. Contrairement aux activités liées à l’éolien ou au solaire, les activités d’eau et de déchets sont, la plupart du temps, profitables sans avoir besoin de subventions. En outre, les normes environnementales ne cessent de s’adapter aux modes de consommation et aux technologies de production. Ces nouvelles normes créent de nouveaux marchés dans l’eau et les déchets.

Avec autant de facteurs stimulants, l’univers d’investissement en matière d’eau et de déchets ne cesse de s’accroître. On compte aujourd’hui près de trois-cent-cinquante sociétés cotées dans ces deux secteurs, soit à une multiplication par dix par rapport à 1990. Chaque année, près de dix nouvelles valeurs appartenant à cette thématique entrent en Bourse. La capitalisation boursière moyenne a, de son côté, été multipliée par cinq depuis 1990, passant de 650 millions de dollars, il y a trente ans, à plus de 5 milliards aujourd’hui.

Depuis vingt ans, la croissance moyenne des résultats du secteur varie entre 10 et 12 %, avec un dividende oscillant entre 2 et 3 %.

Un des facteurs importants qui ressort de l’analyse de risque est la qualité et la stabilité des résultats. Investir dans ce thème offre une exposition à « une croissance défensive » liée à des fondamentaux solides, une bonne régularité de création de flux de trésorerie et une profitabilité croissante ce qui permet de diminuer le risque bilanciel des sociétés. Le thème bénéficie plus des effets prix que des effets volumes.

A titre indicatif, la facture moyenne de l’eau et des déchets dans le budget d’un ménage représente typiquement moins de 3 % des revenus (au niveau mondial 50 euros par mois pour l’eau et environ 20 euros pour la gestion des déchets). Le secteur a donc une forte capacité à évoluer dans l’univers actuel plutôt inflationniste car les prix peuvent être rapidement et efficacement répercutés dans les factures des clients.

Des perspectives à court et long terme favorables

A court terme, les perspectives sur ce marché sont favorables avec l’inévitable rotation attendue hors des « Sept Magnifiques ».

Les niveaux actuels de concentration de marché autour des sept plus grosses valeurs technologiques liées à l’intelligence artificielle finiront par inciter les investisseurs à se diversifier sur des thèmes plus défensifs. De fait, les marchés prévoient un atterrissage en douceur du cycle de ralentissement économique actuel, ce qui devrait pénaliser les actions affichant des valorisations trop élevées, en particulier dans les segments du marché, tels que la technologie, qui ont connu un rallye important ces derniers mois.

Dans ce cadre, les sociétés de gestion de l’eau et des déchets, qui ont été relativement laissées-pour-compte dans la concentration du marché en 2023, méritent qu’on les regarde à nouveau.

Les perspectives à moyen terme restent, elles aussi, solides, soutenues par les investissements nécessaires dans ces deux domaines essentiels. La poussée structurelle pour les entreprises de pompes, de vannes et de tuyaux proviendra du vieillissement des infrastructures dans les pays développés, qui nécessitent une maintenance et des investissements constants.

En outre, il existe un fort besoin de construction de nouvelles infrastructures dans les marchés émergents, où les taux de croissance démographiques et d’urbanisation sont comparativement élevés. Nous commençons déjà à voir des dépenses fiscales massives dans ces domaines. Le développement de l’infrastructure de gestion des déchets sera également un facteur critique si les économies veulent atteindre une croissance économique durable à long terme. Si l’on prend l’exemple des Etats-Unis, on s’attend à ce que les investissements dans les secteurs de l’eau et des déchets dépassent de loin les autres secteurs au cours des cinq prochaines années.

A long terme, la certitude reste inébranlable : l’homme aura toujours besoin d’eau pour vivre et se développer. Et en corollaire il continuera à produire des déchets…

La thématique en quelques valeurs

Parmi les valeurs classiques d’investissements ayant une capacité de croissance perpétuelle, nous notons Republic Services aux Etats-Unis. C’est une entreprise intégrée de service de gestion et de valorisation des déchets (municipaux, commerciaux, industriels et hasardeux). Elle opère dans toute la chaîne de valeur des services environnementaux lies aux déchets : collecte, transport, allocation, gestion, triage, recyclage et valorisation. Ce métier offre une grande visibilité de revenues avec une profitabilité en progression constante grâce à son fort niveau de Pricing. L’entreprise est peu endettée, avec une généreuse création de trésorerie pouvant payer des dividendes, financer des rachats d’action et de la croissance externe par acquisition.

En France, le champion international de l’offre de services intégrés dans l’eau et les déchets est Veolia (ex-Compagnie générale des eaux crée il y a cent-soixante-dix ans, en 1853). Depuis sa restructuration en 2011 et l’intégration de son compétiteur Suez en 2020, le groupe offre une belle profitabilité par une offre diversifiée dans toute la chaîne de valeur des services liés à la gestion de l’eau et la valorisation des déchets. L’entreprise a une présence internationale parmi la plus élevée (cinquante-sept pays).

 

Un fonds dédié à la thématique

Le fonds Regnan Sustainable Water & Waste est un portefeuille d’actions globales sur la thématique de l’eau et des déchets. Il détient la classification article 9 SFDR et les labels LuxFlag et Towards Sustainability. C’est un portefeuille de conviction (trente-cinq à quarante valeurs) géré de manière active, tout en respectant la pureté du thème où les valeurs sont exposées à plus de 80 % à l’eau et aux déchets.

  • Mise à jour le : 28/10/2024

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