Point macro : atterrissage en douceur

Par : edicom

Par Gilles Etcheberrigaray, président d’Elkano Asset Management (achevé de rédiger le 24 septembre)

La trajectoire de l’économie va devenir le facteur déterminant de l’évolution des marchés dans les mois à venir.

Veuillez attacher vos ceintures. Le commandant de bord vient d’annoncer le début de l’atterrissage : la décision de la Fed de baisser les taux directeurs de 50 points de base pour amorcer son cycle de baisse marque le début de la phase d’atterrissage de l’économie américaine après deux ans de croissance nominale très élevée. Il s’agit sans aucun doute de la décision macroéconomique la plus importante de cette deuxième moitié de l’année. En effet, le timing et l’ampleur de la première baisse montrent que la principale source d’inquiétude pour les banquiers centraux (du moins américains) a clairement changé : l’évolution du marché de l’emploi a remplacé celle de l’inflation en tant que priorité centrale. Mais cette décision montre également que la Fed n’a pas renoncé à assurer un atterrissage en douceur de l’économie américaine.

 

15 % plus haut ou 15 % plus bas ?

La trajectoire de l’économie va devenir le facteur déterminant de l’évolution des marchés dans les mois à venir. Une étude récente montre qu’un an après le début d’un cycle de baisse des taux, les marchés actions se trouvent en moyenne 15 % plus haut si l’économie se maintient, et 15 % plus bas en cas de récession. Quant aux autres marchés financiers, ils suivront passivement la direction impulsée par la conjoncture US.

 

Pourquoi 50 points de base ?

A l’issue de la décision de la Fed, il est clair que l’économie US fonctionne encore très correctement avec une croissance soutenue, une inflation encore légèrement supérieure à 2 %, et des marchés boursiers proches de leurs plus hauts historiques. Alors pourquoi initier ce cycle avec une baisse importante de 50 points de base ? Selon les projections de la Fed, ce n’est pas la crainte d’une récession imminente qui motive cette décision : ses prévisions n’anticipent qu’une légère dégradation du chômage aux Etats-Unis, qui atteindrait 4,4 % en juin 2025 (contre 4,2 % actuellement). Elle utilise donc toutes ses marges de manœuvre pour tenter ce qui n’a que rarement été réussi : un atterrissage en douceur de l’économie américaine après un cycle de hausse des taux.

 

Les hausses de taux finissent par générer des chocs négatifs

L’une des raisons majeures pour lesquelles cet exercice de haute voltige échoue généralement est que les hausses de taux finissent par provoquer des chocs négatifs non anticipés, par la rupture de certains secteurs. Or nous pouvons identifier au moins quatre segments à risque :

- le marché de l’emploi : la configuration actuelle correspond typiquement à une trajectoire pré-récession. Sans choc, il semblerait que le taux de chômage tende plutôt vers 5 % que vers les 4,4 % prévus ;

- les marchés obligataires : la courbe des taux vient de se désinverser pour la première fois depuis deux ans. Cet indicateur a toujours précédé les récessions ;

- le marché immobilier US : après une remarquable résistance, il apparaît désormais plus hésitant. Paradoxalement, la baisse des taux longs augmente les volumes à la vente et pèse significativement sur les prix. Une correction de ce marché pourrait peser sur la consommation et l’emploi ;

- le dégonflement de la bulle sur l’IA : son poids dans les indices boursiers représente un risque de baisse sur les marchés, quelle que soit la réussite de la politique macroéconomique.

 

Des chances de récession élevées

A l’instar de la plupart des cycles précédents, nous estimons que celui-ci a de fortes chances de se terminer en récession. Il semble donc opportun de privilégier les marchés obligataires, qui affichent des performances positives lors de chaque baisse des taux, et de rester sous-exposé aux marchés actions, à l’exception de certains secteurs en retard (foncières cotées, marchés émergents hors Chine, etc.). Nous amorçons donc la phase d’atterrissage et les mois à venir permettront aux marchés de se forger un consensus pour savoir s’il s’agira d’un atterrissage « doux » ou « brutal ». Vous êtes donc priés d’attacher vos ceintures, car les turbulences risquent d’être nombreuses et significatives.

  • Mise à jour le : 28/10/2024

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