Investir via une Sarl de famille : est-ce toujours opportun ?
Par Jacques Duhem, président de FAC & Associés, et Stéphane Pilleyre, directeur général délégué de FAC & Associés
Quand des investisseurs souhaitent réaliser un achat immobilier patrimonial, elles sont confrontées au choix d’une structure sociétaire et indirectement au choix d’un régime fiscal et social. Afin de pratiquer des activités de location en meublé, la formule de la Sarl de famille est souvent envisagée. Mise en lumière des limites et dangers du recours à une telle société.
Pour une grande majorité des situations, le choix se porte sur la société civile. Cette dernière présente une grande souplesse sous l’angle juridique, les statuts pouvant assez librement être aménagés afin de tenir compte des objectifs patrimoniaux des associés. Au plan fiscal, la société civile est rangée parmi les sociétés semi-transparentes (visées par l’article 8 du CGI). Lorsque ses associés sont des personnes physiques, les résultats de la société sont imposés dans leurs mains, au titre de l’impôt sur le revenu, dans la rubrique des revenus fonciers (lorsque la société détient un ou plusieurs immeubles loués nus). Cependant, ce principe d’imposition comporte une limite lorsque la société propose une location qualifiée fiscalement de commerciale, telle la location en meublé.
En effet, les dispositions de l’article 206 2° du CGI précisent que les sociétés civiles sont, en raison de leur objet, passibles de l’impôt sur les sociétés (IS), si elles se livrent à une exploitation ou à des opérations présentant un caractère industriel ou commercial au sens de l’article 34 du CGI et de l’article 35 du CGI (la location en meublé étant visée par les dispositions de l’article 35 du CGI).
La doctrine administrative (BOI-IS-CHAMP-10-30) prévoit deux mesures de tempérament à cette règle :
- afin d’éviter les conséquences excessives, il a été décidé de ne pas soumettre ces sociétés à l’impôt sur les sociétés tant que le montant hors taxes de leurs recettes de nature commerciale n’excède pas 10 % du montant de leurs recettes totales hors taxes ;
- d’autre part, et pour limiter les conséquences du franchissement occasionnel de ce seuil de 10 %, il est admis que la société civile ne soit pas effectivement soumise à l’impôt sur les sociétés au titre de l’année de dépassement si la moyenne des recettes hors taxes, de nature commerciale, réalisées au cours de l’année en cause et des trois années antérieures n’excède pas 10 % du montant moyen des recettes totales hors taxes réalisées au cours de la même période (s’agissant des sociétés créées depuis moins de quatre ans, cette moyen-ne est appréciée sur la période courue depuis la date de leur création : RM Berger, n° 33593, JOAN du 11 mai 1981, p. 2009, reprise au BoFip).
On ajoutera enfin que les associés d’une société civile non passible de droit de l’IS ont la possibilité d’exercer une option pour l’assujettissement de la société à cet impôt (cette dernière pouvant sous certaines limites être révoquée).
Afin de pratiquer des activités de location en meublé, la formule de la Sarl de famille est souvent envisagée. Dans ce cadre, les conclusions rapides devront être évitées. Nous vous proposons ici une étude dont l’objectif est de mettre en lumière les limites et dangers du recours à une telle société.
La Sarl de famille est avant tout une Sarl !
Une société passible de l’IS par nature
La Sarl est naturellement passible de plein droit de l’impôt sur les sociétés, quelle que soit la nature de l’activité de la société (location nue, location en meublé, gestion de produits financiers…). Le résultat fiscal est déterminé selon les principes de droit commun de l’IS. Le résultat net d’impôt se retrouve encapsulé. Les associés pourront le cas échéant distribuer des dividendes qui seront taxés sur leur valeur brute à une Flat Tax de 30 % ou sur leur valeur nette (après abattement de 40 %) au barème progressif de l’impôt sur le revenu. In fine, quelles seront les conséquences fiscales en matière de plus-value ?
En cas de cession à titre onéreux des actifs immobilisés par la société, le régime des plus-values professionnelles (IS) sera applicable. Le résultat net d’impôt sera encapsulé. Les associés pourront le cas échéant distribuer des dividendes qui seront taxés sur leur valeur brute à une Flat Tax de 30 % ou sur leur valeur nette (après abattement de 40 %) au barème progressif de l’impôt sur le revenu. En cas de vente des titres de la société par les associés, c’est le régime des plus-values mobilières des particuliers. Ces dernières seront taxées sur leur valeur brute à une Flat Tax de 30 % ou sur leur valeur nette (après abattement pour durée de détention de 50 ou 65 %, pour les titres acquis avant 2018) au barème progressif de l’impôt sur le revenu.
L’option temporaire pour l’IR (CGI, article 239 bis AB)
Le législateur a institué un régime fiscal codifié à l’article 239 bis AB du CGI qui permet, sous certaines conditions, aux sociétés à responsabilité limitée d’opter pour le régime fiscal des sociétés de personnes prévu à l’article 8 du CGI. Les sociétés de capitaux de petite taille revêtant la forme de Sarl (voire de SA ou SAS), nouvellement créées ou en phase de démarrage sont ainsi autorisées, sous certaines conditions, à opter pour le régime fiscal des sociétés de personnes prévu à l’article 8 du CGI pour une période de cinq exercices. Les associés peuvent alors appréhender immédiatement les bénéfices ou déficits dégagés par la société, sans modification des caractéristiques juridiques de la société, et notamment en conservant une responsabilité limitée au montant de leurs apports. L’option pour le régime fiscal des sociétés de personnes ne peut être exercée que par les sociétés qui ont pour activité principale une activité : industrielle, commerciale, artisanale, agricole, libérale.
Les activités de gestion du patrimoine mobilier ou immobilier de l’entreprise sont expressément exclues de ce régime : il s’agit, par exemple, des sociétés de gestion de portefeuille ou de sociétés immobilières ayant pour objet la gestion de leurs immeubles nus. L’activité éligible doit être exercée à titre principal, non à titre exclusif. En conséquence, la société peut avoir une activité accessoire, telle que la mise en location de ses propres immeubles.
L’activité principale s’entend ainsi de l’activité pour laquelle la société a réalisé la plus grande partie de ses investissements. Ainsi, l’actif de la société doit être constitué pour plus de la moitié de sa valeur brute comptable par des biens dédiés à cette activité.
Synthèse
En conclusion, une Sarl relève donc de plein droit de l’IS. Les associés ont la capacité d’opter temporairement (cinq ans au maximum) pour l’imposition en leurs noms à l’IR sous conditions, notamment que l’activité ne soit pas civile. Ce qui exclut la location nue, mais reste envisageable en cas de location meublée, le changement de régime fiscal ayant des incidences, notamment au titre des plus-values latentes. Cette question est traitée plus loin dans cette étude.
La Sarl de famille : une Sarl atypique (CGI, article 239 bis AA)
Le législateur a prévu une dérogation au principe exposé dans la première partie. En effet, la Sarl de famille pourra échapper au champ d’application de l’IS et, dans ce cas, les associés personnes physiques seront passibles de l’IR.
On examinera tout d’abord la définition fiscale de la Sarl de famille. On analysera, dans un second temps, les conséquences de l’option pour ce régime dérogatoire. Enfin, nous mesurerons les effets d’une remise en cause du régime par l’administration.
Les conditions d’éligibilité de la Sarl de famille pour l’option prévue à l’article 239 bis AA du CGI
Trois questions doivent être examinées. Quels associés ? Quelles activités ? Comment exercer l’option ?
La composition du cercle familial
L’article 239 bis AA du CGI prévoit que l’option peut être exercée par les sociétés formées uniquement entre personnes parentes en ligne directe ou entre frères et sœurs, ainsi que les conjoints et les partenaires liés par un pacte civil de solidarité. La société peut comprendre soit des parents en ligne directe, soit des frères et sœurs, soit des conjoints ou partenaires ou simultanément des membres de l’un et l’autre de ces groupes.
Mais chacun des associés doit être directement uni aux autres soit par des liens de parenté directe ou collatérale jusqu’au deuxième degré, soit par le mariage ou un pacte civil de solidarité.
Ainsi répondent, par exemple, aux conditions requises les sociétés à responsabilité limitée formées entre époux, entre partenaires liés par un Pacs, entre un père et un ou plusieurs enfants, entre un père, ses enfants et leurs conjoints ou partenaires, entre deux frères ou sœurs et leurs conjoints ou partenaires, entre un grand-père et plusieurs petits-enfants, à condition que ceux-ci soient des frères et sœurs, entre un beau-père et son gendre, entre deux époux et l’enfant du premier lit de l’un des époux.
En revanche ne satisfont pas aux exigences du texte les sociétés réunissant des frères et le fils de l’un d’eux, deux beaux-frères (RM Boucheron n° 65793, JOAN du 26 août 1985, p. 3937), des concubins et leurs enfants communs dès lors que le concubinage, à l’inverse du mariage, n’est pas doté d’un statut juridique et patrimonial (RM Leclerc, JO Sénat du 23 septembre 1999, p. 3156).
L’exercice d’une activité exclusivement commerciale
L’article 239 bis AA du CGI prévoit que l’option peut être formulée par les Sarl de famille exerçant une activité industrielle, commerciale, artisanale ou agricole visée à l’article 34 du CGI et à l’article 35 du CGI.
La location meublée est une activité commerciale par nature et entre dans le champ d’application de l’article 34 du CGI. Les Sarl de famille qui exercent une telle activité sont donc éligibles au régime spécial.
Quant aux Sarl soumises à l’impôt sur les sociétés en raison de leur forme et non de leur activité (Sarl exerçant une activité civile, consistant par exemple à donner en location des immeubles nus, libérale ou agricole), elles ne peuvent exercer l’option.
Dans le cadre de la réponse ministérielle Frassa (n° 17500, JOSénat du 22 juin 2016), l’administration a souligné que les activités commerciale, industrielle, artisanale ou agricole étaient limitatives, écartant de ce fait toute activité civile, quand bien même cette dernière représenterait moins de 10 % du chiffre d’affaires (tolérance admise uniquement pour les sociétés civiles au titre de l’activité commerciale) : « Les Sarl exerçant une activité civile autre qu’agricole ne bénéficient donc pas du régime optionnel prévu à l’article 239 bis AA du CGI. […] Il n’est pas prévu d’ajouter un nouveau cas particulier d’application du régime des Sarl de famille lorsque le chiffre d’affaires de l’activité civile ne dépasse pas 10 % des recettes totales hors taxes. »
L’administration admet toutefois une tolérance en application d’un arrêt du Conseil d’Etat (CE n° 283238 du 7 août 2008), dans lequel le régime de la Sarl de famille « n’est pas remis en cause lorsque l’activité civile exercée par la Sarl de famille présente un caractère accessoire et constitue le complément indissociable de l’activité principale. Cette jurisprudence constitue le seul tempérament applicable en l’état du droit. Il n’est pas envisagé d’assouplir plus avant les conditions d’application de l’article 239 bis AA du CGI. […] Conformément au raisonnement retenu par la jurisprudence, le caractère accessoire des recettes de l’activité civile ne suffit pas : cette dernière doit en outre être le complément indissociable de l’activité (commerciale ou agricole) de la Sarl. »
Les modalités de l’option pour l’IR
L’option pour le régime de sociétés de personnes et l’imposition à l’IR peut être exercée par les sociétés constituées sous la forme de Sarl et par les Sarl issues de la transformation d’une société d’un autre type. Les sociétés nouvelles sont admises à opter comme les sociétés préexistantes. L’option pour le régime des sociétés de personnes doit être signée par tous les associés. Cette option doit comporter l’indication de la raison sociale, du lieu du siège et, s’il est différent, du principal établissement. Elle doit mentionner également la répartition du capital, les noms, prénoms, adresse et lien de parenté des associés. Elle est adressée au service des impôts du lieu d’imposition de l’entreprise avant la date d’ouverture de l’exercice auquel elle s’applique pour la première fois. L’option produit ses effets tant qu’elle n’a pas été révoquée. Attention une option exercée par le gérant ou une partie des associés seulement n’est pas valable.
Pour les sociétés nouvelles, par exception à la règle selon laquelle l’option doit être notifiée avant l’ouverture du premier exercice au titre duquel le régime des sociétés de personnes s’applique, l’article 46 terdecies B de l’annexe III au CGI dispose que l’option produit immédiatement effet en matière d’imposition des bénéfices et des droits d’enregistrement si elle est formulée dans l’acte constatant la création. Cet effet immédiat s’applique également aux sociétés déjà soumises au régime fiscal des sociétés de personnes qui se transforment, sans création d’une personne morale nouvelle, en Sarl de famille, ainsi qu’aux Sarl dont l’associé unique cède des parts à un ou plusieurs membres de sa famille répondant aux conditions de parenté prévues à l’article 239 bis AA du CGI.
Cet acte doit également préciser les liens de parenté entre les associés et une copie doit en être adressée au service des impôts auprès duquel la déclaration de résultat doit être souscrite. La copie de l’acte est transmise dans le même délai que celui prévu pour son enregistrement, c’est-à-dire dans le délai d’un mois à compter de sa date.
Conséquences de l’option
Impacts du changement de régime
Conformément aux dispositions du 2 de l’article 221 du CGI, les conséquences fiscales de la cessation d’entreprise sont applicables lorsqu’une société ou un organisme change totalement ou partiellement de régime fiscal : il en est ainsi lorsque les sociétés mentionnées à l’article 239 bis AA du CGI cessent d’être soumises à l’impôt sur les sociétés au taux de droit commun, par option pour le régime des sociétés de personnes.
Une imposition immédiate des bénéfices et plus-values latentes : l’option pour l’application du régime des sociétés de personnes rend immédiatement imposables la société et ses membres à raison des bénéfices d’exploitation non encore taxés ; des bénéfices en sursis d’imposition ; des plus-values latentes incluses dans l’actif social.
Les plus-values incluses dans l’actif social et résultant de la différence entre la valeur réelle des éléments compris dans cet actif et leur valeur comptable, sont passibles de l’impôt selon le régime fiscal défini aux articles 39 duodecies et suivants du CGI.
Un mécanisme d’atténuation est cependant prévu à l’article 221 bis du CGI : il résulte des dispositions de l’article 221 bis du CGI qu’en l’absence de création d’une personne morale nouvelle, lorsqu’une société cesse totalement ou partiellement d’être soumise à l’impôt sur les sociétés au taux normal, les bénéfices en sursis d’imposition, les plus-values latentes incluses dans l’actif social et les profits non encore imposés sur les stocks ne font pas l’objet d’une imposition immédiate lorsque les deux conditions suivantes sont remplies :
- aucune modification ne doit être apportée aux écritures comptables. En particulier, aucune augmentation ne doit être apportée à la valeur comptable des divers éléments formant l’actif de la société et les postes correspondant à des provisions ou bénéfices en sursis d’imposition doivent être repris sans changement ;
- l’imposition des bénéfices, des plus-values et des profits doit demeurer possible sous le nouveau régime fiscal applicable.
Distribution et fiscalité des réserves accumulées : en vertu de l’article 111 bis du CGI, lorsqu’une personne morale soumise à l’impôt sur les sociétés cesse d’y être assujettie, ses bénéfices et réserves, capitalisés ou non, sont réputés distribués aux associés en proportion de leurs droits.
L’assiette de la distribution est constituée par :
- toutes les sommes qui, en fin de société, n’auraient pas le caractère d’apports réels remboursables en franchise, (bénéfices ou plus-values du dernier exercice dont les résultats sont soumis à l’impôt sur les sociétés, réserves provenant des bénéfices des exercices antérieurs, libérées en principe de l’impôt sur les sociétés, qu’elles aient été ou non virées au capital) ;
- diminuées du report à nouveau déficitaire figurant au bilan.
Impacts post-option sur les revenus annuels
Les revenus seront déterminés selon les principes de BIC. L’imposition s’effectuera à l’impôt sur le revenu pour chaque associé. Ce dernier pourra au titre de cet impôt relever soit du statut de LMP ou de LMNP. Selon les dispositions de l’article 155 du CGI, le LMP doit, en outre, réaliser des recettes annuelles d’au moins 23 000 €.
Lorsque la location meublée est consentie par une société ou un groupement soumis au régime des sociétés de personnes, le dépassement éventuel du seuil de 23 000 € doit être apprécié, non au niveau de la société ou du groupement, mais au niveau des associés, à proportion de leurs droits dans les bénéfices sociaux. Cette règle ne fait cependant pas obstacle à l’appréciation des recettes au niveau du foyer fiscal.
Impacts post-option sur les plus-values
Dans le cadre de la cession de titres d’une société relevant de l’impôt sur le revenu, trois régimes peuvent trouver à s’appliquer :
- le régime des plus-values sur titres qui est le régime de droit commun (CGI, article 150 0 A). Ce régime qui conduit à taxer la plus-value brute à un taux forfaitaire tant au titre de l’impôt sur le revenu (12,8 %) qu’au titre des prélèvements sociaux (17,2 %). Il est toutefois possible d’opter pour une imposition au barème, dans ce cas, la plus-value peut bénéficier d’un abattement pour durée de détention ;
- le régime des plus-values immobilières si la société est considérée comme à prépondérance immobilière au sens de l’article 150-UB du CGI. Si tel est le cas, la plus-value est minorée d’un abattement pour durée de détention (à un rythme différent selon qu’il s’agit de la base taxable à l’impôt sur le revenu au taux de 19 % ou aux prélèvements sociaux au taux de 17,2 %) ;
- enfin, un dernier régime peut trouver à s’appliquer, il s’agit du régime des plus-values professionnelles en application des dispositions de l’article 151 nonies du Code général des impôts.
Commentant le régime des plus-values immobilières, l’administration précise : « Sont donc exclus du présent dispositif les immeubles de placement, c’est-à-dire les actifs immobiliers utilisés par les entreprises pour en retirer des loyers ou valoriser le capital. Tel est le cas, par exemple, des immeubles mis à disposition par un loueur en meublé, à titre non professionnel (CGI, art. 155, IV). En revanche, lorsque l’activité de location en meublé est exercée à titre professionnel au sens du IV de l’article 155 du CGI, les locaux d’habitation meublés mis en location sont réputés affectés à l’exploitation. » (BOI-BIC-PVMV-20-40-30 § 210).
Remise en cause de l’option
La remise en cause de l’option entraîne immédiatement l’application de l’impôt sur les sociétés. On dénombre deux causes de remise en cause.
Evolutions dans la composition du capital social
Dès lors que la totalité des titres de la Sarl n’est plus détenue par des membres du cercle familial, tel que défini ci-dessus, la société perd la qualité de Sarl de famille et redevient passible de l’IS. L’entrée ou la sortie d’un associé (même ne détenant qu’un seul titre) peut ainsi déqualifier la Sarl de famille. La doctrine administrative prévoit cependant deux mesures de tolérance :
- l’option demeure valable à condition que l’héritier transmette ses parts à une personne parente des autres associés dans un délai de six mois ;
- il est également admis que dans le cas où un associé décède et que ses enfants ou son conjoint entrent dans la société, l’application du régime des sociétés de personnes ne soit pas remise en cause quels que soient les liens de parenté unissant les nouveaux associés avec les autres (BOI-IS-CHAMP-20-20-40 § 20).
Evolution dans l’activité de la société
La société doit exercer une activité commerciale ou agricole. L’exercice d’une activité civile, même très accessoire rend l’option pour le régime de la Sarl de famille caduque.
Dans le cadre de la réponse ministérielle Frassa (n° 17500 JOSénat du 22 juin 2016), l’administration a souligné que les activités commerciale, industrielle, artisanale ou agricole étaient limitatives écartant de ce fait toute activité civile, quand bien même cette dernière représenterait moins de 10 % du chiffre d’affaires (tolérance admise uniquement pour les sociétés civiles au titre de l’activité commerciale) : « Les Sarl exerçant une activité civile autre qu’agricole ne bénéficient donc pas du régime optionnel prévu à l’article 239 bis AA du CGI. […] Il n’est pas prévu d’ajouter un nouveau cas particulier d’application du régime des Sarl de famille lorsque le chiffre d’affaires de l’activité civile ne dépasse pas 10 % des recettes totales hors taxes. »
La rigidité de ce régime est confirmée par la jurisprudence. On citera ici deux exemples.
Pour bénéficier de l’option pour le régime fiscal des sociétés de personnes prévue par l’article 239 bis AA du CGI, les Sarl doivent exercer de façon exclusive une ou des activités ayant une nature industrielle, commerciale ou artisanale, sous la seule réserve de situations où une activité annexe exercée par la société, n’ayant pas cette nature, constituerait le complément indissociable d’une activité entrant dans une de ces catégories. Doit par suite être remise en cause l’option exercée par une Sarl dont l’activité initiale était la gestion hôtelière et qui a étendu son activité à la location de locaux nus, cette activité n’ayant pas le caractère d’une activité industrielle, commerciale ou artisanale et ne présentant, avec l’activité initiale, aucun lien de nature à lui conférer le caractère d’un complément indissociable. (CAA Nancy du 10 mars 2005, n° 01-1230, 2e ch.)
Le législateur a entendu réserver l’option prévue par l’article 239 bis AA du CGI pour le régime fiscal des sociétés de personnes à des Sarl de famille exerçant une activité industrielle, commerciale, artisanale ou agricole limitativement énumérées par l’article précité et en exclure les Sarl de famille exerçant une activité d’une autre nature, à moins, le cas échéant, qu’une telle activité ne présente un caractère accessoire et ne constitue le complément indissociable d’une activité industrielle, commerciale ou artisanale exercée par la société.
La condition tenant à la nature de l’activité doit être satisfaite tant au moment de la notification de l’option que pendant toutes les années au titre desquelles la société prétend au bénéfice de ce régime.
Une Sarl, qui a pour activité l’acquisition et la location de biens immobiliers, a acquis, d’une part, deux maisons d’habitation et une maison à usage mixte d’habitation et de commerce sur lesquelles elle a procédé à d’importants travaux, avant de les donner en location, pour partie nues et pour partie meublées, et, d’autre part, quatre appartements qu’elle a donnés en bail commercial et loués en meublés. Elle exerce ainsi à la fois une activité civile de location nue et une activité commerciale de location meublée. Le bénéfice du régime des sociétés de personnes pour lequel la Sarl a opté peut être remis en cause dès lors qu’il ne résulte pas de l’instruction que l’activité civile présentait un caractère accessoire et constituait le complément indissociable de l’activité commerciale, nonobstant la circonstance, à la supposer établie, que la Sarl avait l’intention de ne se livrer qu’à des locations meublées mais qu’elle s’est trouvée dans l’obligation de renouveler les locations nues en vertu de la législation sur les baux d’habitation (CAA Bordeaux du 17 octobre 2019, n° 17BX00156).
L’administration admet toutefois une tolérance en application d’un arrêt du Conseil d’Etat (CE n° 283238 du 7 août 2008), dans lequel le régime de la Sarl de famille « n’est pas remis en cause lorsque l’activité civile exercée par la Sarl de famille présente un caractère accessoire et constitue le complément indissociable de l’activité principale. Cette jurisprudence constitue le seul tempérament applicable en l’état du droit. Il n’est pas envisagé d’assouplir plus avant les conditions d’application de l’article 239 bis AA du CGI. […] Conformément au raisonnement retenu par la jurisprudence, le caractère accessoire des recettes de l’activité civile ne suffit pas : cette dernière doit en outre être le complément indissociable de l’activité (commerciale ou agricole) de la Sarl. »
Conclusion
Le choix d’une structure d’investissement est un exercice délicat. Le conseil doit être vigilant pour appréhender avec ses clients les conséquences immédiates et à terme des solutions retenues.
La prudence doit être de mise dès la rédaction des statuts de la société. Elle doit aussi être présente avant les opérations d’arbitrage (changement d’activité, transmission des titres…) et dans le cadre des divorces et dépacsages.
Ainsi, la Sarl de famille n’est donc pas un outil universel. En outre, le recours à ce dernier doit être utilisé avec beaucoup de discernement.
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