Déclaration des comptes détenus à l’étranger : les règles à connaître
Par Aurélie Sultan, avocat, associée Demeuzoy Avocats
S’il est légal en France de détenir des comptes à l’étranger, les résidents fiscaux français doivent déclarer auprès de l’administration fiscale, en même temps que leurs revenus, leurs comptes et leurs contrats d’assurance-vie détenus à l’étranger. Le non-respect de cette obligation peut générer de lourdes conséquences. Cependant, les obligations liées à la détention de comptes étrangers ne sont pas toujours évidentes pour les contribuables qui souvent ne sont pas au fait de leurs obligations fiscales.
Conformément aux dispositions de l’article 1649 A du Code général des impôts, les personnes physiques, les associations, ainsi que les sociétés n’ayant pas de forme commerciale, domiciliées en France, sont tenues de déclarer les références de leurs comptes à l’étranger.
Obligation déclarative
L’obligation déclarative s’applique dès lors qu’un compte bancaire est ouvert, détenu, utilisé ou clos hors de France. Elle concerne les contribuables titulaires d’un compte ouvert à l’étranger même en l’absence d’opérations bancaires sur les comptes, mais également les contribuables non titulaires, dès lors que ces derniers bénéficient d’une procuration sur un compte à l’étranger, à condition qu’ils aient effectué durant l’année d’imposition, des opérations sur celui-ci.
Par ailleurs, un compte ouvert, alors que le contribuable n’était pas résident de France mais non clôturé au moment du transfert de résidence en France, doit être déclaré à partir de l’année à laquelle le contribuable devient résident fiscal français.
L’obligation de déclaration concerne les comptes bancaires, mais également les contrats de capitalisation, les placements divers, les produits d’épargne, les contrats d’assurance-vie souscrits à l’étranger, les comptes de trading, les comptes sur des plates-formes étrangères de cryptomonnaies…
Aussi, de nombreux contribuables possèdent des comptes étrangers sans le savoir. Ainsi, les personnes qui ont créé, détenu, utilisé ou clôturé un compte en ligne auprès de N26, Monese, Bunq ou Révolut, par exemple, doivent les déclarer en France car le siège de ces établissements se trouve à l’étranger.
Cette obligation déclarative doit être réalisée pour chaque compte ouvert, utilisé ou clos à l’étranger au cours de l’année d’imposition. Pour cela, le contribuable doit joindre à sa déclaration de revenus un formulaire n° 3916-3916 bis.
La déclaration doit mentionner un certain nombre d’informations telles que :
- la désignation de l’organisme (avec son adresse) auprès duquel le compte est ouvert ;
- l’intitulé du compte, son numéro, sa nature (compte ordinaire ou d’épargne), son usage (à titre professionnel ou personnel ou mixte) ;
- le type de compte (compte simple, compte joint, compte de succession, etc.) ;
- et la date d’ouverture et de clôture du compte le cas échéant.
S’agissant des comptes étrangers de cryptomonnaies, le contribuable doit y indiquer l’intitulé de compte, le nom de la plate-forme d’échanges, l’adresse, le numéro et toute autre information sur le compte (date d’ouverture ou de clôture éventuelle). Il convient, en outre, de cocher la case 8UU du formulaire n° 2042 de sa déclaration de revenus.
De plus, les revenus issus de comptes étrangers (il s’agira le plus souvent des intérêts, dividendes et plus-values de cession de valeurs) doivent également être déclarés au titre des revenus de l’année de leur constatation puisqu’ils sont en principe imposables en France. Ils devront être déclarés en remplissant les formulaires n° 2042 (déclaration générale), n° 2047 (revenus perçus à l’étranger) et n° 2074 (plus ou moins-values de cessions).
Sanctions applicables en cas d’absence de déclaration d’un compte détenu à l’étranger
L’arsenal légal en cas de manquement est important puisque diverses sanctions sont applicables.
D’une part, une amende de 1 500 euros par compte non déclaré et par année d’omission non prescrite est applicable. Ce montant peut aller jusqu’à 10 000 euros si le pays n’a pas de convention d’échange de renseignement avec la France. Cette sanction n’est cependant applicable que pour les quatre dernières années.
Attention, lorsque le contribuable détient plusieurs comptes dans un même établissement, comme un compte-épargne et un compte-courant par exemple, il devra, en principe, payer le nombre d’années de détention x 2 x 1 500 euros d’amende. Cette double amende pourrait éventuellement être évitée si le contribuable parvient à justifier qu’il s’agit d’un sous-compte. Pour cela, il doit pouvoir démontrer, notamment, que les deux comptes ont la même racine de numéros de comptes et la même date d’ouverture.
A noter que l’article 1729-0 A du Code général des impôts prévoit que cette amende peut être substituée par une majoration de 80 % des rappels d’impôts qui découleraient du défaut de la déclaration du compte à l’étranger uniquement lorsque la majoration est supérieure à l’amende de 1 500 euros (ou 10 000 euros).
Par ailleurs, si l’origine des avoirs ne peut être expliquée, une taxation de 60 % du solde le plus élevé du compte peut être appliquée.
D’autre part, il existe une présomption que les sommes figurant sur le compte constituent des revenus occultes, donc imposables sauf si le contribuable prouve qu’elles ne le sont pas.
De plus, en cas de redressement, lorsqu’un compte à l’étranger n’a pas été déclaré, celui-ci pourra porter non pas sur trois ans mais sur dix ans. Dès lors, l’Administration fiscale disposera d’un délai allongé pour redresser la situation fiscale du contribuable. Des impositions supplémentaires et pénalités pourraient ainsi être appliquées en matière d’impôt sur le revenu et d’ISF au titre des dix dernières années.
Par exemple : nous sommes en 2024. L’impôt sur le revenu des années 2014 à 2023 et les ISF 2014 à 2017 peuvent être redressés. Concernant l’impôt sur la fortune (actif net supérieur à 1 300 000 euros), les années 2018 et suivantes ne sont, en principe, pas concernées, puisque l’IFI a remplacé l’ISF et ne concerne que les actifs immobiliers.
Ces redressements peuvent être bien plus conséquents que les amendes prévues pour non-déclaration et pourront être, eux-mêmes, majorés de 40 % en cas de manquement délibéré, voire de 80 % en cas de manœuvres frauduleuses. A cela s’ajouteront des intérêts de retard au taux de 2,40 % par année de retard à compter de 2018 et de 4,80 % par année de retard avant 2018.
Enfin, l’absence de déclaration d’avoirs détenus à l’étranger ou la soustraction frauduleuse à l’établissement ou au paiement total ou partiel des impôts constitue un délit de fraude fiscale aggravée lorsque les faits ont été facilités au moyen de comptes ouverts à l’étranger. Ce délit est sanctionné par une amende de 3 000 000 d’euros et une peine d’emprisonnement de sept ans. Peut s’ajouter à cela une peine complémentaire de privation des droits civiques, civils et de famille conformément à l’article 1741 du Code général des impôts.
L’échange automatique d’informations liées aux comptes bancaires étrangers détenus par les contribuables
Depuis 2018, l’ensemble des pays signataires de l’Automatic Exchange of Information, soit plus de quatre-vingt-dix Etats (France, Italie, Royaume-Uni, Espagne, Suisse, Portugal, Australie, Andorre, Israël, les îles Vierges britanniques, par exemple) se sont engagés à échanger de façon automatique des informations liées aux comptes bancaires étrangers détenus par les contribuables.
Les banques sont ainsi contraintes de communiquer les informations bancaires des détenteurs de comptes sur leur sol s’ils sont résidents fiscaux dans un autre pays. Ainsi, une banque espagnole devra identifier ses clients non-résidents fiscaux en Espagne, identifier de quel pays son client est résident fiscal, puis envoyer automatiquement au pays concerné les informations bancaires de son client.
En principe, les banques devront transmettre les nom et prénom des titulaires du compte, le numéro du compte, sa date d’ouverture, son solde ainsi que les intérêts ou dividendes ou plus-values encaissés.
Ces informations seront envoyées automatiquement à chaque pays signataire ayant un résident fiscal qui ouvre un compte bancaire à l’étranger, dans un pays signataire également, et cela sans tenir compte de l’importance du solde du compte.
Ce n’est donc pas parce que le solde d’un compte situé à l’étranger est peu élevé que son détenteur ne sera pas inquiété par l’administration fiscale sur ce sujet.
Si le fisc découvre une fraude, les conséquences, pénalités, amendes pourront en certains cas être élevés. Comme mentionné ci-dessus, le contribuable risque une majoration de l’ordre de 80 %, ainsi que des poursuites pénales, dans les cas les plus importants de fraude.
Il est donc important de correctement déclarer ses comptes situés à l’étranger afin d’éviter tout contrôle fiscal, ces contrôles ayant vocation à devenir de plus en plus fréquents du fait du nombre élevé de données bancaires automatiquement reçues.
Comment le fisc se manifeste lorsqu’il a connaissance d’un compte situé à l’étranger non déclaré
En pratique, lorsque l’administration fiscale reçoit des informations qui révèlent que le contribuable détient un ou plusieurs comptes étrangers, elle le manifestera comme il suit :
- l’administration fiscale peut pré-cocher la case 8UU du formulaire n° 2042 de la déclaration des revenus pré-rempli ;
- elle peut se rapprocher directement des contribuables en leur rappelant leurs obligations concernant leurs comptes étrangers. Il s’agit d’une sorte d’avertissement pour inciter les contribuables à effectuer une régularisation spontanée. Les contribuables reçoivent alors un ou des courriers portant le numéro 751-SD, de la part d’un pôle de contrôle des revenus et du patrimoine (PCRP).
En cas de réception de ce type de courrier, le contribuable doit constituer un dossier de régularisation de compte étranger, sincère, complet, et correctement construit.
A noter qu’une attention toute particulière devra être apportée concernant l’origine des fonds. Le contribuable devra être en mesure de fournir des documents venant à l’appui de ses explications. En effet, si le contribuable ne parvient pas à produire les justificatifs nécessaires pour prouver l’origine des fonds détenus sur ses comptes, l’administration fiscale peut, dans certains cas, appliquer une taxe de 60 % sur ses avoirs (60 % du plus élevé montant des avoirs présents sur vos comptes au cours des dix dernières années). A noter qu’en cas de réception du courrier 751-SD de demande de régularisation, il ne s’agira pas juridiquement d’un contrôle fiscal.
Si la démarche de régularisation est effectuée après la réception de ce courrier, la spontanéité de la démarche reste juridiquement valable. La réception de ce courrier peut être la dernière chance pour le contribuable de procéder à une régularisation spontanée. A défaut, il sera susceptible d’encourir de lourdes sanctions puisque l’administration fiscale corrigera elle-même les déclarations, avec des conséquences souvent très lourdes en termes de redressements.
Il reste recommandé de procéder à une régularisation spontanée de sa situation avant toute alerte de la part de l’administration fiscale afin d’éviter des sanctions souvent plus lourdes.
Comment régulariser de manière spontanée sa situation ?
Depuis la fermeture du STDR (Service de traitement des déclarations rectificatives) au 31 décembre 2017, il n’existe plus de procédure normée de régularisation.
Or de nombreux contribuables qui n’étaient pas concernés par la procédure de régularisation avant 2018 par exemple, car ils n’étaient pas résidents fiscaux de France à cette époque ou qu’ils n’ont eu connaissance de l’existence d’un compte étranger qu’au moment d’une succession intervenue après 2017, souhaitent aujourd’hui régulariser leur situation auprès de l’administration fiscale.
Aujourd’hui, il reste possible pour le contribuable qui n’aurait pas déclaré l’existence de comptes bancaires détenus à l’étranger dans les délais imposés par l’administration fiscale de procédure à une régularisation de leur situation de manière spontanée. A noter que le dépôt d’un dossier de régularisation de manière spontanée ne permettra pas d’éviter l’application des amendes et des pénalités, mais devrait permettre de les limiter.
Dans le cadre de cette démarche spontanée, le contribuable devra constituer un dossier qu’il déposera auprès de l’administration fiscale. Ce dossier est en principe composé des éléments suivants :
- une lettre explicative sur l’origine de tous les fonds étrangers ainsi que les documents justificatifs qui s’y rapportent ;
- un tableau de patrimoine également sur la période concernée ;
- les déclarations des revenus rectificatives (formulaires n° 2042, 2047, 3916-3916 bis…) et, le cas échéant, les déclarations ISF ou IFI rectificatives ;
- la totalité des justificatifs qui se rapportent aux avoirs détenus à l’étranger et aux revenus qui constituent ces avoirs sur la durée concernée par le dépôt de déclarations rectificatives : attestation prouvant que le contribuable est titulaire du compte ou contrat d’ouverture de compte ; en cas de clôture éventuelle, tout document indiquant un flux financier de clôture ; états de fortune ou relevés de patrimoine au 1er janvier de chaque année de référence ou au 31 décembre de l’année qui la précède (il faut fournir ces documents pour les dix années concernées par la régularisation) ; états annuels des revenus fournis par l’établissement bancaire étranger ou l’organisme financier afin de prouver l’existence de gains que ce soit des intérêts, des dividendes, des plus-values ou des moins-values ; relevés de comptes bancaires sur les dix ans concernés par la régularisation.
Aussi, la préparation d’un dossier de régularisation spontané est une démarche qui peut s’avérer complexe et chronophage qui implique une bonne connaissance technique des mécanismes fiscaux français dans un contexte international. L’assistance d’un conseil sera alors fortement recommandée afin de garantir au contribuable la conformité du dossier de régularisation avec les réglementations applicables.
En outre, la procédure de régularisation n’étant plus « normée », un travail de négociation important peut s’imposer avec l’administration fiscale, notamment pour négocier l’absence de poursuite pénale ou limiter le montant des amendes et des pénalités. Là est donc toute l’importance d’être assisté dans le cadre de sa procédure de régularisation.
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