Cas pratique : concilier financement immobilier et succession
Par Serge Harroch, président d’Euclide
Exemple d'un couple de septuagénaires mariés sous le régime de la communauté de biens, possédant une épargne et un patrimoine immobilier importants, qui souhaitent vendre leur maison pour se rapprocher de leurs enfants. La stratégie patrimoniale mise en place avec Euclide.
Historique et contexte
M. et Mme Dupont ont, respectivement, 74 ans et 68 ans, et vivent dans les Yvelines. Ils sont mariés sous le régime de la communauté et ont deux enfants vivant dans le centre de Paris. Ces retraités se sont constitués une épargne de 700 000 euros et possèdent 3 millions d’euros d’immobilier de rendement payé.
Ils souhaitent vendre leur résidence principale devenue trop grande pour eux, pour 1 million d’euros et acheter un « trois pièces » dans Paris pour 800 000 euros afin de se rapprocher de leurs enfants et de leurs petits-enfants.
Objectifs et attentes
Avec la vente de leur résidence principale, M. et Mme Dupont veulent acheter cash leur nouvel appartement, M. tenant à placer les 200 000 euros restants sur un contrat d’assurance-vie au nom de sa femme puisqu’elle a moins de 70 ans.
Une analyse conjointe avec le CGP et son client a amené à l’identification des points suivants :
- la nouvelle acquisition constitue la « dernière demeure » qu’ils désirent acquérir. Donc ils n’intègrent pas dans leur projection une revente de ce bien et surtout une plus-value dont ils seraient exonérés dans le cadre d’un achat en résidence principale ;
- ils ne veulent pas payer de mensualités de crédit ;
- ils aimeraient garder une totale liberté dans l’utilisation de leur patrimoine et ne désirent pas forcément donner ou démembrer maintenant ;
- ils ne sont pas assurables.
L’entretien approfondi et étendu aux enfants a permis de mettre en évidence que ces derniers avaient des situations leur permettant de contracter un emprunt sans que cela obère leur capacité d’endettement.
Solution proposée
Constitution d’une SCI à l’IR et conclusion d'un prêt in fine
Il a été décidé avec le CGP et ses clients de constituer une SCI à l’IR détenue en pleine propriété par les parents à hauteur de 45 % chacun. Les enfants étant détenteurs de 5 % des parts chacun en pleine propriété aussi.
Parallèlement, un prêt in fine de 800 000 euros sur 25 ans est mis en place avec le nantissement de trois contrats d’assurance-vie :
- un premier de 400 000 euros, avec Madame Dupont comme assurée et les enfants en bénéficiaires par parts égales ;
- un contrat d’assurance par enfant de 1 000 euros chacun.
Une assurance décès à hauteur de 50% sur chacune des têtes… des deux enfants est également souscrite.
Condition particulière négociée avec le partenaire bancaire : en cas de décès de la mère, le contrat doit normalement se dénouer et rembourser la banque.
Dans ce cas, comme dès le départ, deux contrats au nom des enfants sont nantis, il a été ajouté dans l’offre de prêt une mention selon laquelle la banque s’engage à remployer les fonds issus du dénouement du contrat de la mère dans les contrats des enfants par part égale permettant ainsi au prêt de se poursuivre malgré le décès de la mère.
Quotidien de Monsieur et Madame Dupont
Dans l’opération, Monsieur et Madame Dupont ont investi 400 000 euros du produit de cession de leur maison en adossement dans un contrat d’assurance- vie. Il leur reste donc 600 000 euros qu’ils vont investir dans plusieurs contrats afin d’optimiser la fiscalité des rachats. En effet, ils vont devenir locataires de leur propre résidence principale, sans que cela ne constitue un abus de droit.
Dans cette situation, il faut constater que c’est à l’occasion de l’acquisition d’une nouvelle opération, et non d’une vente à soi-même, que les parents, associés avec leurs enfants dans la SCI, deviennent locataires de leur bien. Ils signent donc un bail en bonne et due forme, versent réellement des loyers de leur compte joint vers le compte de la SCI afin de ne pas créer de compte courant d’associé.
Pour eux, l’opération est identique à leur premier réflexe, si ce n’est qu’ils sont toujours détenteurs peu ou prou du capital issu de la vente de leur maison.
Gestion des aléas de vie et résistance du modèle
Envisageons les différents aléas que peuvent rencontrer les époux Dupont :
- Décès de Monsieur
La transmission est assurée sans droits de succession, puisque le prêt continue à courir sur la totalité de l’opération et, par conséquent, la valeur des parts de monsieur est au mieux égale à sa quote-part dans la plus-value éventuelle du bien.
- Décès de Madame
Même situation, si ce n’est que les enfants se voient doter de contrats d’assurance-vie héritant des sommes transmises au décès de la mère, minorées des taxes liées aux encours dépassant le plafond d’exonération.
- Décision de vendre de leur vivant le bien
Ils restent libres de vendre et conservent l’intégralité de la valeur initiale entre les rachats d’une partie des contrats et la revalorisation des autres. Ils ne récupèrent que 90 % de la plus-value éventuelle et sur laquelle ils seront taxés, puisqu’en devenant locataires du bien, ils ont renoncé, en connaissance de cause, à l’exonération de la plus-value dans le cadre de la vente de la résidence principale. Mais sous certaines conditions ils peuvent même en être exonérés s’ils réinvestissent le produit de cession.
- Au décès des deux parents
Comme l’assurance porte sur la tête des enfants, au décès des deux parents les enfants héritent, sans droits ou presque, de la SCI, du produit des contrats d’assurance-vie, ainsi que du crédit ! Libre à eux de déboucler l’opération par le remboursement du prêt, la vente du bien ou la poursuite du crédit.
- Les parents survivent au prêt
Ils procèdent au remboursement de la dette par un apport en compte courant. S’ils avaient voulu transmettre le bien, il aurait juste fallu qu’ils donnent les 400 000 euros aux enfants afin que ce soient eux qui adossent le contrat. Mais ce n’était pas leur volonté.
Conclusion
Les parents ont structuré leur patrimoine en équilibrant ses masses entres les actifs immobiliers et les actifs liquides ou quasi liquides.
De son côté, le conseiller gère, non plus 200 000 euros de plus, mais 1 million d’euros dans le seul intérêt du client.
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