Fiscalité, comment évaluer un immeuble ?
Extrait de Fidnet, la solution digitale de Fidroit
Question
Comment évaluer un immeuble ?
Réponse
L’évaluation d’un bien doit permettre, quelle que soit la méthode utilisée, d’établir sa valeur vénale au jour du fait générateur de l’imposition (au 1er janvier de l’année pour l’IFI, au jour de la donation ou du décès).
La valeur vénale d’un bien est le prix auquel il pourrait normalement se vendre compte tenu de ses caractéristiques physiques et juridiques.
Principe : évaluation par comparaison
La méthode par comparaison doit être utilisée en priorité pour les immeubles (sans être combinée avec d’autres méthodes). La charge de la preuve porte sur l'administration.
Un seul terme de comparaison n’est pas suffisant pour motiver l'évaluation d'un bien par cette dernière (Cass. com, 24 juin 2020, n°18-10477).
Celle-ci consiste à établir la valeur d’un bien en recherchant le prix retenu pour des transactions portant sur des immeubles intrinsèquement similaires (qualité architecturale du bien, superficie, état d’entretien et de vétusté, situation géographique, destination du bien, etc.).
Il est possible de collecter la valeur de biens similaires via :
- le service "Rechercher des transactions immobilières" ou "Patrim", accessible dans votre espace Particulier, rubrique "Données publiques" est une aide à l’estimation de vos biens immobiliers ;
- la demande de valeur foncière (sans besoin d’identification préalable).
Ces outils ne sont pas opposables à l’administration fiscale.
BOI-ENR-DMTG-10-40-10-10, § 10 et 40
L’administration fiscale a également mis à disposition des fiches sur les différentes méthodes d'évaluation des biens immobiliers et sur l’aide à l'évaluation des immeubles bâtis.
En l’absence d’immeubles similaires sur le marché, il est possible d’utiliser d’autres méthodes.
Remarque : La méthode comparative doit parfois être pondérée. A titre d’exemple, un terrain non constructible peut présenter des caractéristiques particulières susceptibles d’augmenter sa valeur. Ainsi, la cour de Cassation a pu déterminer que la situation privilégiée d’un terrain pouvait entrainer une évaluation à la hausse de ce dernier. Cette situation privilégiée peut, par exemple, résulter de la qualité des paysages (vue mer) à laquelle s’ajoute une proximité de parcelles fortement urbanisées et une volonté de la commune de rendre les terrains constructibles. Ce peut être également la situation dans un site balnéaire exceptionnel. Dans les cas d’espèces, l’évaluation à la hausse permettait d’augmenter les indemnités d’expropriation, mais on peut supposer que ce surplus d’évaluation pourrait impacter l’évaluation des biens au titre de l’IFI. Cass. civ. 3, 23 sept. 2020, n°19-20431
Evaluation par le revenu brut ou par la valeur de rendement (capitalisation)
La méthode d’évaluation par le revenu brut consiste à appliquer un taux de capitalisation aux revenus bruts de l’immeuble.
Le taux de capitalisation doit être tiré d’une étude approfondie du marché immobilier concernant les propriétés louées.
Elle ne peut être utilisée que si les trois conditions suivantes sont remplies :
- L’immeuble est productif de revenus (donc hors résidence principale et secondaire) ;
- Les revenus produits présentent un caractère normal eu égard au marché locatif local ;
- Le taux de capitalisation ressort nettement de l’analyse du marché locatif.
RM Frédéric-Dupont, JOAN 16 sept. 1991, n° 45310
La méthode d’évaluation par la valeur de rendement consiste également à appliquer un taux aux revenus de l’immeuble mais il s’agit cette fois d’appliquer un taux de rendement aux revenus nets.
Le taux de rendement constitue le taux de rémunération attendu du capital par les propriétaires.
Evaluation par ajustement d'une valeur antérieure
La méthode d’évaluation par ajustement d’une valeur antérieure consiste à appliquer au prix (ou à la valeur) établi lors d’une transaction antérieure du bien un coefficient de réajustement représentant l’évolution du marché des immeubles de même nature.
Il est possible de déterminer un coefficient de réajustement en regardant l’évolution des prix entre la date de la dernière transaction et la date du fait générateur de l’impôt.
Le prix (ou la valeur) d’origine doit refléter la valeur vénale de l’immeuble à l’époque considérée.
Attention : Il faut également tenir compte, le cas échéant, des modifications affectant la consistance ou l’usage de l’immeuble, susceptibles d’avoir une répercussion importante sur sa valeur : grosses réparations, addition de constructions, classement en terrain à bâtir, immeuble libre devenu occupé au jour de l’expertise, etc. RM Remiller, JOAN 17 fév. 2009, n° 35028
Décotes
Démembrement
Aucune décote n’est admise pour tenir compte du démembrement (autre que celle résultant de l’application du barème fiscal).
BOI-PAT-IFI-20-20-30-10, § 1
BOI-PAT-IFI-20-30-10, § 40
Indivision
Aucune décote n'est prévue par la loi ni admise par le BOFiP.
La jurisprudence, qui reconnaît la possibilité de tenir compte de l’indivision pour l’évaluation des actifs, n’a pas fourni de solution de principe :
- il est préférable de l’évaluer par comparaison avec des immeubles eux aussi détenus en indivision plutôt que d’appliquer un abattement lorsque c’est possible.
Cass. com., 6 mars 2007, n° 05-21216
- à défaut, il semble néanmoins envisageable d’appliquer une décote de 20 %.
Cass. com., 16 fév. 2016, n° 14-23301
CA Paris, 11 mars 2010, n° 04/07381
Attention : aucune décote ne semble possible en cas :
- d’indivision entre époux ou partenaires de PACS. Cass. com., 27 mars 2019, n° 18-10933 (les époux n'avaient jamais mentionné l'état d'indivision du bien, et ne comptaient pas céder leur quote part indivise) ;
- d'indivision entre un parent et son enfant unique (laquelle ne présente aucune difficulté de gestion). Cass. com., 30 sept. 2020, n°18-15748
En tout état ce cause, il n’est pas possible d’appliquer une décote lorsque l’indivision résulte de la donation ou du décès (le bien n’étant pas en indivision au jour du fait générateur).
Cass. com., 28 janv. 2003, n° 01-12373 ; Cass. com., 20 oct. 2015, n° 14-19491
Immeuble loué
Il est possible d’appliquer une décote dont le montant varie notamment en fonction de la nature et de la durée du bail restant à courir au jour de la transmission :
- une décote de 15 % à 20 % est généralement admise (CA Paris, 10 sept. 2013, 2010/09118) ;
- elle peut aller jusqu'à 40 % de décote en cas de location soumise à la loi de 1948 (CA Paris, 13 déc. 2011, 08/14417).
RM Estrosi, 10 août 2004, n° 40964
Remarque : Il n’est pas possible d’appliquer une décote pour tenir compte des contraintes liées aux régimes d’investissements locatifs spécifiques (exemple : régime Robien, Borloo, Scellier, etc.). RM Le Fur, JOAN 28 oct. 2008, n° 25327
Attention : Dans certains cas (notamment les immeubles à usage de bureaux ou commercial), il n’est pas cohérent d’appliquer une décote puisque la valeur occupée est généralement supérieure à la valeur libre.
Clause d'inaliénabilité / droit de retour
La présence d’une clause d’inaliénabilité ou un droit de retour ne permet pas d’appliquer une décote (la clause n’affecte pas la valeur de l’immeuble).
BOI-PAT-IFI-20-20-30-10, § 50 (IFI) ; Cass. com., 11 sept. 2012, n° 11-21234 (donation) ; Cass. com., 6 fév. 2007, n° 05-12939 (donation) ; Cass. com., 20 oct. 2015, n° 14-19491 (donation)
Cumul des décotes
Il est possible de cumuler les décotes successives sur un même bien, par exemple un bien donné en location et détenu en indivision : soit une décote de 20 % dans chacun des cas, il convient d'appliquer une décote de 36 % (20 % + 20 % de 80) et non une décote de 40 %.
Cass. com., 16 fév. 2016, n° 14-23301
Cas particulier : immeuble démembré
- Droits de succession et de donation
En matière de droits d’enregistrement, l’évaluation des droits démembrés est faite à partir du barème fiscal de l’article 669 du CGI appliqué à la valeur vénale de l’immeuble. La répartition de la valeur entre usufruit et nue-propriété dépend de l’âge de l’usufruitier ou de la durée de l’usufruit lorsque ce dernier est constitué pour une durée fixe.
CGI art. 669
- IFI
En principe, l’usufruitier est imposable sur la valeur en pleine propriété de l’immeuble. Toutefois trois cas d’exception sont prévus :
- le démembrement résulte des droits légaux du conjoint survivant ;
- le démembrement résulte de la vente avec réserve d’usufruit faite à une personne autre que celles visées à l’article 751 du CGI (présomptifs héritiers ou leurs descendants, donataires ou légataires institués, ou personnes interposées) ;
- le démembrement de propriété résulte d'une donation ou d'un legs fait à l'État ou à certaines personnes morales.
Dans ces hypothèses, l’imposition est répartie entre usufruitier et nu-propriétaire. Chaque droit démembré est alors évalué par application du barème fiscal de l’article 669 du CGI.
CGI art. 968
Cas particulier : résidence principale
La loi prévoit des abattements spécifiques pour l’évaluation de la résidence principale :
- un abattement de 20 % pour le calcul des droits de succession (sous conditions) ;
- un abattement de 30 % est prévu en matière d’IFI.
Aucun abattement n’est prévu en matière de donation.
CGI art. 973, I (IFI) ; CGI art. 764 bis (droits de succession).
Cas particulier : Immeuble détenu via une société
Il faut évaluer les titres et non l’immeuble (bien qu’indirectement la valeur de l’immeuble serve à l’évaluation des titres) : il convient donc d’appliquer les méthodes d’évaluation des sociétés non cotées (voir § 2.2.2 notre question / réponse : Comment évaluer des titres de sociétés ?
Les abattements de 20 % et 30 % prévus pour l’évaluation de la résidence principale au titre des droits de succession et de l’IFI ne sont pas applicables.
BOI-PAT-IFI-20-30-20, § 30
Références
RM Frédéric-Dupont, JOAN 16 sept. 1991, n° 45310
BOI-PAT-IFI-20-20-30-10
BOI-PAT-IFI-20-30-10
Cass. com., 16 fév. 2016, n° 14-23301
RM Estrosi, 10 août 2004, n° 40964
Cass. com., 11 sept. 2012, n° 11-21234
Cass. com., 6 fév. 2007, n° 05-12939
Cass. com., 20 oct. 2015, n° 14-19491
CGI art. 669
CGI art. 968
CGI art. 973, I
CGI art. 764 bis
BOI-PAT-IFI-20-30-20
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