Assurance-vie et fiscalité au-delà de 70 ans : les droits de succession sur les sommes versées conformes à la Constitution
On sait que le paragraphe I de l’article 757 B du code général des impôts, dans cette rédaction, prévoit : « Les sommes, rentes ou valeurs quelconques dues directement ou indirectement par un assureur, à raison du décès de l’assuré, donnent ouverture aux droits de mutation par décès suivant le degré de parenté existant entre le bénéficiaire à titre gratuit et l’assuré à concurrence de la fraction des primes versées après l’âge de soixante-dix ans qui excède 30 500 € ».
Les intérêts et produits de ces sommes sont eux totalement exonérés.
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 6 juillet 2017 par la Cour de cassation (chambre commerciale, arrêt n° 1221 du 4 juillet 2017), dans les conditions prévues à l’article 61-1 de la Constitution, d’une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée pour M. Jean-Jacques M. par Me Philippe Mercier, avocat au barreau de Tours.
La question a été soulevée lors d’un litige relatif à l’assujettissement aux droits de mutation à titre gratuit des sommes perçues par le bénéficiaire d’un contrat d’assurance-vie, à la suite du décès du souscripteur, survenu le 28 février 2015.
Selon le requérant, les dispositions contestées seraient contraires au principe d’égalité devant les charges publiques. D’une part, elles ne tiendraient pas compte des retraits effectués par le souscripteur du contrat d’assurance-vie, postérieurement au versement des primes qu’il a effectué après soixante-dix ans (NDLR : cette réflexion nous semble tout à fait vraie). Elles incluraient ainsi, dans l’assiette des droits de mutation mis à la charge du bénéficiaire, des sommes dont il ne peut avoir eu la disposition, puisque l’assuré en a disposé avant son décès. D’autre part, l’appréciation des facultés contributives du bénéficiaire ne reposerait pas sur des critères objectifs et rationnels dans la mesure où, lorsque le montant des retraits est tel que les droits de mutation doivent être calculés sur les sommes versées au bénéficiaire et non sur le montant des primes versées par l’assuré après soixante-dix ans, l’assiette de l’impôt ainsi retenue inclurait les produits des primes versées.
Le Conseil constitutionnel a décidé le 3 octobre 2017 :
Si le législateur a, d’une manière générale, soumis l’assurance-vie à un régime fiscal favorable, afin de promouvoir le recours à ce type d’épargne de long terme, les exceptions qui y sont apportées par les dispositions contestées visent à décourager le recours tardif à cet instrument d’épargne dans le but d’échapper à la fiscalité successorale. Compte tenu du but ainsi poursuivi, le législateur pouvait prévoir que l’impôt serait dû à raison du seul versement des primes après soixante-dix ans, sans tenir compte des retraits effectués postérieurement à ce versement par l’assuré. De la même manière, il lui était loisible de soumettre aux droits de mutation les sommes versées au bénéficiaire, sans distinguer entre la fraction correspondant aux primes initialement versées par l’assuré et celle correspondant aux produits de ces primes. En adoptant les dispositions contestées, le législateur s’est donc fondé sur des critères objectifs et rationnels en fonction du but visé. « Il résulte de tout ce qui précède que le grief tiré de la méconnaissance de l’article 13 de la Déclaration de 1789 doit être écarté. Le paragraphe I de l’article 757 B du code général des impôts, qui ne méconnaît aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doit être déclaré conforme à la Constitution. » Source : Conseil constitutionnel du 3 octobre 2017, QPC (question préalable de constitutionnalité) n° 2017-658.
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