Loi Elan : Sylvia Pinel plaide pour un plan de relance du secteur immobilier
Au lendemain de l'adoption de la loi Elan, s’inquiétant de l’essoufflement des efforts de relance du secteur immobilier qu’elle avait initiés (entre autres PTZ et dispositif Pinel aujourd’hui recentrés), l’ancienne ministre du Logement dénonce « la pluie de paradoxes et de contradictions » de la nouvelle loi, tout en appelant les professionnels du secteur et les investisseurs « à continuer à porter leurs projets ».
Dans le 3e baromètre Rumeur publique des députés les plus influents dans les domaines de l’habitation et du logement, publié mercredi, Sylvia Pinel, députée du Tarn-et-Garonne (NI) truste fort légitimement la troisième place du classement. L’ancienne ministre du Logement du gouvernement de Manuel Valls a enregistré à son actif pas moins de 64 % d’interventions sur le logement et a fait adopter douze amendements, ce qui lui a valu 429 citations dans la presse. Députée d’influence dans l’hémicycle, certes, mais aussi sur les réseaux sociaux : la membre de la commission des finances de l’Assemblée nationale est suivie par près de 26 000 followers sur Twitter et par 8 365 abonnés sur Facebook. Sylvia Pinel a également laissé son empreinte dans le secteur immobilier en lançant en 2014 une grande réforme du zonage et une loi sur l’investissement locatif qui porte son nom.
Au lendemain de la publication de ce palmarès et de l’adoption à l’Assemblée nationale de la loi évolution du logement et aménagement numérique (Elan), Sylvia Pinel nous accorde ses premières réactions.
Profession CGP : La loi Elan aujourd’hui adoptée est-elle une bonne loi pour le logement et l’immobilier ?
Sylvia Pinel : La loi Elan est une loi technique. Elle comporte des volets et des mesures parfois intéressants, comme la lutte contre les recours abusifs et contre les marchands de sommeil. Par contre, la mixité sociale est totalement absente de cette loi. Et je le regrette. La loi SRU et la loi littoral sont remises en cause. Se pose également la question aujourd’hui de la vente des logements sociaux.
La loi Elan remet aussi en cause le droit de l’urbanisme. Déjà, le projet de loi de finances pour 2018 n’avait déjà pas mis en avant la construction, la baisse des APL avait été actée, ce qui génère maintenant la vente des logements par les bailleurs sociaux. La loi Elan est donc dans la continuité de la trajectoire lancée par le projet de loi de finances 2018 qui ne recueille pas mon assentiment. Cette trajectoire ne sera pas corrigée par le PLF 2019. On est très loin du compte et je suis très inquiète à la lecture des derniers chiffres de la construction, qui révèlent que les mises en chantier et le nombre des permis de construire régressent.
Sauriez-vous déterminer les raisons des mauvais chiffres de la construction ?
S. P. : Le PTZ comme le dispositif Pinel ont été recentrés. Le secteur du bâtiment s’en trouve donc fragilisé. Si le début d’année 2018 a résisté, maintenant c’est un décrochage que l’on enregistre partout en France dans le domaine de la construction, mais aussi des rénovations et du secteur de l’ancien qui se dégrade. Le marché se grippe.
Les efforts de relance dont nous avions été les instigateurs sous le précédent quinquennat s’essoufflent. Les mesures d’aides et de soutien de l’Etat telles que l’APL-accession et le PTZ, respectivement supprimée dans le neuf et limitée dans l’ancien, et le PTZ recentré dans les zones tendues, permettaient jusqu’alors de solvabiliser les primo-accédants. La loi Elan est une incohérence pour fluidifier le parcours du parc social ; c’est une pluie de paradoxes et de contradictions !
Et le projet de loi de finances pour 2019 et la loi Elan ne vont pas arranger les choses. C’est plutôt comment faire des économies sur le dos du secteur immobilier ! L’aménagement des centres-bourgs pose également problème : cela n’a plus rien à voir avec la politique du logement tel que je l’avais calibré avec les PTZ. Et là aussi je le regrette. Les dispositifs de soutien permettaientt de revitaliser les petites communes.
Que préconisez-vous alors ?
S. P. : Le gouvernement ne fera pas l’économie d’un plan de relance. Je sais combien le secteur a mis du temps à redémarrer et à peser sur notre plan de croissance. Il faut savoir si le gouvernement veut faire des économies sur la politique de logement. Celle que nous avions menée était un plan global. Il suffit de regarder les chiffres du secteur enregistrés en 2016 et en 2017. Et le dispositif Pinel a porté ces bons chiffres. Sans oublier l’impact sur l’emploi dans le secteur du bâtiment, la TVA, les droits de mutation, pour n’en citer que quelques-uns. On ne doit pas regarder seulement les dépenses : certes, la politique du logement coûte 40 milliards d’euros, mais les rentrées fiscales pour l’Etat et les collectivités territoriales se montent à 70 milliards d’euros, sans compter le soutien aux entreprises du bâtiment. On oublie trop souvent les recettes engendrées et on ne regarde que les dépenses.
Concernant l’investissement locatif, j’avais refait le zonage en 2014. Je pense qu’aujourd’hui au lieu de supprimer la zone C et la zone B2 pour le PTZ en zone détendue en 2020, il aurait été plus judicieux de regarder le marché local. Au lieu de coup de rabot, il aurait fallu refaire le zonage car la photographie de 2014 ne correspond plus à celle de 2018. Que l’on fasse plutôt ces analyses fines aurait été plus judicieux. C’est un vrai débat, comme la territorialité des aides. Le logement n’est plus une vraie politique du quotidien. Il faudrait une véritable politique du logement : il n’y a pas de cohésion des territoires sans mixité sociale.
Que diriez-vous aux professionnels du secteur immobilier et aux investisseurs ?
S. P. : Les promoteurs immobiliers, les investisseurs, bref, les professionnels du secteur sont plus inquiets par le projet de loi de finances pour 2019. Il faut qu’ils se mobilisent et fassent remonter leurs inquiétudes en matière d’emploi et de réalisation. On a besoin d’eux ! J’espère que la trajectoire qui se poursuit par le biais de la loi Elan et du projet de loi de finances pour 2019 sera corrigée pour qu’ils retrouvent confiance. Ils doivent continuer de porter leur projet, et que le gouvernement les rassure et les aide.
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