L’ESMA livre ses orientations au titre de la gouvernance des produits
Par Anne Simonet
L’ESMA, le superviseur européen des marchés financiers, a défini ses orientations quant à la gouvernance des produits au titre de la directive MIF2. Elles s’appliquent à compter du 3 janvier 2018. Pour mémoire, la gouvernance des produits impose aux producteurs de concevoir des produits financiers qui répondent aux besoins d’une clientèle cible et de choisir des réseaux de distribution adaptés.
Il est à noter que les produits fabriqués avant le 3 janvier 2018 mais distribués aux investisseurs après cette date relèvent du champ d’application des exigences en matière de gouvernance des produits applicables aux distributeurs. Dans tous les cas, le producteur devra attribuer un marché cible à ces produits au plus tard après le prochain cycle du processus de réexamen des produits, tel qu’il est exigé par la directive MIF2.
Marché cible potentiel et stratégie de distribution
L’ESMA invite les producteurs à suivre la liste des cinq catégories pour définir le marché cible. Ces catégories sont cumulatives. Si les producteurs estiment que ces catégories sont trop restrictives pour définir un marché cible significatif, des catégories supplémentaires peuvent être ajoutées. Toutefois, afin de faciliter l’échange d'informations avec les distributeurs et de favoriser une architecture ouverte, les producteurs peuvent limiter l’utilisation de catégories supplémentaires aux cas où celles-ci sont nécessaires pour définir un marché cible significatif pour le produit.
L’ESMA précise que la définition du marché cible peut reposer, entre autres, sur leurs connaissances théoriques et leur expérience du produit dans la mesure où les producteurs n’ont généralement pas de contact direct avec les clients.
Les cinq catégories sont les suivantes :
- le type de clients ciblé par le produit (clients de détail, clients professionnels et/ou contreparties éligibles) ;
- les connaissances et expérience des clients ;
- la situation financière et notamment la capacité à subir des pertes ;
- la tolérance au risque et la compatibilité du profil risque/rémunération du produit avec le marché cible ;
- les objectifs et besoins des clients.
Le marché cible potentiel devrait être défini de manière adaptée et proportionnée, en prenant en compte la nature du produit d’investissement. Cela signifie que la définition du marché cible devrait prendre en compte les caractéristiques du produit, y compris sa complexité (structure des coûts et des frais incluse), son profil risque/rémunération ou sa liquidité, ou son caractère innovant. Le marché cible doit être défini à un niveau de granularité suffisant pour éviter l’inclusion d’éventuels groupes d’investisseurs avec les besoins, les caractéristiques et les objectifs desquels le produit n’est pas compatible. Plus le produit est simple et moins la catégorie a besoin de précision.
Le producteur doit prendre des mesures raisonnables pour s’assurer que le produit financier est distribué auprès du marché cible défini. Il définira sa stratégie de distribution en vue de favoriser la vente de chaque produit au marché cible de ce produit, a fortiori en s’efforçant de sélectionner des distributeurs dont le type de clients et de services proposés sont compatibles avec le marché cible du produit.
Marché cible réel du distributeur
Le marché cible du distributeur, soit le marché cible «réel» pour le produit spécifique devra être défini à un stade précoce, lorsque les politiques commerciales et les stratégies de distribution de l’entreprise sont définies par l’organe de direction et sur une base ex ante (c’est-à-dire avant le commencement des activités quotidiennes). Les distributeurs peuvent utiliser la même liste de catégories que celle utilisée par les producteurs, comme base pour définir leur marché cible. Toutefois, l’ESMA ajoute qu’ils devraient définir le marché cible à un niveau plus concret en tenant compte de la nature des produits d’investissement et du type de services d’investissement qu’ils fournissent.
En effet, le producteur doit définir le marché cible potentiel sur la base d’une approche plus générale, sans connaissance spécifique des clients individuels, en se fondant notamment sur leurs connaissances des marchés financiers et de leur expérience passée avec des produits similaires.
De son côté, le distributeur doit définir le marché cible réel, en prenant en compte les limites du marché cible potentiel fixées par le producteur et sur la base de leurs informations et connaissances concernant leur propre base de clientèle. Cette obligation s’applique de manière proportionnée en fonction non seulement de la nature du produit mais également du type de services d’investissement fournis par les entreprises.
Si le producteur et le distributeur définissent simultanément tant le marché cible du producteur que le marché cible du distributeur, y compris l’éventuelle procédure de réexamen et d’affinement, ces derniers conservent leur responsabilité propre quant à leurs obligations de définir un marché cible. Ainsi, le producteur est toujours tenu de prendre des mesures raisonnables afin de s’assurer que les produits sont distribués auprès du marché cible défini et le distributeur est tenu de s’assurer que les produits sont proposés ou recommandés uniquement lorsque cela est dans l’intérêt des clients.
Adéquation du produit
Précision importante, le superviseur européen indique que l’obligation du distributeur de définir le marché cible réel et de veiller à ce que le produit soit distribué conformément à ce dernier ne le dispense pas de l’évaluation de l’adéquation ou du caractère approprié. Cette obligation doit être respectée en plus d’une telle évaluation et préalablement à celle-ci.
Par ailleurs, la définition d’un marché cible par le distributeur est sans préjudice de l’évaluation de l’adéquation. Cela signifie que, dans certains cas, des déviations autorisées entre la définition du marché cible et l’éligibilité individuelle du client peuvent avoir lieu, si la recommandation ou la vente du produit satisfait aux exigences d’adéquation évaluées au niveau du portefeuille ainsi qu’à toutes les autres exigences juridiques applicables, y compris celles se rapportant à l’information, la détection et la gestion des conflits d’intérêts, la rémunération et les incitations.
Suivi du marché cible
Les producteurs et les distributeurs doivent réexaminer régulièrement les produits en vue d’évaluer si le produit reste adapté aux besoins, aux caractéristiques et aux objectifs du marché cible défini et si la stratégie de distribution prévue demeure appropriée.
Les informations pertinentes pourraient inclure, par exemple, des informations sur les canaux de distribution utilisés, la part des ventes réalisées en dehors du marché cible, des informations synthétiques sur les types de clients, une synthèse des plaintes reçues et des questions suggérées par le producteur à un échantillon de clients en vue d'obtenir un feedback. Ces informations peuvent être sous forme agrégée et n’ont pas besoin d’être ventilées par instrument ou par vente. Les distributeurs devraient leur fournir des informations sur les ventes et, le cas échéant, toute autre information pertinente susceptible de résulter du réexamen périodique réalisé par le distributeur lui-même.
Source : www.esma.europa.eu
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