Affaire Maranatha : l’AMF sanctionne un premier cabinet de CGP
300 000 € d’amende pour le cabinet de conseil en gestion de patrimoine Conseil Patrimoine Finance (CPF) qui a commercialisé les produits du groupe hôtelier Maranatha. Ses cogérants ont également écopé d'amendes allant de 30 000 à 100 000 €.
Pour mémoire, plus de 700 millions d'euros ont été investis par environ 6 000 épargnants pour financer le groupe hôtelier qui est en procédure de redressement judiciaire.
Le cabinet de CGP a notamment commercialisé les gammes Finotel et Club Deal qui consistaient en une souscription aux parts de sociétés en commandite par actions (SCA) détenant chacune, directement ou indirectement, les titres d’une ou plusieurs sociétés exploitant un hôtel déterminé. Pendant la même période, CPF a également proposé à des clients de mettre des fonds à disposition d’entités du groupe Maranatha.
CIF ou non ?
Une fois de plus, la qualification juridique de l’activité litigieuse a été débattue, à savoir si celle-ci relevait du statut de conseil en investissements financiers (CIF) ou de conseil en gestion de patrimoine, activités dont se prévalaient la société, notamment au travers des mandats de recherche proposés aux clients qui excluaient la fourniture de conseil en investissement et de la délivrance de simples informations non susceptibles d’être qualifiées de recommandations personnalisées. S’agissant de l’activité de CPF relative aux contrats de prêts, les cogérants affirmaient également qu’elle relevait du conseil en gestion de patrimoine.
Toutefois, la commission des sanctions observe que CPF a adhéré à la CNCGP et est inscrite en tant que CIF à l’Orias depuis le 4 novembre 2005. « Il en résulte que CPF avait la qualité de CIF à l’époque des faits, peu important que l’activité exercée à ce titre ait ou non représenté une part moindre que celle de conseil en gestion de patrimoine. » Or, l’investissement dans les produits des gammes Finotel et Club Deal s’effectuait par le biais d’une acquisition de parts de SCA qui, constituant des titres de capital émis par les sociétés par actions, sont des instruments financiers au sens de l’article L. 211-1 du Code monétaire et financier. Il ressort des conventions signées entre Maranatha et des courriels échangés avec les clients que CPF a bien fourni un service de conseil en investissement, notamment au travers des recommandations présentées comme adaptées aux clients. Cette qualification de recommandation personnalisée ne peut être écartée par une simple mention contraire dans un document contractuel.
Entrée en relation et connaissance clients
L’AMF retient que les clients ayant souscrit aux produits litigieux ne se sont vus remettre ni document d’entrée en relation, ni lettre de mission, ni rapport écrit, en violation des articles 325-3, 325-4 et 325-7 du règlement général de l’AMF. Elle souligne que CPF était tenue de remettre un document d’entrée en relation aux clients (même anciens), auxquels elle fournissait pour la première fois, comme en l’espèce, une prestation relevant de l’exercice de ses activités de CIF. L’AMF lui reproche également de ne pas avoir recueilli les informations sur la connaissance de ses clients.
Gestion des conflits d’intérêts et commissions
L’AMF retient qu’en s’abstenant de se doter des procédures permettant de prévenir, gérer et traiter la situation de conflit d’intérêts née de la rémunération versée par Maranatha au titre de la commercialisation des produits promus par cette dernière, CPF a méconnu l’article 325-8 du règlement général de l’AMF.
Plus encore, elle affirme que CPF a manqué à l’obligation de donner à ses clients les informations utiles sur les modalités de sa rémunération, prévue au 5° de l’article L. 541-8-1 du code de commerce et à celle d’agir de manière honnête, loyale et professionnelle en informant clairement les clients de l'existence, de la nature et du montant ou du mode de calcul de la rémunération ou commission perçue, édictée par l’article 325-6 du règlement général de l’AMF.
Informations inexactes et trompeuses
Il est également fait grief à la société d’avoir délivré des informations inexactes et trompeuses à ses clients. Les plaquettes commerciales, dont la société ne conteste pas qu’elles ont été remises à des clients, faisaient état d’un « capital protégé », de « rendements significatifs » et omettaient d’indiquer les risques associés à l’investissement. En outre, ces plaquettes faisaient état d’une « caution » de Maranatha concernant toutes ses offres et mentionnaient que les actifs du groupe servaient de garantie à chaque investisseur, alors qu’en réalité les investisseurs ne bénéficiaient d’aucune protection contre les risques encourus, susceptible d’être qualifiée de garantie aussi bien au sens commun que dans l’acception juridique de ce terme
L’AMF considère que « la circonstance, à la supposer établie, que CPF se soit bornée à relayer l’information transmise par Maranatha, seul rédacteur des plaquettes commerciales, est indifférente à la caractérisation du grief dès lors que l’obligation prévue à l’article 325-5 du règlement général de l’AMF s’applique à toutes les informations adressées par un CIF sans distinction, que celui-ci en soit ou non l’auteur ».
Opérations de prêts
Enfin, en s’abstenant de vérifier que les entités auxquelles ses clients consentaient, sur son conseil, un prêt étaient habilitées à recevoir des fonds remboursables du public, CPF n’a pas exercé son activité avec la compétence, le soin et la diligence qui s'imposaient au mieux des intérêts de ses clients, en violation du 2° de l’article L. 541-8-1 du Code monétaire et financier, peu important le rôle joué par Maranatha dans les opérations litigieuses. L’AMF souligne, à ce titre, que ces dernières ne constituaient donc pas des avances en compte courant d’associé, mais bien des prêts « ordinaires » consentis par un investisseur n’ayant pas la qualité d’actionnaire ou d’associé.
Cerise sur le gâteau, il est également reproché à la société d’avoir manqué à l’obligation incombant aux personnes contrôlées d’apporter leur concours avec diligence et loyauté.
A noter qu’ il est toujours dans l’intérêt des mis en cause d’avoir recours à leur propre avocat et non à celui d’un fournisseur, qui plus est quand ce dernier est également inquiété. En effet, l’avocat qui assistait les gérants lors des auditions était également conseil de Maranatha. Si le conflit d’intérêts qui en résultait a été mis en avant par les intéressés pour solliciter le retrait des déclarations faites par ces derniers aux contrôleurs sur la nature juridique des mises à disposition de fonds proposées aux clients au profit d’entités du groupe Maranatha, la commission des sanctions rejette cette demande rappelant qu’ils ont été informés du droit de se faire assister du conseil de leur choix, et les procès-verbaux d’auditions attestent que les intéressés ont été entendus par les contrôleurs en présence de l’avocat dont ils ont indiqué souhaiter le concours.
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