Prélèvement à la source et réductions d’impôts : une nouvelle injustice fiscale
Par Franck Ladrière, expert fiscal, fondateur de Girardin Expertise
L’impôt prélevé à la source n’intégrera pas les réductions d’impôts et sera donc plus élevé. Le crédit d’impôt ne sera reversé qu’au moment de la régularisation, soit en septembre 2020 pour les avantages fiscaux mis en place en 2019. Un vrai décalage de trésorerie !
Les bénéficiaires de BIC, bénéfices agricoles, BNC ou revenus fonciers pourront ajuster leur taux de prélèvement, sous leur responsabilité, en fonction des réductions d’impôts qu’ils envisagent de mettre en place. Selon le site de l’administration fiscale, ce service de modulation sera ouvert à partir du 16 juillet 2018. Attention, il faudra ajuster ce taux avant le 15 septembre 2018 pour qu’il soit pris en compte au 1er janvier 2019.
De la perte de contrôle de son impôt…
Mais, pour les salariés et les retraités, pas de modulation possible sur ce même site avant le 1er janvier 2019. Et, c’est eux, les plus nombreux, qui vont subir les effets pervers de cette réforme déjà tant critiquée. En effet, non seulement ils paieront un impôt plus élevé (car leurs avantages fiscaux ne seront pas intégrés), mais en plus ils devront faire une avance de trésorerie pour financer ces réductions d’impôts. En attendant d’être remboursé jusqu’à 18 mois après avoir été prélevé !
Pour le salarié ou le retraité qui ne paie pas d’impôt du fait de ces réductions, il vient de découvrir lors de sa déclaration de revenus 2017 le taux de prélèvement qui sera communiqué à son employeur ou sa caisse de retraite sans pouvoir le changer.
Nous passons donc d’un système 100% déclaratif, dans lequel le contribuable avait le contrôle de son impôt à un système inquisiteur, dont le taux est calculé par l’administration au regard de revenus perçus deux ans avant, sans intégrer crédits d’impôts et autres avantages !
… à l’enrichissement des banques
Les banques seront sans doute sollicitées pour financer ces besoins de trésorerie. Ceux-ci peuvent être évalués à plusieurs milliards d’euros de crédit car, les salariés et les retraités ne disposent pas nécessairement de l’épargne de précaution disponible. Les opposants au gouvernement vont se délecter de cet effet pervers, qui va bénéficier à l’enrichissement du système financier.
Alors que l’exécutif a de plus en plus de difficultés à convaincre que cette réforme va permettre un gain en pouvoir d’achat des contribuables, il est encore temps d’agir. Car le réveil risque d’être douloureux quand ses effets seront effectifs début 2019. L'annonce d'un remboursement du crédit d'impôt lié aux services à la personne ne suffira pas. Nous ne pouvons qu’espérer que le gouvernement sera force de proposition dans le projet de loi de finances 2019. Il est indispensable de corriger cette injustice fiscale que les Français, qui paient l’impôt, ne leur pardonneront certainement pas.
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