Investisseurs, prenons part à la transition écologique !
Par Roni Michaly, président-directeur général de Galilee Asset Management, et Aurélien Lux, analyste et assistant-gérant chez Galilee Asset Management
Des émeutes anti-G8 de Gênes en 2001 aux marches pour le climat impulsées par la militante Greta Thunberg, la société civile mondiale se mobilise, plus ou moins pacifiquement, depuis plus de vingt ans pour appeler les gouvernements à prendre des décisions radicales en matière de lutte contre le réchauffement climatique.
Rapport après rapport, manifestation après manifestation, un consensus naît peu à peu : il est nécessaire de repenser notre modèle économique pour faire face aux enjeux de la transition écologique. Cela implique de promouvoir des pratiques durables, d’investir dans des technologies propres et de favoriser l’innovation verte dans l’ensemble des secteurs. La transition écologique nécessite ainsi une coordination entre les acteurs économiques, les gouvernements, les ONG et la société civile pour mettre en place des politiques et des incitations favorables à la protection de l’environnement.
Acteurs économiques centraux, nous, investisseurs, avons donc notre rôle à jouer dans cette révolution. Le « monde de la finance » loin d’être un ennemi opposé au peuple travailleur – caricature attribuée d’un ancien président de la République – doit revenir à son essence même : allouer les ressources de manière efficace. Dans cette voie, il est impératif de mettre en lumière le rôle pivot que la gestion active peut jouer dans la transition écologique et énergétique. En comparaison avec la gestion passive, qui suit des indices, qu’ils soient classiques ou modifiés d’ailleurs, la gestion active peut offrir une approche plus dynamique, capable de mieux orienter les flux de capitaux de manière à encourager une réelle transition vers une économie durable.
Pour les novices, la gestion active et la gestion passive sont deux approches fondamentalement différentes de l’investissement. La gestion active implique une gestion dynamique des investissements, où des gérants de fonds prennent des décisions actives pour sélectionner des titres, acheter et vendre des actifs, et rechercher des opportunités de rendement supérieur au marché. Cette approche repose sur l’expertise humaine, l’analyse approfondie et la recherche active. A contrario, la gestion passive cherche à reproduire la performance d’un indice ou d’un panier d’actifs spécifique. Elle n’implique généralement pas de prises de décision actives de la part des gestionnaires de fonds. Les fonds indiciels, tels que les ETF (Exchange Traded Funds), sont couramment utilisés dans la gestion passive.
La gestion active : pierre angulaire de l’investissement responsable
La gestion active, lorsqu’elle a une dimension durable, a pour but de guider les capitaux vers des entreprises qui, non seulement excellent dans leurs domaines respectifs, mais sont également engagées envers les principes ESG (environnementaux, sociaux et de gouvernance). Ces analyses peuvent inclure l’examen des émissions de gaz à effet de serre, de la consommation d’eau, des pratiques de gestion des déchets, des relations avec les communautés locales, de la gestion des droits de l’homme, de la diversité et de l’inclusion au sein de l’entreprise… Ainsi cette évaluation approfondie des investissements potentiels, via un prisme financier et extra-financier, permet de filtrer les entreprises ne respectant pas les normes éthiques au sens large et environnementales. Cette approche proactive est souvent plus efficace que celle de la gestion passive, qui manque encore parfois de discernement. Certes les ETF peuvent maintenant traquer des indices modifiés pour y intégrer un filtre ESG, cependant, la méthode utilisée dans ce cas est, en général, le « Best-in-Universe ». Cette méthode sélectionne les entreprises les plus performantes sur les critères extra-financiers, tous secteurs confondus, mais comporte des biais en délaissant les secteurs les moins vertueux. En bref, cette approche, dont l’application systématisée est facile à implémenter dans un ETF a pour inconvénient de privilégier de manière automatique certains secteurs dans les portefeuilles et, par conséquent, de contraindre et de concentrer les allocations d’actifs.
Autre différence de taille, la gestion active offre également la possibilité aux investisseurs d’influencer directement les trajectoires des entreprises. En engageant un dialogue constructif avec les entreprises et en participant activement aux votes en assemblée générale, ils peuvent encourager l’adoption de pratiques plus vertes et plus éthiques, façonnant ainsi un écosystème d’entreprises responsables et soucieuses de leur impact sur la société et le monde. Elle incite les investisseurs à prendre parti dans la gouvernance des entreprises, au contraire de la gestion passive. Les investisseurs actifs peuvent rencontrer la direction, les membres du conseil d’administration, les responsables des relations investisseurs et d’autres parties prenantes clés des sociétés dans lesquels ils investissent. Cela leur permet de discuter de questions ESG importantes et de travailler avec les entreprises pour élaborer des stratégies d’amélioration.
Pour poursuivre, en tant que gérants actifs, ils peuvent demander aux entreprises de fournir des informations plus détaillées et transparentes sur leur performance ESG. Ils peuvent exiger des rapports réguliers sur les initiatives durables de l’entreprise, les progrès réalisés, et les résultats obtenus. Cette transparence accrue permet aux investisseurs et aux clients de mieux évaluer l’engagement d’une entreprise en matière de durabilité.
Pour finir, les investisseurs actifs peuvent avoir un impact non négligeable lors des votes en assemblées générales des actionnaires pour influencer la gouvernance de l’entreprise. Au contraire, les gérants de fonds passifs peuvent, sur ce point, se caractériser par leur approche « suivez l’indice » et ne cherchent généralement pas à engager un dialogue direct avec la direction des entreprises dans lesquelles ils investissent. Ils n’ont pas pour habitude non plus de solliciter des réunions avec les dirigeants d’entreprise pour discuter de questions liées à la durabilité, aux questions ESG ou aux performances financières.
De surcroît, dans un monde en perpétuelle évolution, les gérants actifs ont la capacité d’investir dans les innovations nécessaires à la transition écologique et énergétique. En effet, cette transition appelle des produits et services nouveaux alliant efficacité économique et efficience environnementale.
Plus précisément, l’efficience implique d’obtenir le meilleur rendement possible à partir des ressources disponibles, qu’il s’agisse de temps, d’argent, d’énergie, de matériaux ou d’autres facteurs. En complément des critères de croissance, de qualité, et extra-financiers, la sélection d’actions doit également se fonder sur l’analyse des vecteurs d’innovation renforçant les avantages compétitifs et les barrières à l’entrée. La gestion active est alors la seule capable de concilier et d’utiliser l’ensemble de ces analyses.
Un appel à l’action
De manière quasi unanime dorénavant, l’heure est venue d’aller au-delà d’une approche mécanique de l’investissement et d’adopter une démarche plus consciente et engagée. Nous nous trouvons à un carrefour où la gestion active peut servir de catalyseur pour diriger les investissements vers des sociétés plus respectueuses de l’environnement.
En reconnaissant et en promouvant les mérites de la gestion active, nous pouvons accélérer la transition vers une économie qui respecte les principes de durabilité et d’équité. Bien au-delà du Greenwashing de certains fonds, labellisés SFDR article 8 ou 9 pour leur référencement, la gestion active a la capacité de développer des processus de sélection et de gestion novateurs, capables de concilier analyse financière et extra-financière. Les débats actuels en Europe sur la classification SFDR sont une bonne chose dans la mesure où nous devons lutter contre le Greenwashing et développer des standards communs pour faciliter la compréhension des investissements pour les investisseurs.
La gestion active n’est pas simplement une option parmi d’autres pour les investisseurs soucieux de l’impact de leurs décisions, elle représente un impératif absolu dans un monde en rapide évolution. En tant que force dynamique, elle détient le pouvoir de modeler le développement d’une économie qui ne se contente pas d’être lucrative, mais qui génère également des bénéfices tangibles pour la société dans son ensemble.
En intégrant des critères ESG, en promouvant l’innovation et en influençant les pratiques des entreprises, la gestion active s’érige en moteur de transformation, en un catalyseur pour une transition vers une économie plus équitable, durable, éthique et respectueuse de l’environnement. Elle incarne ainsi la vision d’un avenir où les investissements servent non seulement les intérêts financiers des investisseurs, mais également l’intérêt supérieur de la planète et de ses habitants.
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