Est-il raisonnable de vendre son immobilier pour céder aux sirènes d’opportunités temporaires ?
Par Jean-Marc Peter, directeur général de Sofidy
Il faut bien reconnaitre que les épargnants sont, depuis plus d’un an, moins séduits par les fonds immobiliers. Ils s’en détournent au profit d’autres produits comme les livrets, les fonds datés obligataires, les produits structurés ou encore certains «fonds euros boostés» d’assurance-vie.
Pourquoi assiste-t-on à cette évolution? Par la combinaison de deux facteurs, qui ont pour origine la décision des banques centrales d’augmenter les taux courts pour combattre l’inflation: d’un côté les baisses de valeurs immobilières, résultant de l’impact mécanique de la hausse des taux et d’une réduction du nombre d’acquéreurs potentiels, et de l’autre des rémunérations revalorisées pour les produits de taux.
Par ailleurs, l’inversion actuelle de la courbe des taux, c’est-à-dire des taux courts (euribor 3 mois à 4%) supérieurs aux taux longs (obligation d’état 10 ans à 3%) est une anomalie qui permet de servir des rendements supérieurs aux taux long terme tout en garantissant le capital.
Aussi attractif que cela puisse paraître, cette anomalie va se dissoudre au fur et à mesure que les banques centrales vont baisser leurs taux directeurs, qui sont des taux courts. Elle rend donc particulièrement séduisantes les opportunités temporaires qu’elle suscite.
Est-il pour autant pertinent de vendre son immobilier pour profiter de cette configuration inédite mais temporaire? La question mérite d’être posée car l’immobilier se prête plus difficilement que les actions (par exemple) aux arbitrages et aux allers et retours. Les coûts de frottements sont importants, généralement aux alentours de 10% en tenant compte des frais de notaire, d’agents immobiliers, de financement… Ces coûts existent également pour les SCPI.
Délaisser l’immobilier aurait du sens si le nouveau produit rapportait au moins 15% la première année, c’est-à-dire les coûts de frottement (10%) auxquels il convient d’ajouter le rendement de 5% de la SCPI. Il faudrait qu’ensuite le produit affiche durablement un objectif de rendement égal ou supérieur à celui des SCPI, de 5%.
Enfin, comme le font les SCPI, le produit devrait protéger l’épargnant contre une inflation qui devrait durablement se stabiliser entre 2% et 3%. Les besoins de financements de nos sociétés vieillissantes, les dépenses militaires croissantes, la Réindustrialisation et la Transition énergétique, ont, en effet, clairement des impacts inflationnistes.
Envisager qu’un placement puisse réunir toutes ces conditions est illusoireet s’avérera certainement décevant. La déception pourra être encore plus forte si le fonds immobilier abandonné se trouve en capacité de saisir des opportunités d’acquisitions dans une configuration de marché très favorable, valorisant ainsi ses performances futures.
Ne laissons donc pas un environnement fugace nous faire oublier que, si ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier est un principe essentiel, envisager le placement immobilier sur le temps long l’est également!
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