PEA et loi Pacte : les épargnants laissés seuls face aux marchés financiers
Par Philippe Parguey, directeur général de Nortia
A l’exception de quelques titres de presse spécialisés, ce décret de la loi Pacte, du 5 février 2020, est passé presque inaperçu. Pourtant, il change complètement le paysage de l’investissement en actions en France. Pour rappel, les PEA sont plus de 4,7 millions en France et représentent 92,7 milliards d’euros d’encours (en mars 2019, selon la Banque de France). En plafonnant, à partir du 1er juillet prochain, les frais annuels à 0,40 % TTC (tenue de compte, droits de garde, frais de gestion pour les PEA assurance), le gouvernement avait sans doute la louable intention de favoriser, à moindre coût, le fléchage de l’épargne des Français vers les fonds propres des entreprises. Intéressant de noter que si cette ambition est affichée par l’exécutif depuis son élection, il aura fallu attendre ce décret du 5 février 2020, pris par le Premier ministre et celui des Finances, pour que soient établies les modalités de ce plafonnement, dont le principe a été acté depuis la loi Pacte du… 22 mai 2019.
Ce plafonnement, qui pourrait sembler une mesure en faveur de la transparence des frais et donc du consommateur, bouleverse en réalité tout l’écosystème de l’investissement en actions, dans cette enveloppe très appréciée des Français depuis 1992.
Vous allez comprendre.
Aujourd’hui, les frais prélevés au titre d’un PEA rémunèrent l’ensemble de la chaîne de valeur : le dépositaire pour le PEA bancaire, l’assureur pour le PEA de capitalisation, le passeur d’ordres pour les arbitrages et, bien sûr, le conseil. C’est indéniable, les PEA irriguent bien plus efficacement l’économie réelle que d’autres véhicules et permettent à l’investisseur, en fonction de son degré d’aversion au risque, de valoriser son patrimoine. Mais, est-ce raisonnable de penser qu’un particulier, que l’on sait averse au risque, va choisir entre des milliers de valeurs et de fonds “peable” ? Devons-nous considérer que tout le travail d’analyses, de connaissance des marchés financiers, des instruments, au cœur du métier de conseiller, ne vaut rien ? Ce serait pure folie ! Ce décret nous y plonge : au motif d’encadrer, le gouvernement laisse les épargnants seuls face à leur allocation d’actif, seuls face aux marchés financiers, dont il n’est pas utile de rappeler ici la complexité et la volatilité…
Est-il encore besoin de prouver qu’un conseil financier indépendant est un gage essentiel d’une gestion de patrimoine performante et pérenne ? La résilience des CGP et le calme de leurs clients pendant la crise du coronavirus témoignent une nouvelle fois, comme en 2008, de la valeur ajoutée indispensable des CGP. Il nous a semblé relever de notre responsabilité d’alerter la communauté financière sur ce “petit” sujet aux lourdes conséquences.
Vos réactions