Le mythe de l’assurance-vie luxembourgeoise
Par Anice Chlagou, directeur général du cabinet de family office Letus Private Office
Le contrat luxembourgeois est de plus en plus évoqué par les praticiens et conseils comme une alternative à l’assurance-vie française : tantôt en raison de la possibilité offerte aux souscripteurs de payer les primes par apport de titres financiers, ce qui n’est pas envisageable au regard du droit français, tantôt en ce qu’il est présenté comme un contrat pouvant échapper aux dispositions de la loi Sapin 2.
La réalité est plus circonstanciée et il convient de regarder l’assurance-vie luxembourgeoise avec plus de neutralité et d’objectivité.
La protection des actifs
L’une des idées reçues les plus véhiculées sur les avantages de l’assurance-vie luxembourgeoise concerne la protection des actifs en cas de faillite de la compagnie d’assurance. Le « triangle de sécurité » constitué par l’intervention d’une banque dépositaire approuvée par le Commissariat aux assurances serait une protection absolue pour les épargnants. La réalité est plus nuancée : s’il existe bien un mécanisme de super-privilège à Luxembourg, il s’agit d’un privilège commun à tous les assurés, qui ne conditionne que l’ordre de dédommagement des créanciers sans jamais constituer une garantie de remboursement. Ce super-privilège est un mécanisme protecteur, puisqu’il place le souscripteur devant l’Etat et les salariés (tandis qu’en France, l’Etat et les salariés priment systématiquement les autres créanciers) dans l’ordre de dédommagement des créanciers de la compagnie, mais il ne s’agit donc en rien d’une protection totale : il n’y a aucune assurance de recouvrer la totalité des actifs représentatifs de son contrat.
La loi Sapin 2
L’assurance-vie luxembourgeoise a également été récemment présentée comme une solution pour échapper aux dispositions de la loi Sapin 2 et plus particulièrement celles de l’article 49. Celui-ci prévoit que le HCSF (Haut conseil de stabilité financière) pourra limiter ou restreindre la possibilité de procéder à des rachats, des avances ou des arbitrages sur le contrat afin de préserver la stabilité du système financier.
Or une rapide analyse de la loi luxembourgeoise montre que le régulateur luxembourgeois dispose déjà de pouvoirs similaires à ceux du HCSF et peut, lorsque la solvabilité de l’entreprise d’assurance se détériore, prendre toute mesure nécessaire à la sauvegarde des intérêts des souscripteurs. De plus, si le droit français est d’application territoriale, les contrats luxembourgeois font souvent l’objet d’une réassurance financière auprès de leur maison mère française, et il est probable que cette réassurance puisse constituer un point de rattachement à la France entraînant l’application des dispositions de la loi Sapin 2. A ce titre, il n’est pas exclu que le HCSF puisse intervenir auprès de compagnies luxembourgeoises bénéficiant de ce mécanisme de réassurance.
Quelle efficience réelle ?
En réalité, le contrat d’assurance luxembourgeois est un outil présentant de nombreux avantages autres que ceux mis communément en avant, liés principalement au caractère international du Luxembourg. Quiconque veut se projeter à l’étranger doit réfléchir à se structurer via un tel outil, tout en prenant soin de valider dans chaque pays envisagé la qualification du contrat d’assurance.
Le Luxembourg, fort de ses compétences internationales, est capable d’adapter un contrat souscrit par un résident français aux dispositions essentielles de qualification de contrat d’assurance dans les principaux pays européens.
De plus, le Luxembourg appliquant une stricte neutralité fiscale, il n’y a pas de retenue à la source en cas de changement de résidence fiscale d’un souscripteur.
L’éligibilité étendue des actifs financiers, dépendant notamment de la fortune totale du souscripteur et du montant investi dans le contrat, est l’un des points les plus appréciables du contrat d’assurance luxembourgeois. Au-delà de 2 500 000 euros de fortune en valeurs mobilières, tous les actifs financiers (au sens large) sont éligibles (tels que les titres non cotés, les produits complexes, ou la dette privée). Les assureurs limitent néanmoins parfois l’intégration de tels produits pour des raisons évidentes de liquidité.
Le contrat luxembourgeois est donc un outil extrêmement efficient mais moins pour les raisons de sa mise en avant actuelle que pour ses atouts intrinsèques, comme l’organisation d’un patrimoine dans une optique de mobilité internationale. En revanche, les risques de l’assurance-vie française sont, le plus souvent, également applicables à l’assurance-vie luxembourgeoise. Attention aux chimères…
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