Irremplaçable assurance-vie

Par : edicom

L’assurance-vie a traversé une période de doute. La collecte a diminué au cours de l’année 2012 (1), avec une certaine reprise en 2013 (2). Cette année sera-t-elle meilleure, voire synonyme d’une franche reprise ? Nous le souhaitons.
Nous l’espérons dans l’intérêt bien compris des assurés (3).

 

Pour beaucoup, la réduction, constatée, des flux entrants inférieurs aux flux sortants s’expliquerait essentiellement par la baisse des rendements des contrats en euros, qui aurait atteint un niveau inférieur en moyenne à 3 %, niveau pour lequel l’accumulation de l’épargne dans ces contrats ne pouvait résister à la concurrence des placements bancaires. Sans nier une possible corrélation baisse des flux/baisse des rendements, elle ne nous semble pas la vraie ou, à tout le moins, pas la seule raison de cette évolution. Cette décroissance nous paraît être davantage la conséquence d’une perte de confiance dans les compagnies d’assurance en raison d’un environnement politique et économique considéré par les épargnants plus inquiétant pour les assureurs que pour les banquiers. Sentiment étonnant quand on regarde ce qui s’est effectivement passé. Les assureurs ont mieux fait face à la crise que les banquiers.

 

L’engagement de liquidité

On peut s’interroger. Cette perte de confiance n’a-t-elle pas été quelque peu orchestrée ou plus simplement entretenue par certaines compagnies ou, tout au moins, par leur maison-mère bancaire ? Quand on voit comment certains bancassureurs ont su vanter les mérites de leur filiale luxembourgeoise présentée comme plus sûre, n’ont-ils pas indirectement accrédité doutes et inquiétudes concernant les compagnies d’assurance françaises ?
Ils ont mis en avant les avantages du super-privilège luxembourgeois, censé mieux protéger les intérêts des assurés, pour booster une collecte qui ne manquerait de profiter de la très grande diversification possible proposée par les assureurs luxembourgeois, diversification de nature à permettre une prise de risque plus grande. Pour réduire ou échapper au risque débiteur, venez donc en prendre au Luxembourg. Curieux !
Les compagnies sont-elles aujourd’hui, seront-elles demain, capables de satisfaire aux engagements qu’elles ont pris, tels qu’ils résultent de l’article L. 132-21 du Code des assurances ? Par la loi du 20 juin 1985 (4), le législateur a introduit une obligation de liquidité essentielle pour l’assuré : « L'assureur doit, à la demande du contractant, verser à celui-ci la valeur de rachat du contrat dans un délai qui ne peut excéder deux mois ». Cet engagement de liquidité est fondamental. Il est en même temps consubstantiel à la garantie du capital assuré. Dans les contrats d’épargne-vie, les épargnants, amateurs d’assurance, ont apprécié et apprécient le couple sécurité-liquidité, laissant le soin aux assureurs d’assumer le risque en capital, alors que les compagnies voudraient les attirer vers le couple performance-risque, laissant le soin aux assurés d’assumer le risque en capital.


Inimitables fonds en euros

Les épargnants privilégient la sécurité au risque, malgré la baisse des rendements. L’enquête de janvier 2013 de la Fédération française des sociétés d’assurances (FFSA) sur les choix des épargnants a parfaitement confirmé cette préférence. Certes, avec un rendement modeste de 3 % – pas si modeste que cela quand l’inflation tombe en dessous de 1 % –, les épargnants se sont interrogés. De fait, garantir le capital accumulé, servir un rendement de l’ordre de 3 % et s’engager sur une disponibilité permanente de l’épargne participent à la satisfaction d’une partie très importante des épargnants. Le couple sécurité-liquidité fait preuve de sa solidité. Les assureurs ont parfaitement compris les préférences des assurés et leurs interrogations en proposant une allocation d’actifs adossée à leur créance monétaire un peu différente, en introduisant des actifs immobiliers. Une nouvelle répartition des actifs qui a donné des résultats encourageants, avec des taux de rendement dépassant ou s’approchant des 4 %. 
Les épargnants ont privilégié les fonds en euros ne parvenant pas à se tourner de manière significative vers les unités de compte à risque. Ces UC n’ont jamais pu dépasser 20 % de l’encours. Ils sont parfaitement conscients que hors des fonds en euros, le risque économique est supporté par eux. Au sujet des contrats en UC, ils s’interrogent, avec raison, sur le rôle de l’assureur dans un contrat ou rien n’est véritablement assuré. Confrontés à cette réticence des épargnants, les assureurs utilisent des moyens parfois discutables pour forcer leur considération. Les propositions de rendements bonifiés se sont multipliées. Nous sommes très réservés à l’égard des « bonus » du rendement des fonds euros lorsque l’épargnant accepte de placer une partie plus ou moins importante de son épargne sur des fonds à risque. C’est ni plus ni moins une manipulation à des fins commerciales des rendements distribués. Au-delà de la question de savoir si cela est toujours de l’assurance, l’adossement de l’épargne à des fonds à risque se justifie certainement. Le couple performance-risque doit pouvoir être promu avec succès. Mais à quelle condition et dans quelles circonstances ? 

 

Incontournables diversifiés

Pour tout épargnant, la prise de risque est plus facile lorsqu’il se situe en « simple contemplation » de son épargne, c’est-à-dire dans une phase de renonciation de fait pour une période plus ou moins longue, à sa « consommation ». La théorie du cycle de vie (5) peut nous aider à optimiser l’usage du contrat d’assurance. Une première phase de valorisation du patrimoine suivie d’une phase d’une consommation possible du patrimoine accumulé. Lorsque l’épargnant sait, qu’a priori, il n’aura pas l’usage de son épargne, il peut pendre des risques. Risques mesurés, fondés sur un adossement diversifié et évolutif de sa créance. Il le sait, lorsqu’âgé de 50 à 70 ans, il compte d’abord sur ses revenus d’activité pour vivre et bien vivre.
Il recherche avant tout une valorisation de son épargne et non sa consommation, ce que lui permettent les contrats en unités de comptes sans garantie de capital ou une garantie non plus annuelle, mais au terme de la période d’épargne et d’indisponibilité conventionnelle (6). Pour avoir des chances d’être performante, une gestion risquée doit pouvoir s’inscrire dans la durée. Le gestionnaire assureur doit être assuré de disposer d’une épargne longue, c’est-à-dire stable entre ses mains. 
Par contre, à 70 ans ou plus, il sait qu’il peut être confronté à une utilisation plus ou moins forcée de son épargne : survenance d’une dépense imprévue ou baisse des revenus de remplacement (retraite). Si les rachats occasionnels ou programmés peuvent se faire à des moments où la valeur des actifs adossés pourrait ne pas être satisfaisante (perte en capital), l’exposition aux risques doit être réduite, voire nulle, ce que lui permettent les contrats en euros à garantie de capital. C’est parce qu’il est possible à un épargnant de gérer, à partir du même contrat, la phase de valorisation du capital (prise de risque significative), puis la phase de consommation de ce même capital (réduction, voire suppression du risque pris en laissant une place croissante aux contrats euros), que le contrat d’assurance est un outil patrimonial irremplaçable. D’autant plus irremplaçable que la divisibilité du capital accumulé en assurance-vie facilite considérablement sa consommation en l’adaptant en permanence à la réalité des besoins réels. Les assureurs ne peuvent pas ignorer ces exigences de vie. Les contrats en euros sont indispensables. 
Cette souplesse d’utilisation de l’assurance-vie (7) en fait pour le souscripteur « l’instrument patrimonial… incontournable de tout épargnant ». Un mode de détention capable de s’adapter en permanence à ses exigences de vie.

 

Indispensable liberté de choix des bénéficiaires

Il est regrettable qu’en raison d’un prudent conservatisme des compagnies, les bénéficiaires ne puissent pas profiter de cette même souplesse. Aujourd’hui, pour beaucoup – trop – de compagnies, l’acceptation bénéficiaire est indivisible, quelle que soit l’importance des capitaux issus du contrat. C’est tout ou rien. Pas de souplesse. Cette rigidité n’a pas de fondement autre que le poids de l’habitude et la volonté d’écarter tout ce qui peut apparaître un peu complexe. 
Nous sommes parfaitement d’accord pour dire que le bénéficiaire ne peut pas, de lui-même, diviser l’acceptation bénéficiaire. Mais ce qu’il ne peut pas faire de lui-même peut lui être octroyé par le souscripteur. Le droit à la division du bénéfice peut parfaitement lui être reconnu dans la clause bénéficiaire. Une clause bénéficiaire de ce type est parfaitement envisageable : « Bénéficiaire, mon conjoint, à son choix de l’une ou l’autre des quotités suivantes : 100 %, 75 %, 50 %, 25 %, 0 %. La fraction du capital qu’il n’aura pas accepté reviendra à mes enfants vivants ou représentés. Il disposera d’un délai de trois mois pour exercer son choix, à défaut de l’avoir fait dans le délai imparti il sera bénéficiaire pour la totalité ». 
L’important réside dans la désignation par le stipulant lui-même des bénéficiaires de substitution de la part du capital non accepté par le bénéficiaire de premier rang. Certains services juridiques des compagnies veulent voir dans cette faculté d’options une donation indirecte entre le conjoint et les enfants, bénéficiaires de second rang. Cette approche est erronée du seul fait que pour pouvoir donner, il faut avoir été un instant de raison propriétaire. Or s’il n’a pas accepté une partie du tout, il n’a pu le donner n’en ayant jamais été propriétaire. D’ailleurs, l’administration fiscale ne s’y est pas trompée. Dans une réponse ministérielle Roques (n° 6119, JOAN du 27 septembre 1993), elle a précisé pour l’application de l’article 757 B, qu’il serait tenu compte des liens de famille entre l’assuré décédé et le bénéficiaire de second rang dans le cas du refus d’acceptation par le bénéficiaire de premier rang. C’était reconnaître explicitement l’absence de donation indirecte liée au refus d’accepter. Pourquoi ce qui serait vrai pour le tout ne le serait pas pour une partie du tout ?
Nul doute, l’assurance a encore de beaux jours devant elle, à condition que les assureurs jouent la bonne partition.


Jean Aulagnier, président de l’Aurep, doyen honoraire, université d’Auvergne


Notes :
(1) - 6 milliards d’euros en 2012 (FFSA).
(2) + 11 milliards d’euros en 2013, à titre de comparaison la collecte fut de + 50 milliards en 2010 et 2011 (FFSA).
(3) Le mois de janvier est encourageant : + 1,4 milliard d’euros.
(4) Loi 85-608 1985-06-11 art. 3, JORF, 20 juin 1985, en vigueur le 1er janvier 1986.
(5) Franco Modigliani, « Macroéconomie : consommation et épargne », page 43 : « L’hypothèse du cycle de vie », éditions Repère.
(6) Voir aujourd’hui les contrats euros diversifiés, qui n’ont pas eu le succès mérité et demain les contrats euro-croissance qui pourraient connaître un sort équivalent s’ils ne sont pas proposés aux – jeunes – épargnants qui y ont un véritable intérêt patrimonial. 
(7) Philippe Baillot, « Les charmes financiers renouvelés de l’assurance-vie », Droit et patrimoine, n° 230, novembre 2013, p. 27 et s.

  • Mise à jour le : 23/09/2014

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