IFU et banque : quel est le périmètre de la responsabilité du banquier ?
Par Olivier Rozenfeld, président de Fidroit
Une décision de la cour de cassation commerciale le 13 septembre 2016 nous donne l’occasion de revenir sur la nature et l’ampleur de la responsabilité du banquier lors de l’émission d’un IFU (imprimé fiscal unique). Il s’agit, à notre connaissance, du premier arrêt qui se prononce aussi clairement sur la responsabilité des établissements tenus d’établir l’IFU (CGI, art. 242 ter). Il me semble suffisant pour faire évoluer les relations contribuables/banques au profit des premiers en cas d’erreurs déclaratives.
L’obligation qui pèse sur l’établissement bancaire, d’un point de vue fiscal, est concentrée sur le montant des cessions réalisées. Son obligation contractuelle, celle qui l’engage vis-à-vis de son client, est plus vaste.
Le banquier doit renseigner correctement l’imprimé fiscal unique destiné aux contribuables, ceux-ci n’étant pas tenus de vérifier les informations qui leur sont communiquées. A défaut, il manque à son obligation d’information fiscale.
La banque a soutenu que les contribuables devaient remplir, loyalement et sous leur responsabilité, leur déclaration fiscale. Or, c’est le banquier, professionnel de la cession de valeurs mobilières et de la fiscalité, qui renseigne l’IFU destiné à l’administration fiscale afin de justifier des cessions opérées et des gains obtenus.
Il incombe à ce professionnel, rémunéré à cette fin, d’accomplir correctement cette formalité et non au déclarant de vérifier les informations communiquées par la banque qu’il doit reporter sur sa déclaration des revenus.
L’établissement a donc une obligation contractuelle de résultat sur le contenu des informations transmises au contribuable, les lignes de la déclaration de revenus qui doivent être remplies et le délai dans lequel elles lui sont communiquées.
Par ailleurs, l’établissement a également tenté de faire valoir le fait que les clients ne pouvaient ignorer l’existence de ces deux cessions au regard de leur montant et de la plus-value de cession qui en était résultée. Classiquement, la Cour de cassation rejette cet argument. En matière de fraude, la bonne foi est présumée et il lui appartenait de prouver que les clients avaient tiré parti de son erreur pour échapper à leurs obligations fiscales.
Il faut d’ailleurs rappeler que dans le cadre de cette affaire, la banque était défaillante sur ce sa seule obligation fiscale : l’IFU ne faisait pas mention de la cession intervenue.
Cette formalité à laquelle sont tenus d’autres professionnels est strictement encadrée (BOI-RPPM-PVBMI-40-30, 1 et s.). En 2013, la deuxième chambre civile avait eu à connaître d’un litige opposant un contribuable redressé à l’assureur de responsabilité civile d’un expert-comptable qui avait omis d’indiquer des dividendes dans l’IFU annuel (Cass. 2e civ., 13 juin 2013, n° 12-16.612). L’assureur avait fait valoir avec succès devant la cour d’appel que la carence des contribuables était seule à l’origine du redressement. Néanmoins, la Cour de cassation avait cassé cet arrêt au visa de l’article 1382 du code civil (devenu 1240 au 1er oct. 2016 ; v. sur renvoi, CA Paris, ch. 5-9, 30 janv. 2014, n° 13/15627, condamnant l’assureur à garantir l’expert-comptable fautif pour perte de chance de faire face à l’obligation fiscale de déclaration).
La souscription de ces imprimés fiscaux engage donc la responsabilité des professionnels qui y sont tenus, non sans interrogations sur les informations qui doivent ou non y figurer. La réglementation est en effet incertaine à ce sujet, ce qu’on déplore dans la nécessaire clarté qui doit encadrer la relation entre un client et une banque.
Cette jurisprudence est particulièrement intéressante dans une période où, après la mise en œuvre des abattements en matière de plus-values mobilières, beaucoup d’établissements se sont déclarés incapables de fournir toutes les informations utiles à leurs clients.
Affaire à suivre dans les contentieux possibles entre établissements bancaires et leurs clients… !
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