La fiscalité des locations saisonnières type Airbnb à l’approche des JO 2024
Par Aurélie Sultan, avocat associé, cabinet Demeuzoy Avocats
Paris devrait accueillir 15 millions de touristes en l’espace de trois semaines pour les JO 2024. Un certain nombre de propriétaires et de locataires franciliens envisagent d’en profiter pour mettre en location leur logement et s’interrogent aujourd’hui sur les conditions à respecter, les démarches à effectuer pour louer leur bien, ainsi que sur les règles fiscales applicables aux revenus générés par cette location.
Faire de la location meublée touristique de courte durée d’un appartement, sur des sites comme Airbnb notamment, peut s’avérer complexe et nécessiter un accompagnement. Certains critères et certaines démarches devront être respectés afin de mettre son bien en location. Préalablement à toute mise en location, l’assistance d’un conseil juridique peut s’avérer prudente au regard des obstacles à connaître.
De façon non exhaustive, voici six questions à se poser afin de mener à bien cette activité.
Quelles sont les conditions pour louer son logement sur Airbnb à Paris ?
Pour louer son appartement à Paris, il est nécessaire que cela constitue la résidence principale du bailleur. Il faut aussi que le bien soit loué moins de cent-vingt jours par an, conformément à l’article L. 324-1-1 du code du tourisme. Aussi, il ne sera en principe pas possible de louer sa résidence secondaire à Paris pour les JO.
Il conviendra également de vérifier que le règlement de copropriété n’interdise pas la location touristique, ce qui implique une lecture au cas par cas de chaque règlement.
En outre, le logement devra remplir toutes les conditions d’un logement d’habitation meublé et donc contenir au minimum certains meubles (literie avec couette ou couverture, volet, plaques de cuisson, réfrigérateur, four ou four à micro-onde, ustensiles de cuisine, vaisselles, table, étagères, luminaires, matériel d’entretien ménager, etc.).
Il est nécessaire de déposer une déclaration de meublé de tourisme en ligne et obtenir un numéro d’enregistrement à transmettre à la plate-forme, type Airbnb, afin qu’une annonce puisse être publiée.
La location courte durée est en principe réalisée par un propriétaire. Toutefois, si ce dernier l’autorise expressément, un locataire qui occupe le bien en tant que résidence principale peut procéder à de la sous-location de courte durée. Il est donc impératif pour un locataire de demander en amont à son propriétaire un écrit l’autorisant à sous-louer son logement.
Attention tout dépassement de location au-delà de cent-vingt jours expose le contrevenant à une amende de 10 000 euros par année de dépassement, étant entendu que la Ville de Paris poursuit systématiquement tout contrevenant.
Quel est le régime fiscal applicable lorsque l’on loue son logement sur une plate-forme type Airbnb ?
Les loueurs, propriétaires comme locataires, qui envisagent de mettre en location leur bien immobilier lors des Jeux olympiques 2024 devront s’intéresser au régime fiscal applicable aux revenus générés par ces locations, puisqu’ils devront intégrer les loyers encaissés dans leur déclaration des revenus 2024 au printemps 2025.
La location en meublé est une activité commerciale qui relève, au regard de l’impôt sur le revenu, de la catégorie des BIC (bénéfices industriels et commerciaux), que l’activité soit exercée à titre habituel ou à titre occasionnel. Ainsi, les gains issus de la location vide, ou nue, sont imposables dans la catégorie des revenus fonciers, alors que ceux générés par la location meublée (longue ou courte durée) sont imposés dans la catégorie des BIC. En l’état de la législation actuelle, les loueurs en meublé de tourisme « classiques » seront soumis au régime micro-BIC et bénéficieront en principe d’un abattement de 50 % sur les recettes encaissées, tant qu’elles ne dépassent pas 77 700 euros (seuil applicable pour les revenus 2023).
Les meublés de tourisme, classés comme tel, font, quant à eux, l’objet d’une fiscalité particulière, notamment d’un abattement forfaitaire de 71 % sur les loyers encaissés lorsqu’ils ne dépassent pas 188 700 euros pour l’année 2023 (imposition sur 29 % des recettes).
Le classement en meublé de tourisme est une démarche volontaire de la part du bailleur qui y voit une chance d’optimiser ses locations, mais n’est en aucun cas obligatoire pour pratiquer la location saisonnière. Le classement en meublé de tourisme, à l’instar du classement des autres hébergements touristiques, a pour objectif d’indiquer au client un niveau de confort et de prestation. Cette démarche consiste à faire appel à un organisme agréé afin d’évaluer le niveau de confort et de prestation du logement. A l’instar des hôtels, ce classement va permettre d’attribuer au logement d’une à cinq étoiles. Ce classement est facultatif, mais il présente bien des avantages sur le plan fiscal. A titre comparatif, soulignons qu’en cas de location nue (i.e. non meublée), le régime du microfoncier s’applique si les recettes annuelles ne dépassent pas 15 000 euros. Le loueur bénéficie alors d’un abattement forfaitaire de 30 % sur toutes ses charges et travaux.
Au-delà des seuils de 77 700 euros (meublé de tourisme « classique ») et 188 777 euros (meublé de tourisme classé) ou sur option du contribuable, le régime réel d’imposition s’applique.
Le résultat fiscal sera alors déterminé par la différence entre le montant des recettes locatives (montant des loyers hors taxes, encaissés ou non) et les charges exposées pour les besoins de l’activité. Les frais et charges d’exploitation sont déductibles lorsqu’ils sont exposés dans le cadre et pour les besoins de l’activité locative et qu’ils sont accompagnés de justificatifs :
- les dépenses d’entretien et de réparation ;
- charges de copropriété, les frais de gestion, les frais d’assurance ;
- la taxe foncière sur les propriétés bâties (si le local est inscrit à l’actif du bilan), la contribution économique territoriale ;
- les intérêts de l’emprunt souscrit pour financer l’acquisition (si le bien est inscrit à l’actif).
Le contribuable peut également déduire les amortissements, seulement si le bien immobilier est inscrit à l’actif de son bilan.
Les biens meubles peuvent également être amortis ou déduits du résultat imposable (en fonction du montant d’acquisition).
A noter également que si le bien n’est loué (ou à vocation à l’être) qu’une partie de l’année, le montant des frais et charges déductibles (dont l’amortissement) devrait faire l’objet d’un prorata.
Aucun abattement n’est applicable en cas d’imposition selon le régime réel.
Le régime BIC réel d’imposition est applicable en cas de location meublée « classique » ou en location de meublés de tourisme classés.
Depuis 2022, les loueurs en meublé peuvent, en principe, opter pour le régime réel jusqu’à la date de dépôt de leur déclaration de revenus (déclaration n° 2042), en mai-juin.
Le propriétaire qui entend louer son logement pendant les JO aura-t-il le statut de LMP ou de LMNP ?
Les propriétaires qui mettent en location courte durée leur bien immobilier ont le statut de loueur en meublé professionnel (LMP) ou non professionnel (LMNP) et bénéficie dans les deux cas du régime fiscal décrit ci-dessus (régime micro-BIC ou régime réel). Rappelons que le régime des loueurs en meublés professionnels s’applique lorsque le contribuable remplit deux conditions : les loyers annuels générés par l’activité de location dépassent 23 000 euros pour le foyer fiscal ; et ces recettes doivent représenter plus de la moitié des revenus d’activité professionnelle du foyer (les pensions de retraite sont également à prendre en compte). Un loueur en meublé sera non professionnel lorsque l’une de ces deux conditions n’est pas respectée.
Les différences de fiscalité entre les deux statuts sont principalement les suivantes :
- le loueur en meublé professionnel peut imputer le déficit généré sur son revenu global sans limitation de montant, tandis que le déficit généré en qualité de LMNP s’imputera pendant dix ans sur les futurs bénéfices ;
- en cas de cession du bien immobilier en statut LMP, le régime des plus-values professionnelles sera applicable (i.e. si le LMP exerce depuis plus de cinq ans), il peut être exonéré de plus-value si les recettes sont inférieures à 90 000 euros (attention toutefois si les recettes sont supérieures à ce montant, car les amortissements déduits devront être réintégrés et soumis à impositions). De son côté, le LMNP sera imposé selon le régime de plus-values immobilières des particuliers ;
- enfin, sous certaines conditions, le logement meublé peut ne pas être intégré dans l’assiette de calcul de l’IFI pour le LMP, notamment si l’activité de loueur en meublé est son activité principale.
Quelles sont les impositions dues sur les revenus générés par la location de meublée de tourisme ?
Le revenu net (i.e. les recettes diminuées de l’abattement ou des charges réellement engagées) générés par l’activité de LMP et LMNP sur une plate-forme comme Airbnb sont imposés :
- au barème progressif de l’impôt sur le revenu (taux de 0 à 45 %) ;
- le cas échéant, à la contribution exceptionnelle sur les hauts revenue (CEHR), de 3 % lorsque pour un couple marié ou pacsé le revenu fiscal de référence est compris entre 500 000 et 1 000 000 euros et de 4 % au-delà (les seuils sont de 250 000 euros et 500 000 euros pour une personne seule) ;
- depuis le 1er janvier 2021 sont soumis aux cotisations sociales, pouvant s’élever à 40 % (en lieu et place des prélèvements sociaux de 17,2 % pour les résidents de >>> France), tous les loueurs en meublé professionnels sans exception, et les loueurs en meublé non professionnels retirant plus de 23 000 euros de recettes annuelles d’une activité de location meublée de courte durée type Airbnb (sauf à se prévaloir de la réponse ministérielle Pellois, AN n°3619 du 10 juillet 2018, qui prévoit que l’obligation d’assujettissement aux charges sociales ne s’applique pas aux LMNP qui confient un mandat de gestion à un professionnel de l’immobilier soumis à la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970, dite loi Hoguet).
En application de l’article L. 611-1 du code de la Sécurité sociale, ces loueurs sont tenus de s’affilier au régime de Sécurité sociale des travailleurs indépendants (SSI). Par exception, ils peuvent opter pour une affiliation au régime général de la Sécurité sociale, à condition de ne pas dépasser le plafond de 77 700 euros en 2023.
Quel que soit le régime choisi, le loueur en meublé est également soumis à la CFE (cotisation foncière des entreprises) et à la taxe de séjour dans certains cas.
A noter que si l’activité de loueur en meublé est réalisée au travers d’une société soumise à l’IS, les revenus générés par la location seront soumis à l’impôt sur les sociétés.
Comment déclarer ses revenus générés par la location de meublée de tourisme ?
Les démarches pour déclarer ses revenus issus de la location meublée de tourisme aux impôts dépendent du régime fiscal choisi. Si le régime est celui du micro-BIC, il convient d’envoyer le formulaire 2042 C-PRO complété en même temps que la déclaration des revenus (formulaire n° 2042). Si le régime est celui du réel simplifié, le loueur devra remplir et télétransmettre aux impôts sa liasse fiscale et comptable (formulaires n° 2031, 2033 et annexes), au plus tard en mai.
Pour rappel, les usagers de sites de location entre particuliers reçoivent un relevé de leurs recettes à déclarer des plates-formes de location et, depuis le 1er janvier 2019, ces dernières doivent déclarer automatiquement les revenus des usagers auprès de l’administration fiscale.
Les contribuables qui entendent mettre en location leur logement pour les Jeux olympiques 2024 sur une plate-forme type Airbnb recevront, en 2025, un relevé qui servira à compléter leurs déclarations des revenus 2024.
Soulignons également que depuis le 1er janvier 2023, tout loueur en meublé non professionnel, qui commence son activité, doit se déclarer auprès du greffe du tribunal de commerce et obtenir un numéro Siret via le guichet des formalités des entreprises. Cette démarche doit donc en principe être réalisée pour le propriétaire qui envisage de louer en meublé pendant les Jeux olympiques.
Une réforme de la fiscalité des meublés de tourisme est-elle à venir ?
Notons que la fiscalité des locations meublées de tourisme pourrait très prochainement évoluer. En juin dernier, le ministre de l’Economie Bruno Le Maire s’était dit « favorable » à une réforme de la fiscalité des meublés touristiques type Airbnb, jugeant les effets d’aubaine « trop importants ». La Première ministre Elisabeth Borne avait annoncé également, en juin dernier, une remise à plat de la fiscalité des locations, souhaitant que ce chantier « complexe » débouche « dans le prochain projet de loi de finances », discuté en automne 2023.
C’est chose faite, puisque lors de la présentation du projet de loi de finances pour 2024, le 27 septembre dernier, Bruno Le Maire a annoncé la suppression de l’abattement de 71 % pour les meublés de tourisme classés. Il a annoncé qu’« Aujourd’hui, environ 100 000 logements loués en France bénéficient d’un abattement fiscal de 71 %. C’est énorme ! C’est une incitation à ne pas mettre son logement à la location, puisque vous pouvez gagner autant d’argent en trois mois qu’en une année ! Nous réduirons cet abattement fiscal à 50 % comme pour les autres logements meublés pour que ces Airbnb reviennent sur le marché ».
A noter toutefois, que la majorité des exploitants de meublé de tourisme ne sont pas classés et ne seront donc pas concernés par la suppression de cet abattement.
Si cette réforme est adoptée – la loi de finances pour 2024 sera définitivement votée en décembre prochain –, elle ne devrait pas concerner la plupart des propriétaires qui envisagent de mettre en location leur bien pour les Jeux olympiques 2024.
Soulignons toutefois, qu’il est possible, lors des débats parlementaires portant sur cette loi de finances, que des discussions plus larges sur la réforme de la fiscalité des loueurs en meublés interviennent et que des amendements soient déposés sur le sujet.
Il reste donc opportun pour les personnes qui envisagent de mettre en location leur bien pour les Jeux olympiques 2024 de se tenir à jour de la loi de finances afin d’anticiper le régime fiscal applicable. Dans tous les cas, le recours à un conseil juridique et fiscal reste le bon réflexe à adopter pour ce type de location. A suivre donc…
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