Apport ou vente d’un bien immobilier ayant un emprunt en cours à une société

Par : edicom

Par Fidnet, la base documentaire du groupe Harvest

Qu’il s’agisse d’une société patrimoniale ou d’une société d’exploitation se pose souvent la question d’inscrire au bilan un bien qui est déjà détenu par le contribuable en l’apportant ou en le vendant à la société. Si le bien a été financé à crédit, il se peut que ce dernier ne soit pas intégralement remboursé. Dans ce cas, est-il possible de tout de même transférer le bien dans le patrimoine de la société ? Quelles peuvent être les conséquences quant au crédit en cours ? La dette peut-elle être reprise par la société ? Comment cet apport ou cette vente se matérialise au bilan de la société ? Quels sont les impacts en matière de plus-value ?

En principe, rien n’empêche l’apport ou la vente d’un bien à une société alors même qu’un crédit est encore en cours de remboursement. Néanmoins, en pratique, ce sont les conditions générales du crédit qui peuvent poser des limites à cette opération et en fixer les modalités. Il convient alors de se rapprocher de l’établissement bancaire pour étudier la faisabilité de l’opération. Plusieurs cas de figure peuvent alors se présenter :

- l’emprunt doit être remboursé par anticipation lors de l’apport ou de la cession du bien (cas général) ;

- l’associé réalise un apport et conserve la dette à son nom : on parle d’apport à titre pur et simple ;

- l’associé réalise un apport et la dette est reprise par la société : on parle d’apport à titre onéreux (ou mixte si le montant de l’emprunt restant est inférieur à la valeur du bien) ;

- l’associé cède son bien à la société : on parle d’apport à titre onéreux ou de vente pouvant entraîner portabilité du prêt.

A noter qu’en présence d’un logement financé par un prêt à taux zéro (PTZ), l’apport ou la vente entraîne le remboursement intégral du capital restant dû. Sous réserve de l’accord de la banque, le capital restant dû peut néanmoins être transféré pour financer l’acquisition d’une nouvelle résidence principale de l’associé.

 

Fiscalité lors de l’apport/la cession

L’apport ou la cession est un fait générateur de l’impôt sur plus-value immobilière des particuliers. Ainsi, l’associé apporteur ou vendeur doit s’acquitter de cet impôt.

En plus de cet impôt, la société peut devoir un droit d’enregistrement (CGI art. 1712) :

- en cas d’apport : si la société est à l’IR, l’apport est exonéré de droits d’enregistrement ; si la société est à l’IS, des droits d’enregistrement de 5 % sont dus. L’apport peut toutefois être exonéré de droits d’enregistrement s’il s’inscrit dans un apport d’actif immobilisé affecté à l’exercice d’une activité professionnelle et que l’associé apporteur conserve ses titres pendant trois ans ;

- en cas de cession : dans l’hypothèse d’une vente, peu importe le régime fiscal de la société, la cession entraîne des droits d’enregistrement pour un montant de 5,8 % de la valeur du bien (ou 5,09 % dans certains départements).

 

Fiscalité de l’indemnité de remboursement anticipé

Si le bien faisait l’objet d’une location nue, l’indemnité de remboursement anticipé (IRA) ne serait pas déductible des revenus fonciers dans la mesure où elle n’a pas été acquittée afin d’acquérir ou de conserver un revenu.

Si le bien faisait l’objet d’une location meublée, l’IRA n’est a priori pas déductible (n’ayant pas été acquittée afin d’acquérir ou de conserver un revenu).

Apport du bien et conservation de la dette au nom de l’associé

Selon les conditions générales du contrat de prêt, il peut être envisagé de n’apporter à la société que l’actif et conserver la dette entre les mains de l’associé.

Assimilation à un apport à titre pur et simple

Cet apport est alors traité comme un apport à titre pur et simple : l’associé n’est rémunéré que par des parts sociales. L’augmentation de capital est réalisée pour la valeur vénale du bien apporté, sans qu’il soit tenu compte du crédit. Sous réserve de l’accord de la banque, l’associé demeure débiteur du crédit : le crédit peut se poursuivre jusqu’à son terme.

 

Conséquences fiscales

Fiscalité lors de l’apport

L’apport ou la cession est un fait générateur de l’impôt sur plus-value immobilière des particuliers. Ainsi, l’associé apporteur ou vendeur doit s’acquitter de cet impôt.

En plus de cet impôt, la société peut devoir un droit d’enregistrement (CGI art. 1712) :

- si la société est à l’IR, l’apport est exonéré de droits d’enregistrement ;

- si la société est à l’IS, des droits d’enregistrement de 5 % sont dus. L’apport peut toutefois être exonéré de droits d’enregistrement s’il s’inscrit dans un apport d’actif immobilisé affecté à l’exercice d’une activité professionnelle et que l’associé apporteur conserve ses titres pendant trois ans.

 

Fiscalité des intérêts d’emprunt

Apport d’un bien d’usage : les intérêts d’emprunt et cotisations d’assurance ne sont en principe pas déductibles de la quote-part de revenus (de location meublée ou des revenus fonciers) issus de la société car le prêt n’a pas été contracté en vue de l’acquisition d’un revenu.

Apport d’un bien loué nu : si le bien apporté est un bien locatif loué nu et que le crédit se poursuit, les intérêts d’emprunt et cotisations d’assurance emprunteur ne sont en principe pas déductibles des revenus fonciers au nom de l’associé apporteur si la société est à l’IR. Si le bien fait l’objet d’une location meublée par la société, les intérêts d’emprunt et cotisations d’assurance emprunteur ne sont a priori plus déductibles (ayant été initialement contractés pour l’acquisition d’un revenu foncier). Si la société est à l’IS, les intérêts d’emprunt ne sont pas déductibles des dividendes.

Apport d’un bien loué meublé : en présence d’un bien locatif loué meublé apporté à une société à l’IR (Sarl de famille ou SNC), les intérêts d’emprunt :

- ne sont a priori pas déductibles si l’associé est LMNP ;

- pour l’associé LMP, une ambiguïté réside dans la notion de « dépenses exposées pour l’acquisition des droits sociaux ». A toutes fins utiles, une demande par rescrit s’impose (BOI-BIC-BASE-10-20 § 270 ; précision absente pour les associés LMNP).

Si le bien fait l’objet d’une location nue par la société, les intérêts d’emprunt et cotisations d’assurance emprunteur ne sont a priori plus déductibles (ayant été initialement contractés pour l’acquisition d’un revenu de location meublée).

Si la société est à l’IS, les intérêts d’emprunt ne sont pas déductibles des dividendes.

 

Fiscalité lors de la revente

En matière de cession, la conservation du crédit est sans effet sur les modalités de calcul de la plus-value imposable.

Si la société est à l’IR :

- si la société vend le bien immobilier, la plus-value immobilière sera calculée au niveau de la société ;

- si l’associé apporteur vend ses parts, la plus-value immobilière sera calculée par différence entre le prix de cession et le prix d’acquisition de ses parts, sans qu’il ne soit tenu compte du remboursement par ce dernier des échéances d’emprunt.

Si la société est à l’IS :

- si la société vend le bien, la cession relève du régime des plus-values réintégrées au bénéfice imposable à l’IS ;

- si l’associé vend ses parts, la plus-value relève des plus-values mobilières et est calculée par différence entre le prix de cession et le prix d’acquisition de ses parts, sans qu’il ne soit tenu compte du remboursement par ce dernier des échéances d’emprunt.

 

Apport du bien et reprise de la dette par la société

L’apport du bien à une société peut également entraîner un transfert du crédit sur la société. L’associé n’est plus tenu personnellement à ce remboursement, la dette est reprise et due par la société.

 

Apport à titre onéreux/apport mixte

Dans la mesure où la société reprend la dette d’un associé, l’opération est qualifiée d’apport à titre onéreux à hauteur de la dette (ou apport mixte si la valeur du bien est supérieure au montant du crédit restant dû).

L’associé ne récupère des parts (droits dans le capital social) qu’à hauteur de la quote-part du bien immobilier nette de dette.

 

Conséquences fiscales

Fiscalité lors de l’apport : l’apport ou la cession est un fait générateur de l’impôt sur plus-value immobilière des particuliers. Ainsi, l’associé apporteur ou vendeur doit s’acquitter de cet impôt. En plus de cet impôt, la société peut devoir un droit d’enregistrement (CGI art. 1712) :

- si la société est à l’IR, l’apport est exonéré de droits d’enregistrement à hauteur de la quote-part rémunérée par des droits sociaux et assujetti aux droits d’enregistrement de 5 % à hauteur de la quote-part du bien sur laquelle le crédit est encore en cours.

- si la société est à l’IS, des droits d’enregistrement de 5 % sont dus. L’apport rémunéré par des droits sociaux peut toutefois être exonéré de droits d’enregistrement s’il s’inscrit dans un apport d’actif immobilisé affecté à l’exercice d’une activité professionnelle et que l’associé apporteur conserve ses titres pendant trois ans.

 

Fiscalité des intérêts d’emprunt

Que le bien soit loué nu ou meublé, et peu importe le régime fiscal de la société, les intérêts d’emprunt sont déductibles :

- en présence d’une société à l’IR : des revenus encaissés par cette dernière et de la quote-part revenant à chaque associé. Ce principe devrait a priori s’appliquer même si la nature de la location change (location nue vers location meublée ou l’inverse) dès lors que la reprise du crédit en cours fait l’objet d’un nouveau contrat de prêt au nom de la société. Si la reprise se fait seulement grâce à un avenant changeant la propriété du prêt, alors les intérêts ne seraient plus déductibles (BOI-RFPI-BASE-20-80 § 130 pour les revenus fonciers ; BOI-BIC-CHG-50-20-10 pour les revenus de location meublée).

- en présence d’une société à l’IS : du résultat courant imposable à l’IS (BOI-IS-BASE-35, renvoi aux règles applicables en matière de BIC).

 

Fiscalité lors de la revente

En matière de cession, la reprise du crédit par la société a seulement un impact sur la détention au capital (et donc sur son nombre de parts) dans la mesure où l’apporteur prend des participations seulement à hauteur de la quote-part « nette » de dette.

Exemple : un associé fait apport d’un bien immobilier valorisé pour 1 000 000 € à une société à l’IS. L’emprunt est repris par la société, le capital restant dû est de 400 000 €. L’associé reçoit des parts sociales pour 600 000 €, par hypothèse 600 parts valorisées individuellement à 1 000 €.

Le bilan de la société se présente comme suit :

- le bien figure à l’actif pour 1 000 000 € ;

- au passif, on constate une augmentation de capital pour 600 000 € et la dette bancaire pour 400 000 €.

Lors de la revente de ses parts, la plus-value mobilière pour chaque part sera calculée par différence entre le prix de cession et la valeur d’acquisition des parts, soit 1 000 €.

 

Cession du bien et portabilité de l’emprunt

Lors de la cession du bien par un associé à sa société, la vente est assimilée à un apport à titre onéreux. Le prix de cession peut être acquitté directement par la société, si elle dispose de la trésorerie nécessaire ou qu’elle peut avoir recours à un emprunt, ou ultérieurement. Dans ce dernier cas, une créance en compte courant d’associé est inscrite au passif de la société.

Plusieurs cas de figure sont envisageables, selon les conditions générales du crédit :

- le crédit est remboursé par anticipation ;

- le crédit est conservé par l’associé cédant ;

- le crédit est repris par la société ;

- le crédit est transféré pour l’acquisition d’un autre bien par l’associé : on parle alors de portabilité du prêt.

 

Apport à titre onéreux

En présence d’une vente à sa société, et peu importe le sort du crédit, on parle d’apport à titre onéreux. L’associé ne reçoit pas de parts sociales (sauf à prévoir un apport mixte : le bien est, pour partie, vendu et pour partie apporté à titre pur et simple).

 

Conséquences fiscales

Fiscalité lors de la cession à la société : l’apport ou la cession est un fait générateur de l’impôt sur plus-value immobilière. Ainsi, l’associé apporteur ou vendeur doit s’acquitter de cet impôt. En plus de cet impôt, la société (IR ou IS) qui acquiert de l’immeuble est redevable de droits d’enregistrement (ou droits de vente) pour un montant de 5,8 % de la valeur du bien (voir 5,09 % dans certains départements), hors application du taux réduit (immeuble de neuf) à 0,72 % (CGI art. 1712).

Fiscalité des intérêts d’emprunt : si la société finance l’acquisition par emprunt ou CCA, peu importe que le bien soit loué nu ou meublé, les intérêts d’emprunt sont déductibles :

- en présence d’une société à l’IR : des revenus encaissés par cette dernière et de la quote-part revenant à chaque associé (BOI-RFPI-BASE-20-80 § 130 pour les revenus fonciers ; BOI-BIC-CHG-50-20-10 pour les revenus de location meublée) ;

- en présence d’une société à l’IS : du résultat courant imposable à l’IS (BOI-IS-BASE-35, renvoi aux règles applicables en matière de BIC).

En revanche, si l’associé conserve l’emprunt initial et l’affecte à une nouvelle acquisition dans le cadre d’un investissement locatif, il convient de considérer deux hypothèses :

- le bien cédé était loué : les textes ne se prononcent pas sur le caractère déductible des intérêts d’emprunt contractés pour financer un bien initialement différent, quand bien même la location serait réalisée dans le même cadre (location nue ou location meublée). Lorsque les modalités de location changent (location nue vers location meublée ou l’inverse), il y a un risque que les intérêts ne soient pas déductibles dans la mesure où ils n’ont pas été versés pour l’acquisition du revenu final ;

- si le bien cédé était un bien d’usage (résidence principale ou secondaire), les intérêts d’emprunt ne sont pas déductibles peu importe l’affectation du prêt (les intérêts n’ayant pas été contractés pour l’acquisition d’un revenu locatif).

  • Mise à jour le : 28/10/2024

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