Parahôtellerie : une fiscalité soumise à de strictes conditions

Par : edicom

Par Stanislas Vailhen, avocat associé département fiscal d’Alerion, et Maxime Sniegula, avocat senior département fiscal d’Alerion

La parahôtellerie séduit de plus en plus d’investisseurs immobiliers, notamment en raison de son régime fiscal particulièrement favorable. Aucun autre régime fiscal ne peut offrir à la fois une déductibilité de la TVA, une exonération d’IFI, ne exonération de la plus-value de cession de l’immeuble, une imputation des pertes sur le revenu global et une éventuelle transmission avec  le bénéfice du Dutreil(1).

La plupart de ces avantages (ce n’est pas le cas de la TVA, notamment) ont pour corollaire l’exercice effectif d’une activité de parahôtellerie de manière professionnelle, ce que le fisc s’attache à vérifier en pratique. Il est donc très important de bien appréhender les contraintes de ce régime et d’en respecter les conditions.

D’une façon générale, le bénéfice du régime fiscal de la parahôtellerie n’est acquis qu’aux investisseurs exerçant cette activité dans les conditions d’une véritable activité économique, par opposition à une activité patrimoniale. Un certain nombre de « marqueurs » doivent donc être respectés afin de sécuriser les avantages fiscaux obtenus. Nous évoquons, ci-après, les principales précautions devant être prises par tout investisseur en parahôtellerie, avant d’évoquer quelques aspects spécifiques à certains dispositifs fiscaux.

 

Principaux marqueurs d’une activité parahôtelière professionnelle

En pratique, pour éviter une remise en cause des avantages fiscaux de la parahôtellerie, la réalité de l’activité économique doit pouvoir être démontrée, ce qui nécessite, selon nous, de respecter les prérequis suivants.

L’activité doit poursuivre un but économique et doit donc générer un chiffre d’affaires suffisant, ce qui suppose que le bien soit loué de manière effective et régulière, la durée de location étant bien évidemment fonction de la nature du bien et de sa situation géographique. Par exemple, l’exploitation d’un chalet à la montagne au moins dix semaines par an nous semble être un objectif à atteindre en régime de croisière. Ce point est en particulier important pour sécuriser la déduction de la TVA, afin de démontrer que l’activité est exercée dans le cadre d’une activité économique (au sens de l’article 256 A du CGI). En pratique, et sans que cette règle n’ait de fondement légal, il est recommandé que le chiffre d’affaires soit au moins équivalent au montant des amortissements déduits.

L’activité doit être bénéficiaire ou doit pouvoir raisonnablement le devenir à moyen terme, même si, les premières années, elle est souvent structurellement déficitaire en raison des frais d’acquisition (s’ils n’ont pas été incorporés au prix d’acquisition), des charges d’intérêts et des amortissements. Même si, en soi, le caractère déficitaire n’est pas suffisant, il est un indice fort de l’absence de substance économique.

L’usage privatif du bien doit être limité et systématiquement comptabilisé pour éviter de commettre un acte anormal de gestion. Il est donc recommandé de louer majoritairement à des tiers et à des prix de marché, en particulier en haute saison. Plus les enjeux sont importants, plus la probabilité d’un contrôle sera grande, et plus l’administration s’attachera à vérifier le caractère professionnel de l’activité exercée. En pratique, les premières années au cours desquelles intervient souvent un remboursement de TVA (acquisition d’un immeuble neuf ou réalisation de gros travaux), il paraît préférable de strictement limiter l’usage privatif du bien et, idéalement, de le cantonner aux périodes de basse saison, durant lesquelles le bien aurait difficilement pu être loué à des tiers.

L’entreprise doit être dotée de moyens d’exploitation suffisants afin de fournir les services proposés et promouvoir l’activité. A titre d’exemple, la création d’un site Internet suffisamment référencé et permettant les réservations en ligne paraît importante, en plus d’une diffusion sur des plates-formes de réservation en ligne ou du recours à la publicité.

Les services caractérisant l’activité parahôtelière doivent être réellement proposés aux clients ; le recours aux services optionnels est expressément admis par l’administration fiscale, mais n’a en pratique pas de réel effet pour l’exploitant qui demeure tenu de pouvoir démontrer la matérialité des services de parahôtellerie offerts à ses clients. L’administration est particulièrement vigilante sur ce point, et l’entreprise doit être en mesure de démontrer par la production de factures ou contrats sa capacité à fournir les services de parahôtellerie proposés aux clients. Il est donc impératif, en pratique, de se ménager des moyens de preuve de la réalité des services fournis. Enfin, les documents remis aux clients par l’entreprise (contrats, factures, etc.) doivent mentionner les services proposés.

La réalité des prestations de parahôtellerie n’appelle pas de remarques de notre part, étant rappelé qu’il nous paraît avant tout indispensable de s’attacher à pouvoir démontrer l’exercice professionnel d’une activité de parahôtellerie en respectant scrupuleusement les « marqueurs » précédemment décrits.

 

La déduction de la TVA se prépare en amont

Contrairement aux locations de logements, même meublés, à usage d’habitation (exonérés de TVA, sans possibilité d’option), la parahôtellerie est un des rares cas de location immobilière obligatoirement assujettie à la TVA. En cas d’acquisition d’un bien neuf ou de réalisation de travaux, la TVA supportée peut donc être récupérée, au même titre que la TVA afférente aux opérations courantes. En pratique, le dépôt de demande(s) de remboursement de TVA entraîne des contrôles quasi systématiques de la part de l’administration fiscale.

Afin d’éviter toute discussion sur la qualité d’assujetti ou sur le point départ du droit à déduction, il est recommandé de formaliser expressément dans l’acte d’acquisition que l’acquéreur agit en qualité d’assujetti à la TVA et que l’immeuble est destiné à être affecté à une activité de parahôtellerie(2). Cette position est conforme à la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE 25 juillet 2018, aff. 140/17, Szef Krajowej Administracji Skarbowej c/Gmina Ryjewo) pour qui l’intention de l’acquéreur est déterminante et peut être établie par tout moyen. L’absence d’exploitation immédiate du bien pour les besoins de l’activité ne fait donc pas, en soi, obstacle à la déduction de la TVA acquittée au titre de l’acquisition ou des travaux. Cette TVA peut, le cas échéant, être déduite a posteriori, sous réserve d’avoir été portée sur une déclaration de TVA avant le 31 décembre de la deuxième année qui suit celle au cours de laquelle ladite TVA a été supportée (article 208 de l’annexe II du CGI).

En cas d’exercice de l’activité au travers d’une société, les statuts doivent préciser clairement l’activité exercée par celle-ci et une option pour la TVA doit être exercée lors de l’immatriculation de l’activité.

Une attention particulière devra enfin être apportée au formalisme des factures – nature des services, taux de TVA, raison sociale et adresse de l’exploitant parahôtelier, autant d’éléments que le fisc s’attache à vérifier au moment de l’instruction de la demande de remboursement de TVA.

 

Exonération d’IFI

Les conditions à respecter pour justifier d’une exonération d’IFI en cas d’exercice d’une activité individuelle de parahôtellerie doivent être anticipées. En pratique, l’activité peut être exercée de manière individuelle ou au travers d’une société. Les conditions d’exonération ne sont pas les mêmes et doivent être bien maîtrisées.

Alors qu’en cas d’exercice de l’activité au travers d’une société, l’exonération sera acquise (immeuble placé hors champ de l’IFI) par le simple fait d’inscrire l’immeuble à l’actif d’une société qui exerce une activité effective de parahôtellerie, une implication personnelle, directe et continue de l’exploitant parahôtelier devra être démontrée en cas d’exploitation individuelle(1).

Concrètement, cela nécessite de pouvoir démontrer une implication de l’exploitant individuel dans l’organisation de l’activité, qui passera par la production de courriers ou échanges d’emails avec les prestataires, de nature à démontrer qu’il agit en qualité de « chef d’orchestre ».

 

Conclusion

L’activité de parahôtellerie offre de multiples avantages fiscaux, à la condition d’en respecter les conditions et de bien comprendre qu’il s’agit d’un régime d’exploitation professionnelle d’un actif immobilier, ce qui devrait conduire l’investisseur éclairé à fuir les investissements clés en main dans lesquels il se contenterait de percevoir un revenu locatif amputé de la commission du gestionnaire qui lui offrirait, au mieux et sous certaines conditions, un remboursement de la TVA et une exonération d’IFI, à l’exclusion de tous les autres avantages fiscaux qu’offre la parahôtellerie exercée de manière professionnelle.

Enfin, sur le plan fiscal, l’activité de parahôtellerie est une activité commerciale au sens des articles 34 et 35 du CGI. A ce titre, sous réserve qu’elle soit exercée de manière professionnelle, elle est éligible au remploi prévu à l’article 150-0 B ter du CGI. Si le point n’a pas encore été tranché en jurisprudence, le Conseil d’Etat a néanmoins confirmé l’éligibilité de la parahôtellerie au remploi pour l’application de l’ancien dispositif du sursis d’imposition prévu à l’article 150-0 B du CGI en relevant le caractère économique de cette activité (CE, 19 avril 2022, n° 442946).          

1. « Parahôtellerie, une fiscalité avantageuse mais complexe », article paru dans le magazine Profession CGP n° 49 (avril-mai-juin 2020).

2. L’absence d’une telle déclaration dans l’acte d’acquisition « n’exclut pas qu’une telle intention puisse apparaître de manière implicite » en présence d’éléments objectifs en ce sens (CAA Paris, 5e ch., 17 février 2022, n° 20PA01181).

  • Mise à jour le : 21/04/2023

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