Fraude fiscale : 14,6 milliards d’euros récupérés par Bercy en 2022

Par : Paola Feray

1,2 milliard d’euros de plus qu’en 2021 : la lutte contre la fraude fiscale atteint un niveau inédit, selon les chiffres dévoilés par Bercy. A noter le rôle d’alerte essentiel dans la détection des fraudes émergentes de Tracfin, notamment dans les cryptoactifs.

Gabriel Attal, ministre délégué chargé des Comptes publics, avait déjà dévoilé dans un entretien au Parisien mercredi 22 févier, le bilan record de la lutte contre la fraude fiscale, douanière et sociale en 2022. Des propos confirmés officiellement le lendemain par Bercy.

Les montants mis en recouvrement après contrôle fiscal atteignent un niveau inédit avec un total de 14,6 milliards d’euros, soit 8,2% et 1,2 milliard d’euros de plus qu’en 2021 : des résultats qui ont non seulement retrouvé leur niveau d’avant-crise sanitaire, mais ont dépassé ceux obtenus en 2019.

L’action des services de contrôle a permis de mettre à jour 14,6 milliards d’euros d’impôts éludés (droits et pénalités) qui ont été mis en recouvrement auprès des particuliers et les entreprises, soit 8,2 et 1,2 milliard de plus qu’en 2021.

Les opérations de contrôle fiscal sur place, principalement dans les entreprises, ont permis de mettre en recouvrement 8,8 milliards d’euros de droits et pénalités, soit une augmentation d’un milliard d’euros (+13 %) par rapport à l’année 2021. Le contrôle fiscal sur pièces a donné lieu à la mise en recouvrement de 5,8 milliards d’euros de droits et pénalités, contre 5,6 milliards d’euros en 2021 (+3%). 10,6 milliards d’euros d’impôts ont été encaissés par l’Etat suite à contrôle, niveau équivalent à 2021. En termes de montants encaissés, ce résultat est porté principalement par l’impôt sur les sociétés et la taxe sur les salaires (+ 30% par rapport à 2021) et les droits de succession (+ 23 % par rapport à 2021).

Selon Bercy, ces résultats historiques s’expliquent notamment par le renforcement du ciblage national du contrôle fiscal par l’analyse de données (datamining). 52% des contrôles des entreprises ont ainsi été engagés en 2022 suite à datamining. Par ailleurs, 2 Md€ de droits et pénalités ont été mis en recouvrement auprès des contribuables sur des dossiers qui avaient été ciblés par le datamining les années passées (+ 67 % par rapport à 2021).

 

Contribuables de bonne foi et répression des fraudeurs

L’accompagnement des contribuables de bonne foi dans le cadre de la relation de confiance a progressé : près de 45 % des contrôles sur pièces se sont terminés de façon apaisée par des régularisations en cours de contrôle, soit 47 000 dossiers en 2022, contre 43 000 en 2021.

667 PME supplémentaires ont bénéficié de l’accompagnement fiscal personnalisé, soit un total de 1494 entreprises accompagnées au 31 décembre 2022, contre 827 en 2021.

La lutte intensive contre la fraude, qui représente 30 % des contrôles sur place contre 26 % en 2020, s’est poursuivie.

Les contrôles répressifs ont représenté 5,1 Md€ en2022. L’action pénale menée par la DGFIP en matière fiscale s’est intensifiée : la justice a été saisie de 1770 dossiers. La « police fiscale » (plaintes pour présomption de fraude) a été saisie de 48 dossiers, en augmentation de 7 % par rapport à l’année passée. 1 373 dossiers (représentant 659 M€ de droits rappelés) ont été transmis à l’autorité judiciaire dans le cadre des « dénonciations obligatoires » instituées par la loi du 23 octobre 2018 (1 217 dossiers en 2021 et 823 en 2020). 257 plaintes pour fraude fiscale ont été déposées après avis favorable de la commission des infractions fiscales (CIF) et 92 plaintes pour escroquerie en matière fiscale.

Au total, le nombre de saisines de l’autorité judiciaire pour des fraudes à l’impôt – dénonciations obligatoires, plaintes pour fraude fiscale, plaintes « police fiscale », plaintes et signalements pour escroquerie fiscale – continue d’augmenter année après année (1 770 en 2022, 1 620 en 2021 et 1 484 en 2020).

En outre, les services de contrôle fiscal ont fortement contribué à la répression de la fraude en matière d’aides publiques, comme le fonds de solidarité. Au cours de l’année 2022, 3 760 plaintes et 248 signalements ont été déposés auprès de l’autorité judiciaire. Le préjudice visé par ces plaintes et signalements s’élève à 86,7 millions d’euros.

Enfin, trois CJIP (convention judiciaire d’intérêt public issue de la loi Sapin II, une mesure alternative aux poursuites, destinée à accélérer les procédures) ont été conclues pour des faits de fraude fiscale, complicité de fraude fiscale et blanchiment de fraude fiscale pour un montant total d’amendes d'intérêt public versées s’élevant à 645 millions d’euros.

63 affaires de fraude fiscale ont entraîné des condamnations par reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC).

 

Lutte contre la fraude : 30 % de l’activité de Tracfin

Service de renseignement, chargé de la lutte contre le blanchiment d'argent, le financement du terrorisme, mais aussi contre la fraude fiscale, sociale et douanière rattaché à Bercy, Tracfin a amélioré sa capacité à alimenter les services de lutte contre la fraude et joue un rôle d’alerte essentiel dans la détection des fraudes émergentes.

En 2022, la lutte contre la fraude fiscale, sociale et douanière a représenté 30 % de l’activité de Tracfin. L’enjeu financier des notes et analyses de Tracfin en matière de lutte contre les fraudes s’élève à 1,5 Md€. Dans ce domaine, Tracfin a effectué 884 signalements en 2022 à destination notamment de l’administration fiscale (458 signalements) et de l’autorité judiciaire (129 signalements).

Tracfin opère à partir d’un volume de soupçons déclarés par les 200 000 assujettis aux obligations de vigilance en matière de lutte contre le blanchiment toujours plus élevé : moins de 70 000 déclarations en 2017 contre 167 000 en 2022 (+138,6%).

Les activités non déclarées, les comptes bancaires non déclarés et le travail dissimulé (notamment dans les secteurs du BTP, de l’agriculture et du transport routier) représentent l’essentiel de l’activité dans ce domaine. Les dossiers transmis concernent aussi bien des individus que des entreprises.

Afin d’anticiper et d’entraver les menaces nouvelles, Tracfin suit par ailleurs l’émergence et l’évolution de nouveaux schémas de fraude, par une analyse en continu des déclarations de soupçons.

Ainsi, on apprend que parmi les évolutions de la fraude détectées en 2022 par Tracfin :

- les fraudes liées aux crypto-actifs notamment la non déclaration ou à la minoration des plus-values issues des cessions de jetons non fongibles (NFT en anglais) ;

- les fraudes aux dispositifs d’aide de l’Etat, comme l’aide à l’installation des personnels de l’Etat, le crédit d’impôt recherche ou le compte personnel de formation ;

- les schémas de dissimulation d’avoirs à l’étranger par le recours à des donations déguisées ou l’abus de biens sociaux, notamment en exploitant les fuites de documents publics (leaks).

  • Mise à jour le : 24/02/2023

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