Deux DU pour se former à la clientèle des seniors

Par : Benoît Descamps

Les universités d’Auvergne, via l’Aurep, et de Nice ont toutes deux créer des formations spécifiques aux problématiques des seniors afin de permettre aux conseils en gestion de patrimoine, mais aussi aux mandataires judiciaires, de se former aux attentes spécifiques de cette clientèle et de leur entourage.

En fin d’année 2015, l’Aurep et l’université d’Auvergne lançaient un DU (diplôme d’université) de Gestion du patrimoine des seniors et des personnes âgées vulnérables, destiné à un large public. Une formation placée sous la responsabilité de Jean Aulagnier et de Jean-Marin Serre.

Gérer les « peurs » des seniors

Face au développement de la population des seniors et des personnes dépendantes, et à leurs contraintes spécifiques (retraites en baisse, allongement de la durée de vie, risques de longue maladie et de longue vie, transmission ou rétention du patrimoine, etc.), l’Aurep et l’université d’Auvergne ont en effet complété leur offre de formation à destination des professionnels du patrimoine, du chiffre et du droit, mais aussi aux curateurs, tuteurs, fiduciaires, mandataires judiciaires… Ce DU Gestion du patrimoine des seniors et des personnes âgées dépendantes est donc le quatrième diplôme préparé par l’Aurep, à côté du DU Gestion de patrimoine (GP), du DU Ingénierie patrimoniale du chef d’entreprise (IPCE) et du DU Gestion internationale du patrimoine (GIP).

« Les professionnels du patrimoine ont pris conscience que la gestion de patrimoine doit être abordée de façon à construire une fin de vie la plus agréable possible pour leurs clients, par une utilisation nécessairement adaptée du patrimoine, analyse Jean Aulagnier, responsable de la formation. Nous sommes passés d’une gestion de la transmission à une gestion de la conservation pour la consommation du patrimoine. On ne peut plus donner de la même manière. Cet égoïsme légitime doit se substituer à un altruisme habituel. » Le contenu de la formation s’articule autour des deux principales préoccupations des seniors : la peur de manquer et la peur de gérer.

Ainsi, après une introduction sur l’actualité et les enjeux de la thématique sur les plans individuel et collectif, la formation est décomposée en trois grandes parties. Tout d’abord, les aspects essentiellement économiques et financiers sont abordés (50 heures). Il s’agit ici d’équilibrer ressources et dépenses et de maîtriser la peur de manquer du senior. Sont traités :

- les enjeux démographiques et macroéconomiques du vieillissement : dépenses de santé, retraites, comportement d’épargne, etc. ;

- la dimension socio-économique : revenus de remplacement/contrats retraite, la couverture des risques maladie, des accidents de la vie et du risque de dépendance ;

- et la dimension économique du patrimoine : rétention ou transmission du patrimoine, donations entre époux, préservation du cadre de vie : maintien à domicile et viager occupé, préservation du niveau de vie : conversation et disponibilité du patrimoine et allocation d’actifs, les rentes viagères, les solidarités familiales, l’aide sociale.

La deuxième partie est consacrée aux aspects juridiques de la gestion de patrimoine des seniors : comment organiser le patrimoine et donc maîtriser la peur de gérer de la personne âgée (40 heures). Il s’agit ici d’aborder les sujets :

- de la délégation occasionnelle ou conventionnelle des pouvoirs de gérer (mandat de gestion, procurations bancaires, gestion collective déléguée et mandat judiciaire entre indivisaires) ;

- de la délégation permanente de la gestion : par les proches, la substitution (indivision organisée, mise en société, la fiducie gestion, mandat de protection future), l’organisation de l’incapacité (curatelle, tutelle, sauvegarde de justice) ;

- les libéralités des personnes de grand âge et des protégés ;

- les préoccupations des seniors en fin de vie (accompagnement thérapeutique, conventions obsèques, les dettes) ;

- et l’analyse comportementale du conseil en gestion de patrimoine (rôle, missions, déontologie, rémunération, etc.).

« En effet, les participants à la formation sont également sensibilisés à l’approche comportementale à adopter, quel que soit l’interlocuteur, précise Jean Aulagnier. Des études de cas sont proposées en compagnie de la société Métisse Finance : le couple âgé, la personne âgée seule, le senior avec sa famille et le mandataire judiciaire. »

Enfin, la dernière partie est consacrée à des études de cas pour une mise en œuvre pratique des solutions pouvant être  Cette formation dispensée par une équipe pluridisciplinaire de sept personnes se déroule uniquement à Paris et est ouverte aux titulaires d’un master 1 en droit, en économie ou en gestion de patrimoine (ou équivalent) ou via une procédure de validation des acquis professionnels. D’une durée de 110 heures (de fin janvier à début juin), le prix de la formation a été fixé à 3 160 euros. 35 professionnels du patrimoine composaient la première promotion de préparation au DU. Cette formation aujourd’hui terminée (examen en décembre), il est possible à Jean Aulagnier et à l’équipe pédagogique de faire un premier bilan. « Nous avions un public très diversifié, composé de CGPI, de chargés de clientèle, banquiers, assureurs, de mandataires judiciaires. Ces professionnels du patrimoine s’adressent non seulement aux seniors concernés par le vieillissement mais également à leur famille, leur entourage, les aidants et accompagnants. On a pu constater la diversité des situations rencontrées. Certains clients anticipent le vieillissement, quelles stratégies mettre en place ? D’autres gèrent le vieillissement, comment améliorer la qualité de vie du seniors. Les CGP veulent mieux maîtriser les instruments disponibles. Comment traiter la personne âgée aussi bien sur le plan patrimonial qu’au niveau de son environnement familial, des aidants et de ses conseils. Le module relatif à l’approche comportementale de cette clientèle a d’ailleurs été très apprécié et devrait être renforcé pour la prochaine promotion. Sur le plan des techniques juridiques, le besoin était réel avec une réelle curiosité vis-à-vis de l’étendue des solutions pouvant être apportée, notamment en matière de mandat de protection future, de procédure de mise sous tutelle ou curatelle, encore les solutions liées à la retraite et à la prévoyance et la consommation du patrimoine par la rente. La gestion des peurs de la personne âgée a été un fil conducteur apprécié et nous avons pu nous rendre compte dans nos échanges que plus que le niveau de vie, c’est le cadre de vie qui est la préoccupation majeure de ces personnes. » La prochaine promotion devrait débuter en février prochain, à Paris, avec la mise en place d’une session de prérequis en janvier.

Davantage axé sur les personnes protégées

Depuis janvier dernier, l’université de Nice, plus précisément la faculté de droit et de science politique, propose un DU sur la gestion du patrimoine des personnes protégées en collaboration avec la société Olifan Group, société indépendante de conseil en gestion de patrimoine. Son positionnement se veut différent de celui récemment créé par l’Aurep. « Notre formation s’intéresse aux personnes déjà protégées et non pas à l’anticipation de la dépendance. Il s’agit donc de maîtriser les contraintes liées à l’environnement tutélaire, de connaître les stratégies patrimoniales adaptées, tout en privilégiant l’interprofessionnalité, signale Jacques Delestre, associé et responsable du département personnes vulnérables d’Olifan Group (cf. Profession CGP n° 31, quatrième trimestre 2015, pages 56 à 58) et concepteur de la formation en compagnie de Gilles Noël, professeur de droit public et responsable de la formation. Tous les deux ans à Nice, nous organisons la convention Abripargne, une sorte de Patrimonia de la tutelle, réunissant tous les acteurs de la vulnérabilité. C’est lors de cette manifestation qu’est née l’idée de créer cette formation d’excellence. »

Ce diplôme s’adresse aux CGP, étudiants en droit, assureurs, notaires, avocats ou encore mandataires judiciaires, et est actuellement suivi par une quinzaine de personnes venant d’horizons divers et de toute la France. L’accès à la formation est ouvert aux titulaires d’un diplôme de niveau Bac + 3, avec une sélection sur dossier. La formation se déroule sur six mois, avec quatre sessions de cours de deux jours et demi et deux sessions de cinq jours, pour un volume horaire total de 150 heures. Ce diplôme universitaire est articulé autour de quatre unités d’enseignement :

- le cadre juridique de la protection (loi du 5 mars 2007, mesures judiciaires de protection de la personne et des biens, mandat de protection future : 40 heures) ;

- les techniques de la gestion patrimoniale des majeurs protégés et handicapés (gestion administrative, financière et fiscale, gestion des aides sociales, contrainte de gestion, etc. : 40 heures) ;

- l’efficacité de la gestion patrimoniale (développer des revenus, sécuriser la gestion, fiducie, prévoyance, etc. : 40 heures) ;

- et la garantie d’une bonne gestion professionnelle (contours de la responsabilité du conseil tant sur le plan civil que pénal, maîtrise des relations avec l’autorité judiciaire et les établissements bancaires, etc. : 30 heures). La rédaction d’un mémoire est également prévue. L’équipe pédagogique est constituée d’universitaires spécialisés en droit des tutelles, comme Gilles-Raoul Cormeil de l’université de Caen, Nathalie Peterka de l’université de Créteil ou encore Jean-Marie Plazy de l’université de Bordeaux, des professionnels de la tutelle (juges, notaires et avocats) et des professionnels du conseil en gestion de patrimoine reconnus comme des experts de la thématique. « Avec plus de 800 000 personnes sous protection et 5 millions frappées par un handicap, le besoin de spécialisation dans ce domaine est énorme. Cette demande va continuer de s’accroître ces prochaines années, tant le nombre de personnes mises sous tutelle augmente du fait de l’allongement de la durée de vie et l’accroissement des maladies dégénératives, affirme Jacques Delestre. Leurs clients vieillissant, tous les CGP peuvent donc être concernés par les contraintes de gestion du patrimoine d’une personne vulnérable. Pour ne pas exposer leur responsabilité civile professionnelle, la formation est nécessaire. »

Son prix est fixé à 3 500 euros pour les professionnels (300 euros pour les étudiants) et la prochaine formation débutera à la fin du mois de janvier pour se terminer en juin 2017.

 

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