DDA : quel impact pour les CGP ?
Par Alexandre Peschet, directeur général d’Upsideo
La directive sur la distribution d’assurances (DDA) est entrée en vigueur depuis le 1er octobre. Cette nouvelle réglementation, complémentaire à la directive MIF 2, va pousser les distributeurs de produits d’assurance-vie à franchir définitivement le pas du digital.
La réglementation financière continue de se durcir en Europe. Après l’entrée en vigueur au 3 janvier 2018 de la directive MIF 2, obligeant notamment les acteurs de la finance à faire preuve d’une meilleure transparence sur leur rémunération, la DDA est appliquée depuis cet automne.
Cette directive a pour but de protéger les épargnants en obligeant les distributeurs de produits d’assurance-vie (courtiers, notamment CGP et banquiers privés) à proposer à leurs clients des produits en adéquation avec leur profil d’investissement. Les distributeurs devront ainsi collecter de nombreux renseignements sur leurs clients pour être en mesure de prouver que les produits conseillés sont bien adaptés.
Vers de nouvelles obligations chronophages
Dorénavant, les distributeurs devront donc procéder à deux « tests » auprès de leurs clients. Le « test de correspondance au marché cible » permettra de s’assurer que les produits conseillés correspondent bien au profil de l’épargnant et le « test d’adéquation » permettra de s’assurer que l’allocation d’actifs suggérée par le courtier est également en adéquation avec ce profil.
Toutefois, ces process auront la particularité de ne pas être uniformisés en fonction des compagnies d’assurance. Concernant le test de correspondance, les données des assureurs pourront ainsi être différentes d’un acteur à un autre. Il faudra donc connecter les informations des concepteurs de produits, parfois bien différentes, avec un questionnaire de connaissance client approprié. Pour le test d’adéquation, il faudra rapprocher les profils des unités de compte avec celui du client et en vérifier l’adéquation.
Dans ce contexte, pour les courtiers en assurance n’ayant pas encore franchi le pas de la digitalisation, ces procédures risquent d’être particulièrement chronophages. Le temps passé à remplir ces documents, à récupérer les données nécessaires et à les croiser va accroître de manière significative le temps passé pour la souscription d’un contrat. On comprendra aisément que dans ces conditions, la DDA pourrait inciter les courtiers à délaisser leurs clients au patrimoine plus modeste, la rentabilité de ceux-ci devenant trop faible par rapport au temps passé pour accompagner chacun d’eux.
La transformation digitale va devenir vitale
L’utilisation d’outils adéquats (applications ou logiciels spécialisés) deviendra donc nécessaire pour permettre aux courtiers de gagner un temps précieux, grâce à des formulaires préremplis et des outils de récupération automatiques et d’intégration de données des assureurs. Le parcours client intégrera des algorithmes permettant de croiser les données et de réaliser les tests de correspondance et d’adéquation et d’éditer les rapports obligatoires. Les gains de productivité permis par le digital correspondront également à une attente de la part des clients, qui ne comprendraient pas que les démarches réglementaires réalisées par leur courtier puissent être lourdes et complexes.
Les outils digitaux deviendront également essentiels pour assurer la traçabilité à valeur probante des opérations et des conseils apportés aux clients. D’après l’ordonnance publiée le 17 mai dernier, cette traçabilité va, en effet, devenir une obligation avec l’entrée en vigueur de la DDA. Lors des contrôles menés par l’ACPR, les courtiers devront donc être en mesure de prouver qu’ils ont effectué les démarches obligatoires pour bien connaître leurs clients et leur proposer des produits adaptés. Seul l’emploi d’outils digitaux pourra permettre aux acteurs du secteur d’apporter cette preuve de manière simple, efficace et sécurisée, sans avoir à rédiger eux-mêmes manuellement un fastidieux compte-rendu pour justifier chacune de leurs démarches.
La transformation digitale des distributeurs d’assurance-vie va donc devenir une condition sine qua non de l’exercice de leur métier. Ceux d’entre eux n’ayant pas encore franchi le pas ne doivent plus attendre : il deviendra difficile de rivaliser avec les acteurs déjà digitalisés lors de l’entrée en vigueur de la DDA.
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