Lutte anti-blanchiment : les professionnels de l'immobilier toujours à la peine
La commission nationale des sanctions a rendu son rapport d’activité 2017. Les professionnels de l’immobilier sont toujours à l’amende. En effet, sur les 49 décisions rendues par la commission, les deux tiers concernent le secteur de l’immobilier et plus particulièrement l’immobilier de luxe et de prestige.
Instituée par la loi auprès du ministre de l'Economie, la commission nationale de sanctions est une institution indépendante chargée de sanctionner les manquements commis par certains professionnels (les agents immobiliers, les personnes exerçant l’activité de domiciliation et les opérateurs de jeux ou de paris, y compris en ligne), ne respectant pas leurs obligations en matière de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme, n’appartiennent pas au secteur financier et ne disposent pas d’un ordre professionnel ou d’un organisme disciplinaire .
Son président a souligné l’ignorance largement partagée de leurs obligations par un grand nombre d’entreprises. Même si des progrès semblent exister, le retard des professionnels concernés demeure élevé et des efforts importants restent à accomplir. L’obligation de mettre en place des systèmes d’évaluation et de gestion des risques, qui représente environ 23 % du total des manquements retenus, a été systématiquement méconnue dans l’ensemble des dossiers examinés par la Commission. Les manquements le plus souvent établis ont également porté sur l’obligation d’identification et de vérification de l’identité du client, l’obligation de recueillir des informations et d’exercer une vigilance constante sur la relation d’affaires et l’obligation de formation et d’information régulière du personnel.
Le rapport de la commission des sanctions indique que les biens immobiliers permettent des investissements de valeur élevée et à fort rendement et leur valeur peut donner lieu à une sous ou surévaluation, vecteurs d’intégration des fonds d’origine illicite dans l’économie légale.
Au cours de l’année 2017, le nombre de transactions immobilières en France a atteint environ un million, témoignant du dynamisme du secteur. Le risque de blanchiment existe particulièrement pour des opérations dans le secteur de l’immobilier de luxe et de prestige, comme l’ont illustré plusieurs affaires pénales récentes liées à des acquisitions d’actifs immobiliers dans le sud de la France, mais n’est pas absent dans le cas d’opérations portant sur des actifs d’une valeur plus modeste, qui peuvent être utilisés par exemple pour blanchir des profits issus du trafic de stupéfiants ou de la fraude fiscale.
Ces risques sont renforcés lorsque l’acquisition est financée par un apport personnel, mais également lorsqu’elle est financée totalement ou partiellement par un emprunt. L’utilisation de montages complexes avec l’interposition de sociétés civiles immobilières peut aussi créer des risques particuliers. L’investissement dans l’immobilier qui peut assurer des rémunérations attractives dans un environnement de taux faibles sur les marchés financiers est également sensible. Au-delà des risques liés aux opérations de cessions, les contrats de location sont potentiellement utilisés à des fins de blanchiment, notamment lorsque les loyers sont payés en espèces avec des fonds d’origine illégale. L’ordonnance du 1er décembre 2016 a donc étendu le dispositif à l’activité des agents immobiliers qui apportent leur concours à la location immobilière.
La commission nationale des sanctions appelle donc, au-delà d’une implication plus forte des réseaux et syndicats professionnels dans la diffusion de l’information de bonnes pratiques et des formations et la mobilisation de leurs adhérents, à ce que les autorités de contrôle utilisent leur pouvoir d’injonction à l’égard des personnes assujetties. Sa mise en œuvre devra s’accompagner de la saisine de la commission. Celle-ci pourra d’ailleurs prendre en compte l’absence de réaction du professionnel après une injonction.
Source : Rapport d'activité CNS 2017
Vos réactions