Lutte anti-blanchiment : les CGP ont des obligations !
Par Sophie Ducout, chargée de mission auprès de la direction générale de CGP Entrepreneurs
Le conseiller en gestion de patrimoine, de par son statut de CIF (conseiller en investissement financier), d’intermédiaire en assurance ou encore de professionnel de l’immobilier est assujetti aux obligations de lutte anti-blanchiment. il doit adopter des mesures de vigilance et effectuer, en cas de soupçons, une déclaration à Tracfin, la cellule de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme de l’Etat français. Outre le risque de réputation, le CGP encourt des sanctions disciplinaires et pénales s’il ne se soumet pas à ces obligations réglementaires. Quelles mesures peut-il mettre en place pour se conformer à ces obligations ? Quel processus peut-il adopter ? Une cartographie des risques et des process clairs s’impose…
En tout état de cause, le CGP doit se poser trois questions fondamentales : quelle est ma connaissance du client ? Quelle est l’opération ? Est-elle en adéquation avec le profil du client ?
Des obligations imposées par les autorités
Le processus de lutte anti-blanchiment, mis en place dès le premier euro investi, ne se limite pas à connaître la provenance des fonds… Le CGP doit vérifier que l’opération est conforme aux revenus et à l’activité professionnelle présente et passée du client.
Le CGP a ainsi des obligations de vigilance dès l’entrée en relation avec son client, relation qui s’inscrit naturellement dans la durée, puisqu’il est amené à rencontrer régulièrement son client pour actualiser périodiquement les informations. Il connaît la situation patrimoniale globale de son client, et dispose de renseignements précis sur l’origine et la destination des sommes investies, ainsi que sur l’objet de la transaction et l’identité de la personne qui en bénéficie.
Les obligations imposées par les fournisseurs
Le CGP doit se soumettre aux procédures élaborées par les fournisseurs : chacun d’entre eux édicte des procédures qui lui sont propres qui, à défaut d’être suivies par le CGP, entraînent une invalidation de la souscription du client. Fait dommageable pour un intermédiaire comme le CGP, il n’existe pas de procédure commune à tous les assureurs… A lui donc de s’adapter.
Toute la difficulté pour le CGP réside donc dans le fait de créer son propre process de lutte anti-blanchiment, tout en appliquant celui imposé par les fournisseurs.
Bâtir un processus de lutte anti-blanchiment, basé sur le bon sens
Les autorités représentées par l’ACPR, l’AMF et Tracfin recommandent fortement au CGP de mettre en place une cartographie des risques adaptée à sa typologie de clientèle. Les textes imposent aux professionnels de raisonner par niveau de vigilance et cette vigilance ne concerne pas uniquement le montant de l’opération envisagée. Le CGP doit justifier de la provenance des fonds et, selon le niveau de vigilance, il se conformera aux déclarations du client ou lui demandera des justificatifs écrits.
Tout d’abord, le CGP se renseigne sur l’identité véritable du client en demandant une pièce d’identité conforme, ainsi qu’un justificatif de domicile. Si cette étape parait relever du bon sens, il ne faut pas l’oublier ! Il doit ensuite vérifier si la personne, ou un membre de sa famille, est politiquement exposée dans un autre pays (mandat, fonction politique, juridictionnelle ou administrative de haut niveau) afin de qualifier le niveau de vigilance. Par ailleurs, les nouvelles règles Fatca (Foreign Account Tax Compliance Act) obligent le CGP, depuis juillet 2014, à communiquer à ses fournisseurs des informations complémentaires sur les « US Persons », afin que ces fournisseurs puissent fournir les informations nécessaires à l'administration fiscale américaine, via l'administration fiscale française.
Dans le même temps, le CGP va recueillir toutes les informations nécessaires sur l’objet de l’entrée en relation avec le client : activité, ancienne et actuelle, situation patrimoniale et maritale… Son devoir de conseil lui impose également de notifier par écrit les informations reçues dans le recueil d’informations patrimoniales. Celui-ci, signé par le client, permet d’obtenir son engagement sur ses déclarations.
Niveau de vigilance
Puis le CGP détermine le niveau de vigilance à appliquer : vigilance allégée, normale ou renforcée, afin de demander les pièces justificatives éventuellement nécessaires pour les sommes investies. Les critères qui déterminent le degré de vigilance sont fonction du montant des versements et du secteur d’activité du client. C’est pourquoi il est primordial que le CGP ait mis en place une cartographie des risques adaptée à son métier, avec une classification tenant compte du profil de l’investisseur, de l’opération envisagée, du produit, du montant, etc.
La vigilance normale s’applique dans la plupart des cas… A titre d’exemple, la vigilance peut être allégée pour les sociétés cotées ou pour des contrats de prévoyance sans valeur de rachat. A l’opposé, la vigilance peut être renforcée pour des clients dont l’activité professionnelle est considérée comme « sensible » (professions financières, par exemple). La vigilance renforcée impose alors l’ajout de pièces justificatives au dossier justifiant l’origine des fonds comme les actes notariés ou les derniers arrêtés de compte.
Un soupçon persiste ? La déclaration à Tracfin s’impose !
Si, malgré les procédures et vérifications, le CGP a un soupçon quant à la justification économique de l’opération ou la provenance des fonds à investir, il se doit d’effectuer une déclaration de soupçons préalablement à l’exécution de l’opération. Tracfin a un délai d’un jour pour notifier la non-possibilité de l’opération et exercer son droit d’opposition. Rappelons que la déclaration est strictement confidentielle. Il est parfois possible de déclarer ses soupçons a posteriori si le doute est apparu après la transaction.
Dans le cas où le CGP ne déclare pas ses soupçons et que ceux-ci se sont révélés justes, il ne répond pas aux obligations réglementaires et peut être ainsi pris en défaut de vigilance ou en défaut de procédure par l’ACPR. Il encourt alors des sanctions disciplinaires et pénales. Les sanctions pénales peuvent s’élever jusque de cinq années de prison et 375 000 euros d’amende, sanction doublée en cas de récidive.
Il est donc très important pour les fournisseurs et les groupements, d’accompagner les CGP dans leurs obligations de lutte anti-blanchiment, à travers des formations ou encore une mise à disposition de process adaptés à leur métier. Avec 29 000 déclarations de soupçons en 2013, dont 27 000 par des professions soumises au dispositif LAB, ces mesures entrées dans les habitudes de certains doivent aujourd’hui s’ancrer dans celles de tous.
Vos réactions