Se préparer au rebond de l’inflation
Par Seema Shah, stratégiste en chef chez Principal Global Investors.
Les craintes d’une poussée inflationniste reviennent sur le devant de la scène, entre un « effet de base » mécanique lié à l’évolution de la crise sanitaire et des facteurs de soutien à moyen terme. Des perspectives qui doivent inciter les investisseurs à ajuster le positionnement de leur allocation d’actifs.
Alors que les économies développées traversent structurellement une ère de « Grande Modération » depuis trente ans, caractérisée par une croissance faible, des pressions déflationnistes et des freins démographiques, la crise sanitaire actuelle constitue une forme de régime exceptionnel. En effet, il faut prendre en compte l’aspect transitoire de tensions inflationnistes attendues à l’aune des conditions provoquées par la Covid-19 en 2020 : en raison de la forte baisse de la croissance économique et de l’inflation enregistrée l’année dernière, une tension de l’inflation par un effet de base marqué est inévitable. Mais au-delà de cet aspect « technique », des facteurs inflationnistes à moyen terme sont à l’œuvre.
Catalyseurs inflationnistes
Depuis plus d’un an, la mise à l’arrêt de pans entiers de l’économie lors des phases de confinement a créé des distorsions dans les chaînes d’approvisionnement. Alors que la demande s’est accélérée en raison de transferts fiscaux et à mesure de l’amélioration progressive des conditions sanitaires, l’offre est restée limitée dans de nombreuses industries marquées par une rupture et donc, une pénurie de l’approvisionnement. Cela soutient une hausse des prix, notamment dans les secteurs de l’énergie, de la production alimentaire, des semi-conducteurs ou des matériaux de construction. Reconstituer les stocks prend généralement du temps. Même si l’activité économique redémarre aux Etats-Unis, les capacités de production pour combler le retard et répondre à la demande devraient rester insuffisantes.
D’autant que les forces en présence concernant la demande sont significatives. Les plans de relance budgétaire mis en place face à l’épidémie constituent des catalyseurs favorables. Outre-Atlantique, les trois plans de relance « Covid-19 » adoptés par le Congrès représentent 5 000 milliards de dollars, auxquels s’ajouteront cette année 2 000 milliards pour le programme de développement infrastructurel et 1 800 milliards pour le plan de soutien aux ménages.
Parallèlement, les ménages ont privilégié le remboursement de leurs dettes et la constitution d’épargne durant la pandémie. Si bien que leur situation est plus saine, leur permettant désormais de déployer des dépenses de consommation soutenues par la relance budgétaire. Le regain de consommation est de nature à entretenir les pressions haussières sur les prix.
Dans ces conditions, la Reserve fédérale américaine se montre agile et pragmatique à l’égard de ses cibles d’inflation : sa nouvelle lecture intègre l’hypothèse d’un nouveau régime d’inflation, dont le niveau peut tout à fait dépasser les 2% – jusqu’alors un standard de la Fed – pendant un certain temps et sans déclencher quelconque mesure de resserrement monétaire. La banque centrale s’est illustrée par une stimulation monétaire inédite l’année dernière avec une augmentation de 4 000 milliards de dollars de liquidités supplémentaires injectées dans l’économie (mesurée par la masse monétaire M2). Là aussi, un puissant soutien aux tendances inflationnistes !
Des classes d’actifs à explorer
Après de longues années marquées par une inflation léthargique, les portefeuilles de bon nombre d’investisseurs ne semblent pas assez affûtés pour faire face au « nouveau régime de prix ». Un retour de l’inflation combiné à une possible tension haussière, même temporaire, des taux d’intérêt encouragent à une rotation sectorielle en bourse : les actions cycliques et décotées (dites « value ») sont favorablement exposées à ces nouvelles anticipations inflationnistes, alors que les valeurs de croissance avaient tendance à surperformer depuis la crise de 2008. La reprise économique post-Covid en cours devrait continuer à soutenir cette rotation sectorielle. Les valeurs financières semblent également bien positionnées, puisqu’une pentification de la courbe de taux obligataire constituerait un environnement favorable à l’amélioration des revenus du secteur.
Sur les marchés obligataires, toutes les classes d’actifs ne sont pas affectées par l’inflation et une hausse des taux, loin de là. L’enjeu pour les investisseurs est donc d’identifier les segments les plus immunisés contre une pentification de la courbe, or historiquement, les titres High Yield, les dettes bancaires subordonnés et les titres souverains indexés sur l’inflation offrent une bonne protection. A titre d’exemple, les obligations d’entreprises High Yield ont le plus souvent un comportement comparable à celui des actions, offrant des opportunités de surperformance dans les phases de reprise de la croissance.
Enfin, les actifs « réels » présentent aussi leur attrait, non seulement parce que ces classes alternatives affichent une corrélation positive avec l’inflation et les taux d’intérêt, mais aussi pour leurs caractéristiques diversifiantes dans un portefeuille. Les actifs immobiliers, qu’il s’agisse du segment non coté ou de sociétés immobilières cotées, sont les plus favorablement exposés à la reprise du cycle d’expansion.
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