Mesures fiscales, dividendes et inégalités : des liaisons loin d'être évidentes
Par Jean-Francois Lucq, directeur de l’ingénierie patrimoniale de Banque Richelieu
L'instauration de la Flat Tax en 2018 explique-t-elle à elle seule la forte progression des distributions de dividendes en 2018, avec en corollaire des riches encore plus riches et un écart qui se creuse avec les plus modestes ?
Un organisme public vient de publier une étude visant à évaluer les conséquences des réformes de la fiscalité du capital intervenues en 2017 sur les comportements des actionnaires.
Elle relève que les distributions de dividendes ont connu une progression importante, passant de 14 milliards d’€ en 2017 à 23 milliards d’€ en 2018. L’étude note également que ces distributions de dividendes se sont concentrées sur un nombre plus faible de foyers fiscaux, 3 800 foyers ayant reçu un tiers de ce montant, contre un quart l’année précédente.
Face aux premières réactions suscitées par ce document, il semble indispensable de s’en tenir à une analyse rationnelle.
D’abord, les rédacteurs du rapport mettent en avant l’hypothèse que l’importante progression en valeur des dividendes d’une année sur l’autre est due à l’instauration en 2018 de la flat tax de 30 % en lieu et place d’une taxation des dividendes à l’IR progressif, qui pouvait atteindre 44,2 %. Il semble toutefois prématuré de valider cette hypothèse avec seulement deux années comme points de référence. L’annonce de mesures fiscales prochaines touchant aux revenus et gains financiers a pu pousser en 2017 un grand nombre de sociétés à différer d’une année sur l’autre le versement de dividendes. Et s’il s’agit d’un report, on devrait ensuite assister à un retour des distributions de dividendes à un niveau plus faible que celui enregistré en 2018. En fait, ce n’est que sur la durée du quinquennat que l’on pourra se faire une idée plus précise des changements éventuels de comportement des actionnaires. Il sera d’autant plus aisé de le faire que la fiscalité sera restée stable pendant tout le temps de la législature, évènement particulièrement rare dans l’histoire fiscale française récente.
Par ailleurs, concernant l’augmentation des dividendes perçus par les 3 800 ménages les plus aisés, d’autres commentateurs en ont tiré comme conclusion qu’avec cette distribution de dividendes, les riches sont encore plus riches, et creusent l’écart avec les plus modestes.
Pourtant, il ne s’agit là que d’une illusion d’optique, car le ménage aisé n’est pas plus riche par l’effet de la distribution de dividendes. En effet, la mise en distribution votée par les actionnaires a pour nécessaires contreparties le résultat (au passif de la société) ainsi que la trésorerie correspondante (à l’actif). Le fait de distribuer cette trésorerie ne change pas la richesse globale de l’actionnaire, sauf à considérer que le patrimoine professionnel ou financier ne fait pas partie de la richesse globale d’un particulier. On pourrait même soutenir que l’actionnaire sera moins riche une fois les dividendes versés, puisqu’il acquittera la flat tax de 30 % sur ceux-ci.
Nul doute que ces sujets seront au cœur des débats des prochaines échéances électorales, ce qui justifie de s’en tenir à des analyses rationnelles.
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