Hein Donders (Olifan Group) : « Le besoin de conseil et d’accompagnement des clients s’est accru »
Issu de la fusion de différents cabinets de gestion de patrimoine, Olifan Group fêtera l’an prochain son dixième anniversaire. L’occasion de rencontrer Hein Donders, son Partner, qui a contribué au rapprochement de ces différentes structures, pour faire le point sur les grandes tendances du marché et le développement de la société.
Profession CGP : Dans le contexte actuellement perturbé, quel regard portez-vous sur l’évolution des demandes de vos clients ?
Hein Donders : Ces dernières années, le besoin de conseil et d’accompagnement de nos clients s’est à nouveau accru en raison de la complexification du marché. Cette demande s’est accélérée d’abord durant le confinement sanitaire, puis la guerre en Ukraine, suivie de l’inflation, et désormais la crise immobilière. Et cela concerne toutes les typologies de clients.
En effet, autant nos clients issus du papy-boom expriment ce besoin depuis longtemps, autant les plus jeunes, qui auparavant cherchaient à se forger leurs propres convictions, sont en recherche de conseil et d’accompagnement. Nous recevons d’ailleurs de plus en plus de demandes via notre site Internet, tandis que nos clients que nous facturions peu en termes de conseil ne rechignent plus à nous régler des honoraires. Cela se traduit par une hausse de 40 % de notre facturation cette année. Nous opérons désormais dans un monde toujours plus complexe, la crise du Covid ayant été un élément déclencheur.
Parallèlement, nous sommes d’autant plus sollicités que les clients sont insatisfaits du service rendu par leur banque, ce que nous avions identifié il y a dix ans lors de notre création. Il n’est d’ailleurs pas rare de rencontrer des prospects disposant de plusieurs centaines de milliers d’euros sur leurs comptes qui nous déclarent que leur banque ne leur a rien proposé !
Vos nouveaux clients s’adressent donc d’abord à vous pour placer leur épargne ?
Tout à fait. Le premier motif de rencontre est de nous demander ce que nous pouvons leur conseiller pour placer plusieurs centaines de milliers d’euros. Dans tous les cas, nous leur apportons une réponse globale. Avant toute opération de placement, nous avons besoin de les connaître : quelle est leur situation personnelle et professionnelle ? quels sont leurs objectifs et leurs projets ? quel est leur horizon de placement ? L’investissement ne sera qu’une résultante de notre étude patrimoniale. Le plus souvent, ils ont une idée de la façon d’investir, mais ils sont à l’écoute de nos conseils et de nos propositions.
Comment les orientez-vous ?
Notre conviction est de leur proposer une bonne diversification de leur patrimoine, aussi bien en termes d’actifs (immobilier, marchés financiers, Private Equity, Crowdfunding, etc.) que d’enveloppe (compte-titres, PEA, assurance-vie, etc.). Nous sommes en capacité de leur donner l’ensemble du spectre de produit selon leur surface d’investissement, leur horizon d’investissement et leur aversion aux risques.
Sont-ils devenus plus sensibles l’investissement socialement responsable depuis l’intégration des préférences ESG au questionnaire de profil d’investisseur ?
Le questionnaire extra-financier a pour avantage de sensibiliser le client à ces aspects. Néanmoins, les clients recherchent avant tout à atteindre leurs objectifs financiers. On peut avoir quelques questionnements de la part de clients, mais c’est rarement un choix fort d’investissement.
S’agissant de la crise immobilière, comment réagissent vos clients ?
Il y a beaucoup d’interrogations. Chez Olifan, nous avons mené une analyse de marché en début d’année qui nous a conduit à avoir de fortes convictions. Ainsi, nous avons fait arbitrer nos clients sur certaines SCPI, pour les positionner sur d’autres secteurs. Nous avons décidé d’orienter nos clients des SCPI de bureaux vers la santé, le résidentiel ou des véhicules plus récents. Ils ont parfois cristallisé une perte pour aller vers des actifs davantage créateurs de valeur.
Par ailleurs, nos clients cherchent toujours à investir dans l’immobilier direct, notamment ceux en phase de constitution de leur patrimoine, et nous demandent d’étudier avec eux leurs projets.
Néanmoins, il est aujourd’hui plus difficile de réaliser une opération, eu égard au durcissement des conditions d’octroi des crédits et à la hausse des taux.
Toujours en immobilier, vous venez de lancer votre société de gestion, Olifan Real Estate. Pour quelles raisons ?
Tout à fait, Olifan Real Estate (ORE) va reprendre la gestion des deux fonds que nous avons lancés en compagnie de Foncière Magellan – Immo 18 et Colivim pour 160 millions d’euros d’encours au total – et avec qui tout s’était très bien passé. Il s’agit pour nous de pouvoir développer une gestion plus agile et de mettre en œuvre nos convictions de façon plus rapide.
Néanmoins, notre politique sera toujours de ne créer des produits que lorsqu’on ne trouvera pas mieux sur le marché, car on ne peut être expert sur l’ensemble des classes d’actifs.
Pourriez-vous également créer une société de gestion sur les actifs cotés ?
Non, car il s’agit d’un marché mondial où il est nécessaire d’avoir des expertises locales fortes, ainsi que des volumes conséquents. D’ailleurs, beaucoup de nos confrères ont leur propre société de gestion, mais peu ont encore réellement réussi. Je ne suis pas convaincu que ce soit dans ce domaine où nous avons le plus de valeur à créer et que ce soit notre métier. Sur l’immobilier, nous estimons que nous avons une vraie valeur ajoutée, car il s’agit de sujets de proximité.
Le Private Equity est un domaine très en vogue. Est-ce le cas également chez Olifan ?
Nous nous sommes intéressées à la classe d’actifs dès 2018. Depuis, nous avons structuré différentes offres sur des fonds de premier plan, inaccessibles au grand public, en compagnie d’acteurs majeurs, tels que Keensight Capital, EMZ Partners ou encore Sagard. Dans ce domaine, il est en effet nécessaire de bien analyser les sous-jacents et de s’adresser aux spécialistes, tout en permettant à nos clients de se constituer un portefeuille diversifié au fil du temps en investissant à la fois dans des fonds de Private Equity, dette privée ou infrastructures. Le Private Equity est donc une solution qui fait partie du package d’investissement proposé à nos clients et qui leur plaît énormément, tant d’un point de vue des performances délivrées que des « histoires » des sociétés présentes en portefeuille.
Alors que vous êtes un des acteurs majeurs du marché et disposez d’un fonds de Private Equity à votre capital, vous ne participez pas à la consolidation du marché. Pour quelles raisons ?
De notre création en 2014 à 2019, nous avons mené une forte politique de croissance externe via l’intégration de nombreux Partners.
Depuis 2020, nous avons décidé de croître de façon organique en passant d’une petite vingtaine de commerciaux à quatre-vingt-dix aujourd’hui pour atteindre 1,5 milliard d’euros d’encours. Notre croissance a été exponentielle depuis notre création : plus de 25 % de hausse de notre chiffre d’affaires chaque année !
Nous avons fait ce choix en totale concertation avec BlackFin Capital Partners qui a pris une participation en 2021 lors du départ à la retraite de certains Partners. Durant ces quatre dernières années, il nous a fallu digérer notre croissance, nous structurer et nous organiser en restant concentré sur le renforcement et l’amélioration de nos process.
Cela a nécessité de nombreux recrutements, de la formation et un fort accompagnement de la part de nos Partners. Ainsi, une dizaine d’associés sont dédiés à l’accompagnement de nos forces commerciales en région et en première ligne pour le recrutement et l’accompagnement des nouveaux collaborateurs.
Il est donc vrai que nous n’avons pas participé à cette envolée, mais cela ne veut pas forcément dire que nous n’allons pas nous y intéresser. Nous regardons d’ailleurs quelques dossiers actuellement, d’autant plus que nous avons un endettement quasi-nul.
Nous sommes ainsi toujours ouverts à l’arrivée de nouveaux Partners souhaitant participer à la création collective de notre groupe, avec un modèle de Partnership, d’autant plus que nous ne sommes pas présents dans certaines grandes villes, comme Nantes, Rennes, Lille ou encore Toulouse.
Pourquoi aviez-vous choisi BlackFin comme actionnaire et que vous apporte-t-il ?
Il s’agit d’experts de notre secteur, ce qui nous apporte beaucoup de valeur ajoutée. Ils nous permettent de nous poser des questions pertinentes pour prendre les bonnes décisions sur la constitution de notre offre, de notre proposition de valeur… Avoir un appui et un regard extérieur est très précieux pour nous.
Quel regard portez-vous sur les prix actuellement pratiqués ?
Les prix se sont envolés, et nous estimons qu’il est aujourd’hui très difficile d’amortir un investissement payé cinq à dix fois son chiffre d’affaires, d’autant plus que les taux ont fortement augmenté. Le jeu va aujourd’hui être plus complexe pour les acteurs qui se sont endettés. Les prix devraient progressivement revenir à un niveau plus « normal ».
Alors que le marché est dynamique, comment fidélisez-vous vos collaborateurs ?
Il s’agit d’un ensemble de différents facteurs : donner du sens à leur action quotidienne, avoir du respect pour nos clients, leur permettre de proposer une offre diversifiée basée sur un accompagnement global, développer un sentiment d’appartenance, mais aussi proposer une rémunération attractive bien sûr.
Chez Olifan, l’actionnariat salarié est développé depuis toujours. Une fois par an, nous proposons une « Bourse aux actions », période durant laquelle nos salariés peuvent acquérir ou mettre en vente des titres de la société. Aujourd’hui, sur nos cent-trente collaborateurs, soixante-dix détiennent 5 % de notre capital.
Olifan Group fête son dixième anniversaire l’an prochain, quels sont vos objectifs dans dix ans ?
Nous n’avons pas d’objectif chiffré, la taille des encours n’étant pas une fin en soi. Notre volonté est d’être la référence du conseil en gestion de patrimoine sur le marché français, en continuant cette belle aventure collective, entrepreneuriale et humaine. Nous comptons apporter une forte valeur ajoutée à nos clients, tout en ayant la taille nécessaire pour leur proposer les meilleures solutions d’investissement.
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