Loi Pacte : un fléchage bien cadré
On connaît enfin le détail des mesures du projet de loi Pacte qui a été enregistré à l’Assemblée nationale le 19 juin dernier et sera examiné dès la rentrée prochaine. Assurance-vie, eurocroissance, épargne-retraite, PEA-PME sont autant de véhicules réformés pour orienter davantage l’épargne des Français dans le financement de l’économie réelle.
Epargne-retraite : offrir la perspective de meilleurs rendements
Une gestion pilotée par défaut
Face aux faibles rendements qui exposent les épargnants à l’érosion de leur capital du fait de l’inflation et des frais de gestion, il est prévu de généraliser la gestion pilotée des encours, comme option par défaut, afin d’orienter cette épargne vers l’économie productive, offrant de meilleurs rendements. Ainsi, l’épargne serait fortement investie en actions, puis, à mesure que l’épargnant se rapproche de la retraite, progressivement investie dans des supports garantis (fonds en euros et fonds eurocroissance des entreprises d’assurance) ou des supports obligataires ou monétaires.
Portabilité
Pour garantir aux épargnants qu’ils ne seront jamais contraints de cumuler plusieurs produits de retraite supplémentaire découlant de leur mobilité professionnelle, il est question d’instaurer un corpus de règles uniques permettant l’éventuelle transférabilité des encours, sans qu’un tel transfert n’entraîne de conséquences sur le dénouement normal du contrat (délivrance d’un capital ou achat d’une rente viagère, selon l’origine des sommes et les choix des épargnants). Cette harmonisation inclura également le traitement fiscal des différents dispositifs, notamment pour généraliser à l’ensemble des produits la possibilité de déduire de l’assiette de l’impôt sur le revenu, jusqu’à certains plafonds, les versements volontaires des épargnants. A cet égard, les mesures relatives au régime fiscal et au traitement social des produits seront prises respectivement dans le projet de loi de finances et dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Sortie à terme en capital
Les conditions de sortie des produits article83 et des Perp et Perco seront alignées afin de lever les obstacles à leur transférabilité et d’accroître fortement les possibilités pour les épargnants de libérer leur épargne sous la forme d’un capital, plutôt que sous forme de rente, s’ils le souhaitent. Cet alignement sera un facteur d’attractivité très important pour les 8,5 millions de bénéficiaires de produits de retraite assurantiels. Il ne durcira pas les conditions de sortie pour les 2,2 millions de porteurs de Perco.
Ainsi, il sera possible de liquider son produit d’épargne-retraite par l’acquisition d’une rente viagère pour les sommes issues de versements obligatoires des épargnants ou de leur employeur. Pour les sommes issues d’autres versements (versements volontaires et versements issus de l’épargne salariale), l’épargnant pourra choisir le versement d’un capital, l’acquisition d’une rente viagère, ou conjugueur les deux, sauf lorsqu’il a opté expressément et irrévocablement pour liquider tout ou partie de ses droits par l’acquisition d’une rente viagère lors de l’ouverture du plan.
Sortie par anticipation
En revanche, les conditions de sortie par anticipation des différents produits feront également l’objet d’une harmonisation. Il sera notamment possible de racheter ou de liquider les droits en cours d’acquisition, à l’exception de ceux correspondant aux sommes issues de versements obligatoires des épargnants et des employeurs, pour les affecter à l’achat de la résidence principale. Le projet de loi de finances prévoira que la fiscalité des sorties par anticipation pour ce motif sera alignée sur le régime fiscal prévu en cas de dénouement normal du plan postérieurement à la date de départ en retraite, contrairement aux autres cas de déblocage anticipé qui sont indépendants de la volonté de l’épargnant (décès, invalidité, surendettement, expiration des droits à l’assurance-chômage, cessation d’activité non salariée à la suite d’un jugement de liquidation judiciaire).
Par ailleurs, un traitement fiscal plus favorable sera maintenu en cas d’acquisition d’une rente viagère, « dénouement permettant à l’épargnant de se prémunir contre les risques liés au grand âge en bloquant de nouveau son épargne ».
Cantonnement obligatoire
Il est proposé de généraliser l’obligation de cantonner les engagements de retraite afin de préserver les droits des assurés en cas de défaillance de l’entreprise d’assurance. Il s’agit également de garantir une distribution équitable de la valeur : le cantonnement contraint l’entreprise d’assurance à redistribuer le résultat technique et financier au sein du canton.
Retraite supplémentaire
Pour stimuler la concurrence sur le segment de la retraite supplémentaire pour les épargnants, il est prévu de permettre aux entreprises d’assurance, aux mutuelles ou unions, aux institutions de prévoyance et aux sociétés de gestion d’actifs en partenariat avec ces derniers de proposer des produits d’épargne retraite individuels et des produits souscrits dans le cadre de l’entreprise.
Il est aussi envisagé de généraliser le taux du forfait social de 16 % aux sommes versées par l’employeur qui sont affectées à tout plan d’épargne-retraite d’entreprise prévoyant que l’encours en gestion pilotée est investi par défaut, c’est-à-dire en l’absence de choix différent de l’épargnant, à hauteur de 10 % en titres éligibles au PEA-PME.
Des mesures d’harmonisation de l’ensemble des produits, des mesures spécifiques aux produits collectifs et produits individuels, des mesures propres aux produits assurantiels, ainsi que toutes les mesures de coordination nécessaires seront prises dans un délai d’un an par voie d’ordonnance.
Réforme de l’assurance-vie
Il est prévu de réformer l’assurance-vie à travers des produits moins liquides, offrant une garantie à long terme, afin d’apporter plus de rendement pour les assurés et d’investissement en actions mais aussi plus de stabilité financière.
Repenser l’eurcroissance
Cela passe donc par la modernisation des contrats eurocroissance, support intermédiaire entre le fonds euro et les unités de compte, dédié à l’investissement à horizon de moyen terme et offrant une perspective de rendement plus élevée.
Cette modernisation réside dans la mutualisation des valeurs de rachat au sein de la communauté des assurés, avant répartition de la provision collective de diversification différée, tout en conservant le principe fondamental du produit que constitue la garantie à échéance. La valeur de rachat avant échéance correspondra dans le cas général à une quote-part des actifs du canton, ce qui permet d’assouplir l’allocation des actifs pour l’assureur, qui aura la possibilité de gérer les contrats eurocroissance dans leurs anciens et nouveaux formats au sein d’une même provision comptable. Des mesures de coordination prévoient notamment la neutralité fiscale pour l’assuré de la transformation de son ancien contrat eurocroissance dans un contrat répondant aux nouvelles caractéristiques.
Assurance-vie en UC
Le projet de loi clarifie les modalités de paiement en titres en cas de rachat ou de dénouement du contrat pour inciter à l’investissement sur les supports non cotés et prévoit notamment une présomption d’acceptation par le bénéficiaire de cette modalité de paiement du contrat lorsqu’elle est retenue par le souscripteur. Il ouvre la possibilité pour des particuliers d’investir dans des fonds professionnels dans le respect du principe général de devoir de conseil. Par ailleurs, le versement de la prime d’un contrat d’assurance-vie peut être fait uniquement en numéraire, et non par apport en titres, afin d’empêcher les résidents français de placer leurs propres titres de sociétés dans des contrats d’assurance-vie souscrits à l’étranger pour bénéficier de la fiscalité avantageuse de ce placement en cas de rachat et en cas de succession.
PEA-PME et financement participatif
Le projet de loi élargit les instruments financiers éligibles au PEA-PME en intégrant les titres proposés sur les plates-formes de financement participatifs, tels que les titres participatifs, les obligations à taux fixe et les minibons.
Il est proposé de restreindre l’éligibilité des titres de dette aux seuls titres des PME-ETI dont les titres de capitaux sont déjà éligibles, à la condition supplémentaire que ces titres fassent l’objet d’une offre sur une plateforme de financement participatif afin :
- de réserver le cadre fiscal favorable du Plan d’épargne PME aux petites émissions autorisées sur les plateformes (inférieures à 2,5M€ d’euros), et donc aux plus petites entreprises ;
- de stimuler le développement du financement participatif, ce qui permettra l’émergence d’une offre de plus en plus compétitive et incitera épargnants et émetteurs à se tourner vers ces solutions alternatives aux financements bancaires.
Attractivité de la place financière
Plusieurs mesures sont prises afin de renforcer l’attractivité de la place financière de Paris. Il est notamment prévu de rendre possible la récupération des bonus des preneurs de risques travaillant au sein des établissements de crédit, sociétés de gestion de portefeuille et entreprises d’investissement, et à exclure les bonus récupérables du calcul de l’indemnité de licenciement et de l’indemnité accordé par le juge en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse ou nul. En effet, les primes et bonus récupérables, qui varient fortement chaque année, ne font pas partie du salaire dû chaque mois par l’employeur pour les « preneurs de risques » au sens de la réglementation financière européenne. Cela permettra de réduire le coût des ruptures de contrat pour les hauts salaires. Il est également envisagé d’adapter le régime des succursales d’entreprises d’investissement de pays tiers. Le champ d’action de l’AMF est également revu et à cette occasion, est précisé, suite à la censure du Conseil constitutionnel du 21 juillet 2017, le cadre juridique de l’exploitation des données de connexion par l’AMF au cours de ses enquêtes afin de concilier l’efficacité de ses investigations avec la protection du droit à la vie privée. Enfin, le cadre de la gestion d’actifs est modernisé.
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