Placements sur l’or : la bonne fortune ?
Par Vanessa Julienne, avocate, associée fondatrice chez Juri-Editing, en collaboration avec les Editions Francis Lefebvre.
Article extrait du mémento Patrimoine 2021-2022 paru aux Editions Francis Lefebvre
En période de crise et face à un éventuel retour de l’inflation faut-il encore investir dans l’or ? Comment investir dans cette valeur-refuge ? Une chose est sûre : il reste un objectif de diversification patrimoniale. Revue de détails.
L’or peut bénéficier d’un statut de « valeur-refuge » dans un contexte économique et financier instable. Nous envisageons successivement l’or d’investissement physique (pièces, lingots, barres, plaquettes), les titres indexés sur l’or et les fonds aurifères.
Pièces et lingots d’or
Intérêt d’un placement en pièces et lingots d’or
L’acquisition de pièces ou de lingots d’or doit s’envisager essentiellement dans un objectif de diversification des placements pour mieux répartir les risques : même si l’or peut connaître d’importantes fluctuations à court terme, ces fluctuations ne sont pas directement liées à celles des marchés financiers traditionnels. L’or physique, à la différence des titres financiers de type actions ou obligations, ne comporte pas de risque émetteur ni de risque de signature : sa valeur est indépendante de l’évolution de l’activité et des résultats d’une entreprise ou de la capacité de l’émetteur à faire face au paiement d’intérêts ou au remboursement de sa dette. L’or permet aussi de se protéger contre l’inflation.
Définition de l’or d’investissement
Les pièces et lingots d’or en circulation ne sont pas tous des supports de placement. Pour être considérés comme de l’or d’investissement et soumis au régime fiscal correspondant (exonération de TVA des transactions), les pièces et lingots doivent répondre aux caractéristiques suivantes (CGI, art. 298 sexdecies A) :
- les barres, lingots et plaquettes doivent avoir un poids supérieur à un gramme et leur degré de pureté doit être égal ou supérieur à 995 millièmes ;
- les pièces doivent être d’une pureté égale ou supérieure à 900 millièmes et satisfaire aux conditions suivantes : avoir été frappées après 1800, avoir (ou avoir eu) un cours légal dans leur pays d’origine et être habituellement vendues à un prix qui ne dépasse pas de plus de 80 % la valeur sur le marché libre de l’or qu’elles contiennent. A titre de règle pratique, la Commission européenne publie, en principe chaque année, une liste des pièces devant être considérées comme de l’or d’investissement pendant l’année suivante (pour l’année 2021, cette liste a été publiée au JOUE C 381 du 12 novembre 2020).
En France, une vingtaine de pièces sont ainsi négociables, au premier rang desquelles le napoléon qui représente, à lui seul, l’essentiel des transactions. Les pièces en or qui ne figurent pas sur cette liste peuvent néanmoins bénéficier du régime fiscal de l’or d’investissement dès lors qu’elles répondent aux caractéristiques énoncées ci-dessus. Les pièces et lingots qui ne répondent pas à la définition de l’or d’investissement sont considérés, selon le cas, comme des objets de collection ou de l’or « industriel ».
Transactions sur pièces et lingots d’or
Pour acheter – et revendre – des pièces et lingots d’or, il est possible de s’adresser à des officines spécialisées (bureaux de change et de numismatique), à des courtiers spécialisés ou à certaines agences bancaires proposant ce service.
En s’adressant à sa banque, l’investisseur a le choix entre prendre effectivement livraison de ses pièces et lingots d’or (à charge pour lui de les stocker dans un endroit sûr) ou les laisser en dépôt à la banque sur un compte non alloué, c’est-à-dire dans les coffres de la banque. Dans ce dernier cas, leur valeur est portée au crédit de son compte-titres et il est possible de les revendre en donnant un ordre de vente comme pour une action.
Il est aussi possible d’acheter des pièces et lingots d’or sur des sites Internet spécialisés ; certains proposent d’assurer leur conservation pour le compte de leurs clients, d’autres proposent la livraison à domicile. L’investisseur qui revend des pièces et lingots d’or à un professionnel signe un contrat de vente écrit. Attention, le prix d’achat de l’or, ainsi que les autres éléments d’appréciation lors de la fixation du prix, doivent être indiqués, de manière claire, lisible et compréhensible, pour chaque pièce, barre, lingot ou plaquette sur le lieu de réception du public ou sur les pages concernées du site Internet.
Prix des transactions sur l’or
Il n’existe pas de cotation officielle en France pour les pièces et lingots d’or. Les banques et les principaux intermédiaires sur le marché de l’or en France se réfèrent aux cotations publiées par CPoR (société Loomis FXGS), un opérateur qui fixe les cours et assure la liquidité des pièces et lingots. La cotation est effectuée au fixing tous les jours pour les barres, lingots et pièces les plus échangées et une fois par semaine pour les autres (les cours sont accessibles sur Internet à l’adresse cpordevises.com).
La Banque de France fournit également sur son site Internet les cours quotidiens de l’once Troy d’or fin en dollars et en euros, tels que fournis par le fixing du London Bullion Market Association (LBMA) (banque-france.fr, rubrique Statistiques, puis rubrique Taux et cours, puis Cours de l’or).
Contrôle des transactions sur l’or
Lorsque l’acheteur n’est pas un client habituel de l’établissement, son interlocuteur doit lui demander une pièce d’identité et en conserver les références ou la copie lorsque la transaction est supérieure à 1 000 € (C. mon. fin. art. R. 561-10). Ces informations sont destinées à la lutte contre le blanchiment des capitaux. Par ailleurs, les intermédiaires sont tenus de conserver à l’appui de leur comptabilité tous documents permettant d’identifier leurs clients pendant une durée de six ans pour les transactions d’un montant unitaire supérieur à 15 000 € (CGI art. 298 sexdecies E).
Régime fiscal de l’or d’investissement
Taxe forfaitaire sur les métaux précieux
Les ventes d’or par des particuliers ayant leur domicile fiscal en France sont en principe soumises à une taxe forfaitaire calculée sur le prix de vente au taux de 11 % à laquelle s’ajoute 0,5 % de CRDS, soit une taxation globale forfaitaire de 11,5 %. Cette taxe est due que le vendeur ait réalisé un gain ou une perte. Elle est, en principe, recouvrée directement par l’intermédiaire financier chargé de la transaction.
Régime des plus-values sur biens meubles
Au lieu de payer la taxe forfaitaire sur les métaux précieux de 11,5 %, le vendeur peut opter pour le régime d’imposition des plus-values sur biens meubles.
L’option pour le régime des plus-values sur biens meubles n’est possible que sous certaines conditions :
- les pièces ou lingots doivent pouvoir être individualisés (lingots munis d’un numéro de série, pièces dans des emballages scellés identifiables, inscription au crédit d’un compte-titres lorsque les pièces ou lingots n’ont pas fait l’objet d’une remise matérielle, etc.) ;
- lorsque le vendeur les détient depuis plus de vingt-deux ans, il doit être en mesure de justifier de leur durée de détention, cette preuve pouvant être apportée par tous documents permettant d’établir l’ancienneté de la détention (contrat d’assurance, rapport d’expertise, titre de propriété, etc.) ; mais le vendeur n’a pas à justifier de la date exacte d’acquisition ni du prix d’acquisition ;
– lorsque le vendeur les détient depuis moins de vingt-deux ans, il doit justifier de leur date et de leur prix d’acquisition en produisant une facture d’achat ou un extrait de la déclaration de donation ou de succession mentionnant les pièces ou lingots concernés.
Pour bénéficier du régime des plus-values sur biens meubles, l’option est en principe exercée, dans le mois qui suit la cession, sur un imprimé n° 2092 qui sert également à déclarer la plus-value réalisée. L’impôt doit être payé en même temps. Si l’opération fait intervenir un intermédiaire domicilié en France ou, en l’absence d’intermédiaire, un acquéreur assujetti à la TVA établi en France, le dépôt de la déclaration n° 2092 incombe à celui-ci. Mais l’intéressé est dégagé de toute responsabilité tant en raison des renseignements fournis par le vendeur que, le cas échéant, du calcul de la plus-value imposable (CGI ann. II art. 74 S quinquies).
Titres indexés sur l’or physique
Caractéristiques
Les titres indexés sur l’or physique sont regroupés sous le terme générique d’Exchange Traded Funds (ETFs). Il ne s’agit pas, à proprement parler, de « fonds », mais généralement d’obligations à coupon zéro à durée indéterminée (c’est-à-dire sans date de remboursement) qui présentent les caractéristiques suivantes : les obligations sont garanties par de l’or physique, leur cours directement indexé sur le prix de l’or et elles se négocient en Bourse de la même manière que les actions.
Les titres indexés sur l’or sont adossés à un stock d’or physique conservé dans les coffres d’une banque dépositaire : l’émission d’un nouveau titre suppose que la quantité d’or correspondante ait été préalablement livrée au dépositaire. De ce fait, ces titres ne comportent pas de risque « crédit ».
Intérêt des titres indexés sur l’or
Les titres indexés sur l’or permettent aux investisseurs d’avoir une exposition sur le prix de l’or similaire à celle qu’ils auraient en achetant de l’or physique, mais sans avoir à en prendre livraison ni à intervenir sur les marchés à terme. Leur cours en Bourse évolue de la même manière que celui de l’or au comptant (prix de l’once d’or à Londres). Ils permettent d’obtenir un rendement équivalent aux variations du prix de l’or diminué des frais de gestion.
Ces titres peuvent être utilisés, comme l’or physique, dans une optique de diversification de portefeuille. Par rapport à un investissement en direct, ils permettent d’éviter les contraintes liées à la détention de pièces ou de lingots d’or (stockage, assurance) et sont plus liquides puisqu’ils sont cotés par unité représentant une fraction d’once or.
Mode de négociation
Les titres indexés sur l’or sont cotés sur Euronext au comptant et en continu. Il n’est pas nécessaire d’ouvrir un compte spécifique pour les acheter ou les revendre : il suffit de passer des ordres d’achat ou de vente auprès de son établissement teneur de compte-titres.
Les types d’ordres sont les mêmes que pour les actions (ordre à cours limité, au marché, etc.) et leur liquidité est assurée par leurs émetteurs qui se sont engagés à proposer tout au long de la séance de bourse des fourchettes de prix acheteurs et vendeurs.
Valorisation des titres
Chaque titre représente un dixième d’once d’or Troy. Son prix est donc égal à un dixième du cours au comptant en dollars de l’once d’or à Londres. Dans la mesure où ces titres sont cotés en euros, ils sont exposés au risque de change euro/dollar : en cas de baisse du dollar par rapport à l’euro, même si le cours de l’once d’or s’apprécie, la valeur de ces titres va baisser.
L’investisseur peut écarter le risque de change euro/dollar en choisissant des certificats or couverts (certificats « quanto ») assortis d’une garantie contre le risque de change. Leur cours de Bourse reflète exclusivement celui de l’or. Les frais de gestion incluent le coût de la couverture.
Frais liés aux titres indexés sur l’or
Les titres indexés sur l’or ne comportent ni droits d’entrée ni droits de sortie mais sont assortis d’une commission de gestion annuelle qui couvre la rémunération de l’émetteur et le coût du stockage et de l’assurance du stock d’or. Par ailleurs, les ordres d’achat et de vente entraînent le paiement de frais de courtage similaires à ceux facturés pour des ordres portant sur des actions. S’y ajoutent des frais de garde.
Régime fiscal des gains
Le gain, c’est-à-dire la différence entre le prix de vente et le prix d’achat du titre, est imposable selon le régime des plus-values de cession de valeurs mobilières.
Fonds aurifères
Les fonds aurifères sont des OPC en actions dont l’actif est majoritairement investi en actions de sociétés cotées, surtout étrangères, dont l’activité a un lien avec l’or : mines d’or (sud-africaines, chinoises, canadiennes, australiennes) et sociétés de prospection minière. Pour diversifier leurs risques, certains de ces fonds investissent également en actions de sociétés dont l’activité est liée à d’autres métaux précieux (argent, palladium, platine, etc.) ou aux matières premières.
Ces fonds permettent de tirer parti de la hausse du cours de l’or. Mais les cours des actions des sociétés minières sont plus instables que le prix de l’or lui-même et sujets à des risques supplémentaires :
- risques propres à tout investissement en actions : risque de marché, risque émetteur et risque pays ;
- risques liés aux spécificités de l’industrie de l’extraction minière : hausse des coûts d’extraction et d’exploitation liés à la profondeur et/ou à l’appauvrissement de certains gisements, stagnation de la production mondiale, faible probabilité de découverte de nouvelles réserves d’or ;
- risque de change lié aux variations des devises dans lesquelles sont libellés les cours des sociétés minières par rapport à l’euro (rand sud-africain, yen, dollars américain et australien, etc.). Pour limiter ce risque, la plupart de ces fonds recourent à des techniques de couverture, mais cette protection entraîne un coût supplémentaire qui ampute leur performance de quelques points.
Le régime fiscal des porteurs de parts de fonds aurifères est celui des porteurs de parts d’autres organismes de placement collectif.
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