Parahôtellerie, une fiscalité avantageuse mais complexe
Par Stanislas Vailhen, associé, et Julien Lebel, avocat, du département droit fiscal d’Alerion
La parahôtellerie peut offrir un grand nombre d’avantages sur le plan fiscal. Son régime est toutefois complexe. Avant de se lancer, il est important de se poser les bonnes questions, et de hiérarchiser ses objectifs.
Rappelons en premier lieu ce qu’est précisément la parahôtellerie. Sont considérées comme des prestations parahôtelières les locations de logements meublés accompagnées d’au moins trois des prestations mentionnées au b du 4° de l'article 261 D du Code général des impôts (CGI), à savoir la fourniture du petit-déjeuner, le nettoyage régulier des locaux, la fourniture de linge de maison ou la réception, même non personnalisée, de la clientèle.
Par ailleurs, il est important que ces services soient rendus dans des conditions similaires à celles proposées par les établissements d'hébergement à caractère hôtelier. Même si la jurisprudence n’impose pas nécessairement que les prestations soient effectivement rendues, dès lors qu’elles sont proposées aux clients, cela signifie néanmoins, notamment, que le nettoyage des locaux ne doit pas être effectué uniquement lors du changement de locataire, que la réception des clients ne doit pas se limiter à la simple remise des clés, et que la fourniture du linge de maison doit être régulière. S’agissant de l’accueil, il peut néanmoins être confié à un mandataire qui l’assure en un lieu unique différent du local loué lui-même. De la même façon, un système d’accueil électronique peut suffire.
Les avantages fiscaux de la parahôtellerie
Comme la location meublée, la location parahôtelière est une activité qui relève, sur le plan fiscal, des bénéfices industriels et commerciaux. Contrairement à l’activité de location nue (qui relève en principe des revenus fonciers), il est possible d’amortir le bien immobilier détenu, à l’exception de la quote-part de la valeur qui correspond à celle du terrain, qui ne peut jamais être amortie. La parahôtellerie présente, en revanche, des différences avec le régime de la location meublée, et peu présenter un certain nombre d’avantages sur le plan fiscal.
La possibilité de récupérer la TVA supportée
Contrairement aux locations de logements, même meublés, à usage d’habitation (qui sont exonérés de TVA, sans possibilité d’option), la parahôtellerie est assujettie à la TVA. Cela peut être un avantage en cas d’acquisition d’un bien immobilier à rénover, afin de pouvoir récupérer la TVA supportée sur les travaux réalisés. Mais il sera naturellement également possible de récupérer la TVA afférente aux opérations courantes.
Le contrat de location est alors assujetti à la TVA. La TVA sera calculée au taux intermédiaire de TVA de 10 % pour la partie hébergement et petit-déjeuner, et au taux de 20 % pour les autres prestations de services.
Attention, l’administration effectue des contrôles quasi systématiques en cas de demande de remboursement de TVA. Au-delà du respect du formalisme des factures, qui devront probablement être produites, il est important de pouvoir démontrer que les dépenses ont bien été engagées en vue de l’exercice d’une activité de parahôtellerie, et que cette activité est réelle, c’est-à-dire qu’elle dégage un chiffre d’affaires suffisant.
Dans la mesure où, en cas d’acquisition d’un bien neuf ou à rénover lourdement, un montant de TVA important va être supporté avant même que l’activité ne démarre, il est important de se ménager des indices permettant de démontrer l’intention de se comporter en qualité d’assujetti, avant même le début des travaux. En pratique, il est recommandé de formaliser expressément cette intention dans l’acte d’acquisition rédigé par le notaire, en précisant que l’immeuble est destiné à être affecté à une activité de parahôtellerie. Si, après analyse, il est finalement décidé de renoncer à cette activité de parahôtellerie (et, de ce fait, à la récupération de la TVA), cette précision n’aura en tout état de cause aucune incidence préjudiciable.
Bénéficier d’une exonération d’IFI (imposition forfaitaire sur la fortune)
Si l’activité est exercée en direct (sans interposition de société), il sera difficile de bénéficier d’une exonération d’IFI, car il sera indispensable que l’un des membres du foyer fiscal exerce l’activité à titre principal (art. 975, I du CGI). Précisons que l’activité principale s’entend en principe de celle qui demande d’y consacrer le plus de temps, et d’effectuer le plus de diligences, le critère financier n’intervenant qu’à titre subsidiaire, s’il n’est pas possible de déterminer quelle est l’activité principale sur la base d’autres critères. En pratique, la parahôtellerie ne pourra donc généralement être considérée comme l’activité principale qu’à l’égard des contribuables qui n’exercent pas ou plus d’autres activités professionnelles (retraités notamment).
L’exercice d’une activité de parahôtellerie au travers d’une société permettra en revanche de bénéficier d’une exonération automatique d’IFI (sur le fondement du a) du 2° de l’article 965 du CGI), alors même qu’aucun des associés de la société n’y exerce son activité principale. En effet, les deux conditions permettant d’exonérer les biens immobiliers détenus au travers d’une société seront nécessairement remplies : une activité de parahôtellerie est considérée par nature comme une activité opérationnelle (en l’occurrence commerciale), et le bien immobilier est incontestablement affecté à l’exploitation de cette activité.
Remarque
L’activité de location meublée étant considérée comme une activité de nature civile (bien que les revenus de location soient considérés comme des revenus commerciaux sur le plan fiscal), il sera nettement plus compliqué d’exonérer d’IFI les biens immobiliers loués meublés, même lorsque l’activité est exercée en société. Seuls les professionnels de la location meublée, qui en font leur activité principale pourront, sous certaines conditions, bénéficier d’une exonération d’IFI.
L’exonération de plus-value à terme
Les plus-values réalisées lors de la cession d’un bien immobilier exploité en parahôtellerie relèvent du régime fiscal des plus-values professionnelles, qu’elles soient réalisées par un exploitant individuel ou par une société translucide, c’est-à-dire non soumise à l’IS, et dont les résultats sont fiscalisés à l’impôt sur le revenu au niveau des associés.
La plus-value professionnelle est calculée par différence entre le prix de cession et la valeur nette comptable du bien, c’est-à-dire sa valeur d’inscription au bilan diminuée des amortissements.
Lorsque le bien est détenu depuis plus de deux ans, cette plus-value se décompose entre une plus-value à court terme, à hauteur des amortissements déduits, et une plus-value à long terme, pour le reliquat.
La plus-value à court terme est intégrée dans le résultat ordinaire de l’exercice imposable au taux progressif de l’impôt sur le revenu et aux prélèvements sociaux ou aux cotisations sociales (selon le régime applicable sur le plan social).
La plus-value à long terme est fiscalisée au taux de 12,8 %, après application d’abattements en fonction de la durée de détention (art. 151 septies A du CGI). La plus-value à long terme sera donc exonérée en cas de détention longue (plus de quinze ans). >>>
La plus-value (qu’elle soit à court ou long terme) pourra également bénéficier d’une exonération en fonction des recettes, sur le fondement de l’article 151 septies du CGI, applicable aux plus-values réalisées dans le cadre d’activités professionnelles.
Le bénéfice de l’exonération est subordonné au respect des deux conditions suivantes :
- l’activité doit avoir été exercée (à titre principal ou non) pendant cinq ans au moins, à titre professionnel, ce qui suppose que l’exploitant (ou l’associé d’une société fiscalement translucide) s’implique personnellement et de manière continue dans la gestion de l’activité, et puisse justifier de diligences effectives, sans qu’il ne soit nécessaire que l’activité de parahôtellerie constitue son activité principale ;
- la moyenne des recettes HT des deux années qui précèdent celle de la réalisation de la vente ne doit pas excéder 250 000 € pour bénéficier d’une exonération intégrale (une exonération partielle étant possible lorsque le chiffre d’affaires est compris entre 250 000 et 350 000 €).
Transmettre le bien exploité en parahôtellerie sous le régime Dutreil
Le régime Dutreil est un dispositif destiné à faciliter la transmission d’entreprises. Lorsque les conditions sont réunies, il permet de bénéficier d’un abattement de 75 % sur la valeur des biens transmis, ainsi que d’une réduction de droits de 50 % lorsque la donation est réalisée en pleine propriété, avant les 70 ans du donateur.
L’activité de parahôtellerie entre indiscutablement dans le champ du dispositif Dutreil. Et la plupart des conditions d’application du dispositif pourront en principe être remplies sans difficulté.
La principale difficulté réside dans le fait que, lorsque l’activité est exercée par l’intermédiaire d’une société de personnes, le bénéfice de l’exonération sera conditionné à ce que l’un des associés, ou l’un des héritiers du donateur, exerce au sein de la société son activité principale. Cette condition peut souvent poser problème en pratique, sauf lorsque le donateur a déjà fait valoir ses droits à la retraite.
Lorsque l’activité de parahôtellerie est exercée à titre individuel (sans interposition de société) cette condition sera encore plus compliquée à respecter, puisque le donataire doit poursuivre l’exploitation de l’entreprise durant les trois années qui suivent la transmission ce qui implique, selon l’administration fiscale, qu’il y exerce effectivement à titre habituel et principal son activité, ce qui en pratique ne sera souvent pas le cas. Cette position administrative (BOI-ENR-DMTG-10-20-40-40 §90) a toutefois été remise en cause par les juridictions administratives (CA Grenoble, 8 septembre 2015, n° 13/00609 RJF 4/16 n° 384). Néanmoins, elle n’a pas été rapportée depuis, et le Conseil d’Etat ne s’est pas prononcé sur le sujet.
La solution la plus simple, pour bénéficier du régime Dutreil, sera d’exercer l’activité de parahôtellerie via une société soumise à l’IS, car dans ce cas il n’est pas exigé que l’activité soit exercée à titre principal. Mais ce choix a beaucoup d’autres incidences sur le plan fiscal, et se révélera notamment pénalisant, à terme, en matière de plus-values, puisqu’une exonération ne sera alors pas possible.
Illustrations des contraintes et difficultés de la parahôtellerie
Si le régime de la parahôtellerie peut donc présenter un certain nombre d’avantages sur le plan fiscal, il s’accompagne également de plusieurs contraintes et nécessite par conséquent d’être bien accompagné par un conseil afin de bien définir ses objectifs. S’il n’est pas possible d’envisager ici l’ensemble des situations, voici quelques illustrations des difficultés pouvant être rencontrées et des questions qu’il convient de se poser
La question du statut social
La question du statut social est un sujet délicat. Sur le plan social, deux situations sont possibles : soit les revenus sont considérés comme professionnels, et soumis à cotisations sociales au même titre que les autres revenus d’activité ; soit les revenus sont considérés comme patrimoniaux, et sont alors assujettis aux prélèvements sociaux, mis en recouvrement avec l’impôt sur le revenu, au taux de 17,2 %.
Contrairement aux loueurs en meublé (dont la situation dépend du classement en meublé touristique et de l’occupation faites des locaux (résidence principale ou de courte durée), les exploitants parahôteliers sont par principe assujettis au régime social des indépendants, et soumis aux cotisations sociales.
Leur taux (de l’ordre de 30 %) est supérieur à celui des prélèvements sociaux (17,2 %), mais leur base n’est pas non plus la même, puisque les cotisations sociales viennent en diminution du résultat imposables comme charges déductibles, alors que les prélèvements sociaux sont calculés sur la même base que l’IR.
L’assujettissement aux cotisations sociales peut même présenter un avantage, en particulier pour les contribuables qui n’ont pas d’autres revenus professionnels, et sont soumis à la cotisation subsidiaire maladie (PUMA) calculée sur le montant de leurs revenus patrimoniaux.
La problématique se pose, par ailleurs, dans des termes différents pour les non-résidents qui, en application du règlement communautaire 883/04 en matière de cotisations sociales, ne sont pas assujettis aux cotisations sociales françaises dès lors qu’ils sont affiliés au régime social de leur lieu de résidence.
L’assujettissement aux cotisations sociales peut s’avérer très pénalisant en particulier au moment de la revente, puisque la partie court terme de la plus-value (égale au montant des amortissements pratiqués) entre dans le résultat courant, soumis à cotisations sociales, y compris lorsque la plus-value est entièrement exonérée au plan fiscal par application des dispositions de l’article 151 septies.
En Sarl de famille (société non soumise à l’IS, translucide fiscalement), l’associé (même majoritaire) pourra échapper aux cotisations sociales s’il n’exerce pas de fonctions de gérant et n’est pas rémunéré, sauf à être considéré comme un gérant de fait. Mais cette situation semble difficilement compatible avec une exonération de la plus-value sur le plan fiscal (article 151 septies du CGI), qui nécessite d’exercer l’activité à titre professionnel, ce qui implique la participation personnelle, directe et continue du contribuable à l’accomplissement des actes nécessaires à l’exploitation.
La manière d’aborder cette question pourra évoluer en fonction des projets à court ou moyen terme (optimiser les revenus disponibles, anticiper une cession ou une transmission, etc.), et nécessite donc d’être anticipé, afin de choisir la structure la plus appropriée.
La façon de structurer la détention
Il s’agit d’une question centrale au moment d’initier une activité de location parahôtelière. Difficile, en effet, de concilier tous les objectifs. Sur le plan de l’IFI et de la transmission Dutreil, la société présente des avantages. Toutefois, pour pouvoir conserver le régime de l’IR, les options se limiteront :
- soit à la société en nom collectif, mais les associés auront dans ce cas la qualité de commerçant : ils seront obligatoirement soumis à cotisations sociales, et seront surtout solidairement et indéfiniment responsables des dettes sociales ;
- soit à la Sarl, qui aura opté pour le régime de la Sarl de famille (régime de translucidité fiscale). Mais comme son nom l’indique, ce régime est réservé aux sociétés constituées entre les membres d’un même groupe familial.
Le choix d’une structure IS peut également représenter une alternative pertinente, notamment pour faciliter la transmission (en régime Dutreil), et pouvoir piloter plus facilement sa fiscalité personnelle ainsi que le montant des cotisations sociales, en fonction des revenus effectivement prélevés. Mais ce choix ferme la porte à toute possibilité d’exonération de la plus-value à terme.
Le passage en location parahôtelière
Lorsque le bien était déjà détenu avant son affectation à une activité de parahôtellerie, il conviendra également de bien mesurer les conséquences de ce changement d’activité. Ainsi, par exemple, si le bien était loué nu (régime des revenus fonciers) par l’intermédiaire d’une SCI, il sera impératif de transformer la société en Sarl, avec option pour le régime des Sarl de famille, pour continuer à bénéficier du régime de la translucidité fiscale. En effet, la parahôtellerie étant considérée comme une activité commerciale, l’exercice d’une telle activité par le biais d’une SCI entraînerait un passage automatique à l’IS.
Autre difficulté : dans ce cas, le plan d’amortissement devra être reconstitué depuis l’acquisition du bien par la SCI, et les annuités d’amortissement antérieures à la transformation seront définitivement perdues.
Cette difficulté n’existera pas si le bien était détenu dans le patrimoine privé. Le bien sera, dans ce cas, inscrit à l’actif du bilan de début d’activité de parahôtellerie pour sa valeur réelle à la date du début d’activité et sera amorti sur la base de cette valeur. Cette situation aura en revanche un impact en matière de plus-value. En effet, au moment de la revente, il conviendra de distinguer deux plus-values distinctes :
- une plus-value pour la période qui précède l’exercice de l’activité de para-hôtellerie (calculée par différence entre la valeur d’inscription au bilan de parahôtellerie et la valeur d’acquisition d’origine). Cette plus-value sera fiscalisée selon les règles applicables aux plus-values privées. Pour le calcul des abattements, la durée de détention sera figée au moment du passage à une activité de parahôtellerie ;
- une plus-value professionnelle, pour la période postérieure (calculée par différence entre le prix de vente et la valeur nette comptable du bien).
De la même manière, le passage d’une activité de location meublée à une activité de parahôtellerie aura des conséquences en matière de plus-values, qui différeront selon que l’activité était exercée à titre professionnel ou, au contraire, à titre non professionnel.
Ainsi, de nombreuses questions se posent avant de se lancer dans une activité de parahôtellerie. Celle de la comptabilisation des frais liés à l’acquisition du bien immobilier en est une autre illustration. En effet, il sera possible d’opter entre une déduction immédiate des frais, ou leur immobilisation, leur déduction étant dans ce cas étalée sur toute la durée d’amortissement. Si la déduction immédiate des frais peut sembler relever instinctivement de l’évidence, encore faut-il s’assurer que ces frais pourront effectivement être déduits, et ne vont pas générer un déficit susceptible d’être perdu. Tel pourra par exemple être le cas si le propriétaire du bien ne s’implique pas dans la gestion, et que les revenus sont déclarés fiscalement comme relevant des revenus non professionnels. Dans ce cas, les déficits constatés au cours d’un exercice ne pourront être compensés qu’avec les bénéfices réalisés au cours des six années suivantes. Or contrairement à l’activité de location meublée, les règles applicables en matière de parahôtellerie ne prévoient pas de report de déduction pour les amortissements qui contribueraient à la constatation d’un déficit. Il sera donc plus difficile, dans cette situation, d’absorber le déficit exceptionnel constaté au titre du premier exercice.
Le régime fiscal et social de la parahôtellerie est difficile à appréhender dans toutes ses aspérités. S’il peut se révéler intéressant dans la plupart des situations, il nécessite d’être bien accompagné, afin de se poser les bonnes questions, et pouvoir faire les arbitrages qui s’imposent.
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