Abus de droit et résidence secondaire détenue par une SCI (Expertise Fidroit)

Par : edicom

Extrait de Fidnet, la solution digitale de Fidroit

L’interposition de la société peut être considérée comme abusive lorsqu’elle a permis la déduction des charges foncières (CE 08/02/2019).

Ce qu'il faut retenir

L'utilisation d'une SCI (semi-transparente) pour écarter les dispositions de l’article 15 II du CGI peut être constitutive d’un abus de droit.

Ce sera notamment le cas lorsque les critères suivants sont réunis :

- l’essentiel des travaux est réalisé postérieurement à la vente par les associés de la SCI ;

- le loyer versé ne correspond qu’aux échéances d’emprunt et non à la valeur de marché.

Dans ce cas, l’associé est considéré comme se réservant la jouissance de l’immeuble et la déduction des charges est impossible (comme en l’absence de société interposée).

CE 8 fev 2019, n°407641

Conséquences pratiques – Avis Fidroit

Lorsqu’un bien détenu en  SCI est loué à ses associés, il est impératif de fixer un loyer correspondant à la valeur locative réelle. A défaut, l’administration pourra réintégrer dans les recettes locatives la différence entre le loyer de marché et le loyer réel, voire refuser toute déduction des charges. 

Pour autant, il convient de rester prudent sur ce type de montage et de bien formaliser le conseil qui l’accompagne afin de mettre en avant les éléments juridiques décisifs dans la mise en place de cette opération. Ces derniers ne doivent pas seulement être potentiels, ils doivent être réels. Par exemple, si la mise en société a pour objet de faciliter la transmission, cette dernière doit être initiée dans un délai restreint. 

Avis Fidroit : Le montage deviendra encore plus incertain à l’avenir en raison du nouvel abus de droit pour motif principalement fiscal. L’administration fiscale aura désormais la possibilité « d’écarter, comme ne lui étant pas opposables, les actes qui, recherchant le bénéfice d’une application littérale des textes ou de décisions à l’encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ont pour motif principal d’éluder ou d’atténuer les charges fiscales que l’intéressé, si ces actes n’avaient pas été passés ou réalisés, aurait normalement supportées eu égard à sa situation ou à ses activités réelles » L(LPF. Art. L. 64 A). Pour limiter les risques de requalification, il est préférable que la société qui acquiert l’immeuble soit détenue par des personnes différentes des vendeurs (au moins pour partie), de telle manière à ce que la cession soit le moyen d’en modifier les modalités de détention. En cas de refinancement, l’effet de levier généré pourra être un argument complémentaire, en particulier si le prix de cession est réinvesti sur des actifs patrimoniaux. En cas d’incertitude, le rescrit "abus de droit" reste une option pour le contribuable. L’abus de droit ne pourra pas être retenu si l’administration n’a pas répondu dans les 6 mois qui suivent la demande. 

Pour aller plus loin

Contexte

Le contribuable qui se réserve la jouissance de logements dont il est propriétaire, pour lui-même ou un membre de sa famille, n’est pas imposable. En contrepartie, les charges et les travaux ne sont pas déductibles des revenus fonciers (CGI. art. 15 II).

Le propriétaire est notamment considéré comme se réservant la jouissance d’un logement lorsque le logement détenu par une société à l’IR (société civile, SNC, SCS…) est mis gratuitement à disposition d’un des associés (BOI-RFPI-CHAMP-20-20, § 50).

La conclusion d’un bail et le versement d’un loyer ne sont cependant pas suffisants. Ce dernier doit correspondre à la valeur locative réelle, d’autant plus lorsque le propriétaire et le locataire sont liés par des relations d’intérêts (liens familiaux ou capitalistiques).

En présence d’un loyer faible ou fictif, deux cas de figure peuvent se présenter :

- si le loyer est « notoirement inférieur à la valeur locative », l’administration peut majorer le revenu déclaré (sauf si le propriétaire démontre qu’il ne pouvait louer à un prix normal, pour des raisons indépendantes de sa volonté).

- si le bail est fictif, le propriétaire doit être regardé comme s’étant réservé la jouissance de l’immeuble, aucun revenu ne peut être retenu ni aucune charge déduite (S’agissant d’un local à usage d’habitation).

Le choix sera fait par l’administration en fonction de l’opportunité (BOI-RFPI-BASE-10-10 § 420 et s et BOI-RFPI-CHAMP-20-20 § 50).

La procédure de l’abus de droit pourra, le cas échéant, être mise en œuvre. Elle permettra alors à l’administration d’appliquer une pénalité de 40 % voire de 80 %.

Au-delà de la problématique de la déduction des charges, le caractère fictif ou abusif d’un bail peut aboutir à une remise en cause d’un avantage fiscal lié à un engagement de location (Scellier, Pinel, etc.).  Ce cas de figure a, d’ailleurs, fait l’objet d’une récente décision de la Cour administrative de Lyon.
Dans l’arrêt commenté, un bien immobilier a été mis à disposition des associés au moyen d’un loyer mensuel. Ce montage a permis aux associés de déduire les charges et travaux de leurs revenus fonciers.

Faits et procédure

Des époux ont vendu leur résidence secondaire à une SCI dont ils sont associés. La SCI l’a immédiatement donné en location au profit des époux moyennant le versement d’un loyer mensuel.

Des travaux ont été réalisés sur cette résidence secondaire, générant pour les associés un déficit foncier.

A l’issue d’une vérification de comptabilité, l’administration a remis en cause la déduction sur le revenu global des déficits fonciers provenant des travaux d’entretien et d’amélioration effectués par la SCI sur la résidence secondaire. L’administration estime que la mise en location de ce bien à travers la SCI poursuit un but exclusivement fiscal caractérisant un abus de droit au sens de l’article L64 du LPF. 

Le couple a demandé la décharge de cotisations supplémentaires mises à leur charge. Le tribunal administratif puis la Cour administrative d’appel n’ont fait droit que partiellement aux époux. Ils se sont donc pourvus devant le Conseil d’Etat.

Arrêt

Pour caractériser l’abus de droit, le Conseil d’Etat relève un ensemble d’éléments mettant en évidence le but exclusivement fiscal : 

- le transfert de propriété au profit de la SCI, dont ils détiennent avec leurs enfants la totalité des parts et la mise à disposition par le biais d’un bail fait obstacle à l’application de l’article 15 II du CGI et permet l’imputation sur le revenu foncier des charges et travaux liés à cette maison ;

- l’essentiel des travaux a été réalisé postérieurement à la vente ;

- le loyer versé ne correspondait qu’aux échéances d’emprunt et non à la valeur de marché. 

L’argument relatif à la transmission du patrimoine avancé par les requérants n’ayant, par ailleurs, pas été retenu.

Analyse

L’interposition d’une SCI (semi-transparente) entre les associés et la résidence principale ou secondaire est une question faisant régulièrement l’objet de contentieux. 

Le Comité de l’abus de droit a eu à se prononcer sur la question à plusieurs reprises, donnant droit à l’administration pour la mise en place de la procédure visée à l’article L64 du LPF.

En 2015, le Comité a considéré que la location des immeubles par la SCI (qui n'a pas opté à l'IS) à ses associés ou à des sociétés détenues par ses associés, pour un prix nettement inférieur au marché, avait pour seul but de déduire abusivement les charges de la SCI des revenus fonciers et du revenu global des associés, qui se sont réservé la jouissance des immeubles (Séance du 15 octobre 2015 du comité de l’abus de droit fiscal).

En 2017, le Comité a eu à connaître de deux affaires portant sur l'interposition abusive d'une SCI dans le but contourner les dispositions de l'article 15-II du CGI (exonération d’impôts des revenus des logements dont le propriétaire se réserve la jouissance). Ce dernier a émis à chaque fois un avis favorable à la mise en œuvre de la procédure de l’abus de droit (Rapport annuel 2017 du comité d'abus de droit).

Remarque : Dans ses avis, le Comité soulignait notamment que le bien immobilier constituait le principal actif de la société. Toutefois, il ne s’agit pas du seul élément déterminant. En effet, en l’espèce, le bien a été apporté à une SCI détenant déjà plusieurs immeubles et l’abus de droit a quand même été retenu. 
Dans le cas d’une société civile ayant opté pour l’impôt sur les sociétés, la solution est différente en raison de l’absence de semi-transparence fiscale. L’abus de droit sur le fondement de l’article 15-II ne pourra, par conséquent, être recherché. Un contentieux est toutefois susceptible de naître sur terrain de l’acte anormal de gestion et/ou des distributions irrégulières.
On préférera faire un bail entre la société et l'associé et verser un loyer de marché. L’ensemble des charges afférentes à l’immeuble et notamment l’amortissement des constructions seront alors déductibles.

  • Mise à jour le : 04/04/2019

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