Quelles perspectives pour l’immobilier résidentiel?
Selon l’équipe de recherche économique d’Edmond de Rothschild dans son analyse macroéconomique semestrielle (automne 2019) sur les marchés immobiliers dans laquelle est dressé un focus sur quatre pays, la croissance des prix de l’immobilier résidentiel ralentirait dès 2020 en France.
Dans son analyse macroéconomique semestrielle (automne 2019) sur les marchés immobiliers, l’équipe de recherche économique d’Edmond de Rothschild a analysé la contribution des différentes variables économiques à la progression des prix de l’immobilier depuis 2000. Elle en tire des perspectives d’évolution dans un avenir proche pour quatre marchés résidentiels nationaux : la Suisse, l’Allemagne, la France et le Royaume-Uni.
« Les perspectives suggérées par notre analyse indiquent que les prix de l’immobilier résidentiel resteraient relativement stables en Suisse, alors qu’ils progresseraient encore à un rythme élevé en Allemagne, mais de façon moins soutenue. En France, la croissance des prix commencerait à fléchir. Au Royaume-Uni, les prix pourraient augmenter, sauf en cas de Brexit sans accord », souligne Jean-Christophe Delfim, économiste zone euro, recherche marchés immobiliers chez Edmond de Rothschild.
Les résultats de l’étude indiquent dans l’ensemble une large contribution des conditions de crédit (volumes de crédit et taux d’intérêt hypothécaires) à la hausse des prix, ainsi qu’un soutien régulier, mais d’une moindre ampleur de la croissance économique et de l’inflation.
Jean-Christophe Delfim note aussi que le taux de logements vacants tend à avoir une influence plus marquée depuis quelques années.
L’immobilier résidentiel en France
La croissance des prix de l’immobilier résidentiel ralentirait dès 2020. Une croissance de l’économie plus faible que par le passé offrirait moins de soutien. Des taux de logements vacant historiquement hauts pèseraient sur les prix résidentiels.
La reprise de l’activité économique après la crise de la dette européenne a entraîné une baisse du taux de chômage de 10,5% en juin 2015 à 8,5% en août 2019. Cette évolution a permis une accélération progressive du pouvoir d’achat des ménages. Parallèlement à cela, les conditions de crédit se sont particulièrement assouplies en France, avec des taux hypothécaires qui sont passés depuis janvier 2014 de plus de 3,0% à 1,4%. Cette évolution des taux, qui est la plus marquée parmi les pays que nous couvrons ici, s’explique en partie par le comportement des banques françaises, qui tendent à utiliser d’avantage les crédits hypothécaires comme des produits d’appel. Ces dernières ont également tendance à octroyer des prêts à plus long terme qu’auparavant et à tolérer des taux d’effort2 plus importants, malgré la faiblesse des taux d’intérêt. Cette situation, couplée à l’augmentation des prix des biens résidentiels, a conduit le Haut Conseil de la Stabilité Financière à évaluer le risque représenté par l’endettement immobilier pour l’économie nationale. Il en ressort qu’il n’existerait pas de signe clair de surévaluation des prix, en raison des conditions financières favorables, et que les ménages ne seraient que peu exposés à une baisse des valorisations, même si la hausse observée de leur taux d’effort pourrait réduire leur consommation.
Sur notre période d’observation, les prix de l’immobilier résidentiel français ont d’abord connu une très forte hausse de 125,0% entre le T1 2000 et le T1 2008, avant de se contracter de 9,4% jusqu’en T2 2009. Les prix se sont ensuite redressés pour atteindre après deux ans des niveaux comparables à ceux de l’avant crise financière. Ensuite, la crise de la dette européenne a entrainé une progressive baisse des prix atteignant 6,7% en mars 2015. Depuis, les prix de l’immobilier résidentiel ont progressé de 10,2% en France. Si cette évolution peut paraître modeste, il est nécessaire de la remettre en perspective compte tenu des fortes disparités régionales pouvant exister dans un pays très centralisé tel que la France. En effet, si l’augmentation des prix n’a été que de 8.2% en province sur cette période, elle était de 13,9% en Ile-de-France et 25.1% à Paris même, où l’augmentation des prix se poursuit à un rythme soutenu.
La croissance des prix de l’immobilier résidentiel français a été en moyenne de 0,2% en glissement trimestriel depuis le T1 2009, avec une moyenne de 0,9% (3,5% en glissement annuel) durant les phases d’expansion et de -0,5% durant la crise de la dette (-1,8% en glissement annuel). Selon le modèle économétrique d’Edmond de Rostchild, la décomposition de cette croissance a été la suivante :
- La contribution de la croissance économique au rendement trimestriel a été en moyenne de 0.17 points de pourcentage (pp). Si on exclut la période de contraction des prix immobiliers consécutive à la crise de la dette européenne, durant laquelle la croissance économique n’a offert que peu de support, cette statistique est de 0.25 pp, proche de celles mesurées pour la Suisse et l’Allemagne.
- La contribution de l’inflation sous-jacente était de 0.21 pp. Elle a décliné jusqu’en décembre 2014, avant de démontrer une tendance à se redresser depuis, malgré un nouveau fléchissement modéré observé depuis le T2 2018.
- Les conditions de crédit ont été dans l’ensemble le principal facteur de croissance parmi ceux analysés. Leur contribution moyenne sur la période fût de 0.24 pp. En décomposant le résultat par période de croissance ou de contraction des prix, cette contribution était de 0.33 pp et de 0.03 pp, respectivement.
La contribution des coûts de construction à la croissance des prix résidentiels est négligeable. En revanche, de rares périodes de contribution relativement importantes (allant de -0.28 pp à 0.40 pp) ont pu être observées.
- Le taux de logements vacants, qui a progressivement augmenté, pèse particulièrement sur l’évolution des prix de l’immobilier résidentiel depuis 2014. Ainsi, sa contribution moyenne était de -0.27 pp depuis 2009, mais elle s’est graduellement accrue pour atteindre -0.63 pp au T2 2019.
- Finalement, la composante statistique affiche depuis T1 2018 des valeurs positives particulièrement systématiques. Ce résultat suggère qu’une partie de l’augmentation des prix de l’immobilier résidentiel sur cette période n’est pas expliquée par les fondamentaux macroéconomiques analysés dans notre modèle.
Quant aux perspectives d’évolution du marché résidentiel français, notre modèle suggère que jusqu’au T4 2020 les prix augmenteraient dans l’ensemble de 3.1% en glissement annuel moyen en 2019, soit à un rythme proche de celui observé en 2017 et 2018. En revanche, la progression des prix se ferait plus modérée en 2020 à 2.86% en moyenne. Des conditions de crédits favorables sous-jacentes représenteraient le principal support à cette croissance, qui serait également soutenue par l’inflation et la croissance du PIB dans une moindre mesure. En revanche, le taux de vacances continuerait de peser à la baisse dans des mesures comparables à ce qui a été observé sur les derniers trimestres. Le détail par trimestre de nos prévisions est reporté dans le tableau 3. Finalement, les intervalles de confiance à 90% suggèrent une croissance des prix comprise entre 1.9% et 5.4% en 2019 et entre -2.5% et 4.4% en 2020.
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