Logement senior : un marché en plein essor
Phénomène démographique d’ampleur, le vieillissement de la population bouleverse bien des secteurs. Des promoteurs immobiliers se sont emparés de la cruciale question du logement des personnes dépendantes et non dépendantes pour pallier le manque criant de structures, et offrir placements rentables et sûrs à des investisseurs friands d’avantages fiscaux.
L’observation, pour n’être pas nouvelle, n’en reste pas moins générale. La population française est vieillissante. En 2017, les 75 ans et plus représentent près de 6 millions de personnes. L’agencement actuel des générations manifeste un vieillissement généralisé de la population reposant sur l’arrivée au grand âge des enfants du baby-boom. Selon l’Insee, la croissance de la population française passerait progressivement de + 2,5 % en moyenne annuelle, entre 2013 et 2020, à + 0,6 % entre 2040 et 2050.
Toujours selon l’Insee, en 2060, un Français sur trois aura plus de 60 ans et les plus de 85 ans pourraient dépasser les 5,4 millions de personnes. A ce rythme, en 2050, les personnes âgées de plus de 75 ans ou plus seraient supérieures à 18 % dans la moitié des régions métropolitaines, avec un maximum de 21,5 % en Corse.Si la proportion des personnes dépendantes tend à augmenter avec le temps, les seniors sont, toutefois, dans l’ensemble autonome jusqu’à un âge avancé.
La question de l’hébergement d’une tranche d’âge autonome, sinon dépendantes, prend l’allure d’un véritable enjeu de société. Pour répondre à ce défi social, économique et démographique, des résidences spécifiques, résidences avec services pour seniors et établissements hospitaliers pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), émergent depuis quelques années, ouvertes aux investisseurs, tant particuliers qu’institutionnels, qui y trouvent des placements aux revenus assurés et à la fiscalité avantageuse.
Des seniors pluriels
Plusieurs générations de retraités coexistent : la première encore active et dynamique, la seconde autonome (souvent elle-même en charge de personnes âgées) et la troisième, plus âgée encore et plus fragile, et dont l’autonomie tend à s’amenuiser au fur et à mesure du temps.
Une donnée interpelle encore. Nombre de personnes âgées veulent vieillir à leur domicile, au prix de quelques adaptations de leur logement et, en fonction de leurs besoins, mobilisent des services à la personne. D’autres seniors ne veulent, ou ne peuvent pas rester, dans un domicile devenu trop grand (difficile à chauffer et à entretenir, ou coûteux à aménager). A l’isolement dont ils souffrent s’ajoute une crainte anticipée de voir s’éroder leur autonomie.
Parce qu’elles y ont été préparées au cours de leur vie, d’autres privilégieront des solutions en résidence ou établissement. Mais les 60-75 ans autonomes et leurs aînés dits fragilisés sont réceptifs au marché et se montrent à même de répondre aux concepts nouveaux proposés par les opérateurs, tels que des résidences avec services pour seniors modernes, connectées et domotisées.
Selon l’étude de février 2016 d’EHPA « Le développement des résidences seniors en France », « la barre des 900 résidences devrait être franchie avant 2020, alors que ces résidences n’étaient que de 500 en 2014 ». Le marché est donc en plein essor, ce qui devrait susciter l’intérêt grandissant d’investisseurs particuliers en recherche de complément de revenus, pour préparer leur retraite tout en bénéficiant d’avantages fiscaux à la clé.
Des résidences plurielles
Sur le marché coexistent deux types d’hébergement, très différents l’un de l’autre : les résidences avec services pour seniors et les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes. Deux structures qui permettent à l’investisseur d’acquérir un logement meublé dont la gestion est confiée à un exploitant. En matière fiscale, les dispositifs les plus adaptés sont ceux du loueur en meublé non professionnel et le Censi-Bouvard. Ces produits peuvent, par ailleurs, afficher des rendements de 3,5 à 5 % par an.
Les résidences seniors, pour l’autonomie
Les résidences seniors s’adressent à un public de personnes âgées non dépendantes. Selon le confort qu’elles offrent, elles bénéficient d’équipements collectifs : salle de restaurant, blanchisserie, salle de gymnastique. Elles proposent à la carte des services gratuits ou payants : conciergerie, coiffeurs…
Les résidences pour seniors de la première génération ont émergé dans les années 1970 ; sortes de copropriétés à destination des personnes âgées autonomes qui pouvaient être propriétaires ou locataires. Les résidences de deuxième génération se sont développées dans les années 2000, avec une part de propriétaires moins importante. Ce produit peut assez facilement se reconditionner dans l’immobilier traditionnel, un atout non négligeable en cas de défaillance du gestionnaire.
Alors que le nombre de personnes âgées et très âgées s’accroît, cet hébergement constitue une solution pour une population pour laquelle le besoin de relation, la convivialité et la sécurité demeurent des critères importants.
Les Ehpad, pour personnes dépendantes
A contrario des résidences pour seniors avec services, même si la plupart possèdent un service médical, les Ehpad, ces maisons de retraite médicalisées, propose un accueil en chambre, pour des personnes nécessitant surveillance, aide et soins au quotidien. « Réglementées par les pouvoirs publics qui en fixent le nombre, elles accueillent des personnes âgées dépendantes en perte d’autonomie. Elles répondent donc à un véritable besoin d’accompagnement », indique Nicolas Le Febvre, directeur associé groupe Euodia. Et d’ajouter : « Elles nécessitent une convention tripartite entre le Conseil général, l’ARS (Agence régionale de santé) et le préfet. Les taux d’occupations y sont donc élevés ». L’investisseur acquiert une chambre médicalisée dans un établissement. C’est pour lui un investissement qui s’inscrit sur le long terme.
Une fiscalité incitative
Le nouvel essor du marché a coïncidé avec l’adoption, en 2009, de mesures fiscales incitatives en faveur de l’investissement locatif, qui ont attiré l’intérêt des grands acteurs de la promotion immobilière et du conseil fiscal. A l’attractivité des revenus se mêle un intérêt certain pour le statut fiscal de loueur en meublé professionnel (LMP) ou non professionnel (LMNP) qui accompagne l’investissement en Ehpad et résidences avec services pour seniors.
L’investisseur propriétaire d’un bien meublé perçoit des revenus locatifs faiblement imposés, tout en récupérant la TVA (si le bien est neuf). Plus utilisé, le dispositif du LMNP s’applique à la location de biens meublés dont les revenus générés par la location ne dépassent 23 000 euros par an pour le propriétaire ou que les recettes de cette activité représentent moins de 50 % de ses revenus globaux par année.
Grâce à des amortissements sur le mobilier et l’immobilier et avec la déduction des charges de propriété, le statut LMNP permet à l’investisseur de bénéficier d’une défiscalisation sur une période de trente ans maximum. Olivier Trit, secrétaire général adjoint de Cerenicimo, rappelle que « L’investisseur peut également choisir de bénéficier du dispositif Censi-Bouvard. Il peut dans la limite de 300 000 euros investis, déduire 11 % du coût hors taxe d’une chambre sous condition d’engagement de neuf années. Il peut bénéficier d’une récupération de TVA de 20 %. Toutefois, la défiscalisation du Censi-Bouvard ne se cumule pas avec l’amortissement progressif du bien (LMNP et LMP) ».
Des offres englobées dans des fonds
A ce titre, La Française Real Estate Managers a lancé en 2016 un organisme professionnel de placement collectif immobilier (OPPCI) baptisé LF résidences seniors, composé principalement de résidences seniors, et destiné aux investisseurs institutionnels. La stratégie a été de rechercher une diversification et une surperformance.
« Nous avons décidé de surinvestir le senior (au minimum 70 % en résidence seniors), confie Patrick Genre, président de la Française Real Estate Partners, pour des raisons liées notamment à la stabilité locative traditionnellement associée au secteur du logement, l’exonération des coûts de gestion du résidentiel, les avantages du bail commercial. La rentabilité d’une résidence pour seniors dans notre OPPCI est à peu près de 1,5 % supérieur à ce qu’elle serait si on l’exploitait en résidentiel classique. En outre, le bail commercial permet de récupérer la TVA sur l’acquisition et sur les travaux ce que ne permet pas un bail résidentiel classique. »
Cette démarche se veut également socialement responsable puisqu’elle accompagne le mouvement du vieillissement de la population. La politique d’investissement sélectionne rigoureusement des résidences urbaines (à proximité des services médicaux, transports publics, commerces de proximité, etc.) et des résidences neuves aux normes environnementales actuelles.
Illustrant le dynamisme du marché, A Plus Finance vient d’annoncer un nouvel investissement dans une résidence avec services pour seniors gérée par le groupe Domitys à Saint-Raphaël, avec des baux de douze ferme, pour son OPCI Silver Generation. Lancé en 2016, cet OPCI permet de bénéficier du régime fiscal du loueur en meublé (LMNP ou LMP). Il a la particularité d’être intégralement dédié à l’investissement dans les résidences avec services pour seniors non médicalisées. La livraison est prévue en décembre prochain, ce qui permettra à l’OPCI de percevoir des revenus locatifs amortissables dès janvier 2018.
Un bail à vingt ans testé chez Domitys
Domitys, l’un des spécialistes du secteur des résidences avec services pour seniors, a testé ponctuellement la mise en place d’un dispositif novateur pour les investisseurs particuliers : le bail à vingt ans ferme (en lieu et place du traditionnel bail de onze ans). Ce dispositif est d’ordinaire réservé aux investisseurs institutionnels. Cette opération, qui s’est achevée fin septembre dernier, a eu pour vertu principale de lever les inquiétudes liées à la question récurrente du « que se passe-t-il après ce bail de onze ans ?, souligne Jean-Philippe Carboni, directeur commercial de Domitys. En offrant aux investisseurs individuels ce bail de vingt ans, Domitys a souhaité démontrer qu’il ne se passe rien après les onze ans ! Après ce terme, on signe un nouveau bail ! C’est une façon de prouver que l’on peut s’engager sur vingt ans sans que cela puisse poser soucis. » Cent-dix lots ont été commercialisés avec ce bail test.
De gros acteurs structurés et rentables
Tous les acteurs de l’immobilier ne sont pas logés à la même enseigne. Ces dernières années, des groupes importants ont émergé, dotés d’une taille financière importante, d’une belle trésorerie, et fort de partenariats rigoureux, d’un savoir-faire dans l’immobilier, dans l’hôtellerie ou de la gestion d’établissements du secteur médico-social. Certains portent leur offre à l’international. A côté, de jeunes acteurs régionaux se positionnent.
Entre optimisme et prudence
Le marché n’échappe pas au simplisme de la présentation. Le secteur des Ehpad et résidences avec services pour seniors n’est pas un eldorado auquel s’attacherait une vision fiévreuse de « l’or gris ». Il reste en phase d’apprentissage du secteur. Il lui faut acquérir les bons réflexes. L’investisseur doit demeurer lucide et garder à l’esprit que le succès de son investissement en résidence pour seniors réside dans le choix du gestionnaire. Jean-Philippe Carboni rappelle que l’investisseur doit se poser la question des garanties offertes par l’exploitant bénéficiaire malgré un bail commercial. Si l’exploitant est mauvais, en quoi un bail commercial protégera l’investisseur ? « Un exploitant doit avoir démontré sa capacité à bien exploiter ». Il faut vérifier que ses comptes soient non seulement publiés, mais qu’ils soient bons. A l’investisseur de toujours visiter la résidence qui lui est proposée pour éviter les distorsions entre le discours et la réalité sur le terrain.
Investir pour favoriser le maintien à domicile
A contre-courant des résidences services seniors et des Ehpad, Turgot AM vient de créer le fonds ViaGénérations, une SCI à capital variable pour les investisseurs professionnels et dédiée au maintien à domicile des personnes âgées. Les acquisitions du fonds sont faites à 100 % en nue-propriété, avec réserve de droit d’usage et d’habitation. Il s’agit d’acheter la nue-propriété du bien, tout en permettant au senior de conserver le droit d’usage et d’habitation. Mécaniquement, chaque année qui passe, la valeur de la nue-propriété augmente versus celle de l’usufruit qui diminue. La rente prévisionnelle se situerait entre 4 et 5 %.
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