Le tourisme face aux défis de sa transformation
Par Pascal Savary, président d’Atream
Le tourisme est une activité économique majeure, avec un impact positif sur le développement des territoires, et qui contribue à la croissance économique, à la création d’emploi et à la promotion des pays. C’est aussi un secteur en pleine transformation, avec de nouvelles tendances de consommation qui s’imposent à lui, notamment en termes de digitalisation et de mode de vie de la clientèle.
Ces transformations sont à la fois des opportunités et des défis offrant de nouvelles perspectives de développement qui doivent prendre en compte les enjeux majeurs d’un tourisme plus durable. Ceux-ci sont multiples, car il faut désormais concilier le développement économique avec la préservation de l’environnement et le bien-être des populations locales, sans négliger la formation des professionnels du secteur.
Le tourisme, une industrie à impact économique positif
L’industrie du tourisme exerce une influence significative sur l’économie française et européenne, jouant un rôle prépondérant dans la croissance économique, la création d’emploi et la promotion des territoires. En France, l’industrie touristique est un pilier essentiel de l’économie car le pays attire des millions de visiteurs chaque année, notamment grâce à sa richesse culturelle et sa gastronomie. Selon l’Organisation mondiale du tourisme (OMT), la France est traditionnellement l’une des destinations touristiques les plus visitées au monde, avec Paris en tête des villes les plus attractives.
L’offre du secteur touristique est très spéciale par sa polyvalence, tant en termes de segment que de typologie de clients et de modes d’hébergement, et ceci s’identifie clairement lorsqu’on s’intéresse à son poids économique. Selon l’OMT, cette véritable locomotive pour l’économie européenne et française représente, à elle seule, près de 6,5 % du PIB français et 6,2 % du PIB de l’Union européenne en 2022, et ce sans tenir compte de l’ensemble des bénéfices indirects sur la consommation des secteurs connexes, tels que le transport ou la restauration. En 2022, malgré l’instabilité économique liée à la guerre en Ukraine et à la crise de l’énergie, elle a généré un chiffre d’affaires de 700 milliards d’euros en Europe, dont environ 60 milliards d’euros en France, selon le ministère de l’Economie.
Par ailleurs, la création d’emploi direct dans le secteur est en croissance constante depuis 2012, avec 3,7 % d’augmentation sur la période et supérieur à la croissance de l’ensemble de l’emploi salarié marchand en France (+ 2,7 %), selon l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss).
Avec près de trois millions de personnes travaillant directement ou indirectement (transport, restauration, etc.) dans le secteur en France (soit plus de 10 % de l’emploi total) et près de trente-trois millions en Europe (environ 10 % de l’emploi total), le secteur est un vecteur important d’emploi.
Ces chiffres marquent l’importance du tourisme dans l’économie globale et son poids stratégique dans le développement de la croissance économique des territoires en France comme en Europe. La crise sanitaire de 2020 l’a d’ailleurs mis en exergue puisque le manque à gagner pour l’économie mondiale découlant de la fermeture soudaine des frontières, des différents types d’hébergement et l’arrêt brutal des transports a poussé les gouvernements européens à soutenir massivement le secteur.
L’industrie du tourisme est par nature proche des territoires puisqu’elle dépend en grande partie de leurs ressources naturelles, culturelles et historiques. Elle permet de capter les flux domestiques et internationaux, et de dynamiser l’économie locale via l’hébergement et la consommation indirecte.
L’accueil de grands événements internationaux en est la preuve. Par exemple, la coupe du Monde de rugby, qui a eu lieu en France en 2023, a attiré, selon l’OMT, 20 % de visiteurs en plus par rapport à la même période l’année précédente, les villes hôtes ont enregistré des taux d’occupation record et les recettes touristiques ont augmenté de 25 % (vs. 2022), selon Atout France. Les résultats de cet événement sur le tourisme montrent bien l’importance de l’industrie en tant que promoteur des territoires et le point d’appui considérable qu’elle représente pour leur développement.
Une industrie en pleine transformation
Les technologies numériques révolutionnent la façon dont les touristes planifient et réservent leurs séjours et leur manière de voyager, ils sont plus informés, et donc plus exigeants, et souhaitent vivre des expériences uniques et authentiques.
Tout le processus d’organisation de voyage se faisant majoritairement en ligne, les acteurs du tourisme peuvent maintenant collecter des données sur leurs clients, comme leurs préférences, leurs habitudes de voyage et leurs centres d’intérêt, et donc mieux les comprendre et leur proposer des services personnalisés.
Cette collecte de données a aussi un impact significatif sur les prévisions de la demande. Les données numériques, notamment les données de réservation, permettent la création de modèles donnant la possibilité aux hôteliers de déterminer les tendances de la demande, les périodes chargées et les évolutions des taux d’occupation. Ainsi, ils pourraient optimiser leurs prix et les ajuster. Les outils digitaux ne se limitent pas à l’analyse des données en amont des arrivées et au séjour en lui-même, leur utilisation pourrait être bénéfique pour suivre les retours d’expérience clients et proposer des réponses personnalisées sur les réseaux sociaux et sur les sites Internet, ils sont aussi un moyen d’identifier des tendances de fond.
Dans ce contexte de plus en plus concurrentiel, les établissements peuvent également capitaliser sur les outils marketing pour se différencier, ainsi le storytelling commence à se forger une place prépondérante dans la communication des hôtels afin de susciter l’intérêt potentiel des clients notamment sur les réseaux sociaux. Cette stratégie, adoptée depuis longtemps par les hôtels de la gamme luxe qui bénéficient souvent d’une histoire aisément exploitable, fait son apparition dans les établissements hôteliers toutes catégories confondues et permet de fidéliser et cibler la clientèle.
La digitalisation est l’un des principaux moteurs de la transformation de l’industrie touristique, c’est un challenge d’adaptation pour les hôteliers qui permettra, à terme, au secteur de se moderniser et de proposer des services sur mesure à leurs clients. Si l’utilisation des plates-formes de réservation en ligne est quasiment généralisée, les hôteliers doivent encore investir dans des outils d’analyse de données, la formation de leurs équipes pour les traiter de manière efficace et dans le marketing pour gérer leur image.
L’émergence des nouvelles technologies n’est pas la seule tendance à apprivoiser pour le secteur, la montée en puissance du télétravail a des implications importantes pour le tourisme car il ouvre de nouvelles possibilités pour le travailleur : voyager tout en continuant de travailler. Le voyage de loisirs ne se limite plus aux week-ends ou au temps des vacances, il se prolonge de quelques jours pour continuer à profiter des aménagements, tout en travaillant efficacement. Les hébergements touristiques doivent donc se réinventer pour proposer en complément de leurs espaces traditionnels, des lieux donnant la possibilité de travailler dans les meilleures conditions et donc de profiter plus longtemps sur place.
Cette tendance se retrouve également dans le voyage d’affaires. En effet, les clients se déplaçant pour le travail montrent une préférence marquée pour les lieux vivants, par exemple avec un espace de restauration pour passer un moment de convivialité à la fin de la journée. Cette hybridation des usages est amenée à se développer dans les années à venir : les hôtels qui sauront adopter cette tendance seront les mieux placés pour répondre aux nouvelles attentes des voyageurs et gagneront en compétitivité dans un environnement en constante évolution.
Le tourisme durable, un enjeu majeur pour l’avenir de l’industrie
Selon l’agence de la transition écologique (Ademe), le secteur a émis, à lui seul, cent-dix-huit millions de tonnes de CO2, soit l’empreinte carbone globale de onze millions de Français. L’évolution vers un tourisme durable devient de facto un enjeu majeur pour l’industrie. Les consommateurs montrent d’ailleurs une sensibilité accrue pour les sujets environnementaux et sociétaux, qui se reflète dans la manière de voyager avec l’apparition de la notion de « slow tourisme », une nouvelle approche consistant à se déplacer en train ou en bus plutôt qu’en avion, à choisir des hébergements écoresponsables, tels que les gîtes ou les chambres d’hôtes, et à privilégier des activités locales. Cette forme de tourisme se caractérise par un objectif de préservation de l’environnement en opposition avec le tourisme de masse.
Face à cette nouvelle tendance, les opérateurs doivent donc trouver des voies d’adaptation, et cela commence par la mise à niveau des bâtiments en termes de performance énergétique. L’investissement tient une place de choix pour ce défi, car c’est via l’intégration de ces projets dans leurs dépenses de travaux que les hôteliers pourront réduire la consommation d’énergie, d’eau et de matériau. L’investissement saura remplir le besoin de l’exploitant, ce qui contribuera à terme à réduire les coûts d’exploitation, à améliorer l’image de la marque et à attirer de nouveaux clients.
En référence à la digitalisation du secteur, les outils digitaux, comme l’intelligence artificielle, peuvent représenter un atout efficace dans l’optimisation des consommations énergétiques en analysant les besoins spécifiques de chaque poste (cuisine, chambres, salons, accueil, etc.) et permettre aux équipes opérationnelles d’ajuster l’utilisation des ressources. Ces actions permettant d’aboutir à des bâtiments durables en matière d’environnement sont un facteur essentiel pour la performance sur le long terme de l’industrie face au réchauffement climatique.
La protection de l’environnement n’est pas le seul moteur du tourisme durable. Trop longtemps oublié, le capital humain est crucial pour la compétitivité du secteur. Les métiers du tourisme sont caractérisés par leur diversité : les professionnels doivent être capables de s’exprimer dans plusieurs langues et de s’adapter à toutes sortes de situations afin de garantir la satisfaction des clients. Pour protéger les exigences du secteur, la formation est un élément-clé qui permettra d’améliorer la qualité des services, d’améliorer la productivité, de satisfaire les clients et de motiver et fidéliser les employés.
Depuis l’année 2020, l’industrie du tourisme alors en pleine croissance a traversé plusieurs crises (Covid-19, guerre en Ukraine et énergie) qui ont accéléré ses mutations et amplifié les demandes de la clientèle.
Elle fait donc face à des défis de taille liés à la digitalisation rapide et globale de notre monde et au recours accru à l’intelligence artificielle en soutien aux compétences humaines pour répondre aux exigences de plus en plus fortes des consommateurs. Mais aussi aux nouvelles façons de voyager avec une demande hybride loisirs/affaires déjà bien installée, qui nécessite une mise à niveau des espaces pour pouvoir offrir un usage double aux clients. Sans oublier un des enjeux majeurs des prochaines décennies, la transformation profonde vers un tourisme durable via notamment des investissements importants sur les bâtiments et une formation systématique du personnel.
Ainsi, la transformation du secteur est un processus complexe qui s’inscrit dans la durée, mais qui s’avère incontournable pour les acteurs du secteur afin de rester compétitifs et revenir aux années de croissance constante pré-Covid.
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