Investissement locatif : un accès au crédit plus compliqué
Par Ludovic Huzieux, cofondateur d’Artémis courtage
Ces derniers mois, les conditions d’accès au crédit se sont durcies pour les particuliers qui souhaitent investir dans la pierre. En plus d’être très sélectifs sur le choix de leur bien, ces derniers doivent donc bien soigner leur dossier de prêt afin de mettre toutes les chances de leur côté.
Aux yeux des investisseurs, l’immobilier demeure une valeur refuge et un placement gagnant sur le long terme. Depuis la crise sanitaire et les évolutions très aléatoires des marchés financiers, l’engouement pour la pierre ne se dément pas. Après le déconfinement, dès le mois de mai 2020, de nombreux particuliers ont sauté le pas en réalisant un investissement locatif ; d’autres envisagent de le faire pour toucher des revenus complémentaires lors de la retraite ou se constituer un patrimoine à transmettre plus tard à leur(s) enfant(s).
Le moment peut être opportun pour se lancer. D’une part, les prix immobiliers sont actuellement intéressants dans de nombreuses villes. D’autre part, l’immobilier locatif est le seul placement pouvant être financé par un crédit. Or emprunter n’a, en effet, jamais été aussi avantageux depuis quelques années. Selon l’observatoire Crédit logement-CSA, les taux moyens hors assurance accordés aux particuliers, toutes durées confondues, s’élèvent à 1,24 % fin septembre 2020, alors qu’ils dépassaient les 5 % fin 2008 (cf. graphique page suivante).
Les recommandations du HCSF ont changé la donne
Mais les investisseurs qui bénéficient d’un bon dossier peuvent obtenir des taux bien plus compétitifs. A titre d’exemple, chez Artémis courtage, ces derniers décrochent facilement 0,90 % sur une durée de dix ans, 1,10 % sur quinze ans ou encore 1,25 % sur vingt ans. Sachant que les taux d’intérêt sont légèrement plus élevés pour un investissement locatif que pour l’acquisition de la résidence principale car cette opération est plus risquée, et les contreparties commerciales sont moins intéressantes pour les banques.
Seule ombre au tableau, les conditions d’octroi de crédit se sont fortement durcies depuis 2020. La raison est la suivante : en décembre 2019, le Haut conseil de stabilité financière (HCSF) a recommandé aux établissements bancaires de faire preuve de la plus grande prudence dans la distribution de prêts immobiliers en veillant à ce que le taux d’endettement (ou taux d’effort) des ménages n’excède plus 33 % et en ne commercialisant plus de prêts dont la durée dépasse vingt-cinq ans.
Dans les semaines qui ont suivi, les banques ont appliqué cette règle des 33 % stricto sensu pour tous les dossiers d’acquéreurs, y compris pour ceux dont le reste à vivre était pourtant suffisant. Ces préconisations ont ainsi entraîné un refus de financement pour de nombreux acheteurs, à commencer par les ménages les plus fragiles, mais aussi pour bon nombre d’investisseurs qui envisageaient de se constituer un patrimoine immobilier. En effet, lorsque ces derniers assument déjà une mensualité élevée pour financer leur résidence principale, leur dossier est systématiquement refusé. Actuellement, certains établissements bancaires ne prêtent plus qu’à ceux qui ont terminé de payer leur logement. Le taux de refus de financement des acquéreurs a doublé sur un an, y compris celui des investisseurs locatifs.
Chez Artémis courtage, par exemple, la part des investisseurs locatifs est passée de 15 à 10 % en moins d’un an, ce qui démontre l’impact des recommandations du HCSF. En outre, les banques ont fait le choix de ne plus avoir recours à la formule de calcul « différentiel » qui permet d’augmenter la capacité d’emprunt d’un investisseur en prenant en compte de manière plus favorable le montant des loyers perçus dans le cadre d’un investissement. Certaines d’entre elles ne prennent les loyers en compte qu’à hauteur de 50 %, d’autres ne les intègrent plus dans la capacité d’endettement.
La crise de la Covid-19 a renforcé les exigences des banques
La crise sanitaire actuelle n’a malheureusement rien arrangé. Avec les vagues successives de licenciements économiques, les banques sont encore plus attentives sur les projets qu’elles financent. Dans le cadre d’un investissement locatif, l’examen de la demande de prêt est encore plus approfondi que pour l’acquisition d’une résidence principale. Elles étudient non seulement le secteur dans lequel exerce l’emprunteur mais elles regardent aussi de près les photos du bien locatif visé, les loyers qu’il procure ou encore les estimations de prix fournies par les différents agents immobiliers.
Mais les banques sont aussi plus exigeantes concernant l’apport personnel. Ce dernier doit désormais représenter au moins 10 % du prix du bien, hors frais de notaire, voire parfois davantage selon les établissements. Ce qui représente un véritable changement de paradigme. Il y a encore un an, les investisseurs étaient fortement incités à s’endetter à hauteur de 110 % afin de profiter d’un effet de levier maximal. En effet, lorsque le rendement locatif est supérieur au taux du crédit, le recours à l’emprunt améliore la rentabilité des fonds investis. Plus la part financée à crédit et le différentiel entre le coût du crédit et le rendement locatif sont importants, plus la rentabilité financière du projet augmente. A cela s’ajoute le fait que les intérêts d’emprunt sont déductibles des loyers (différemment si la location est vide ou meublée), ce qui diminue la base imposable et optimise la fiscalité de l’opération. Désormais, les investisseurs doivent pouvoir verser le maximum d’apport en puisant autant que possible dans leur épargne. Ce qui réduit d’autant l’intérêt de ce fameux effet de levier (cf. tableau page suivante Calcul de l’effet de levier).
Les taux de l’usure peuvent être contraignants
A ces difficultés s’ajoute le problème du taux de l’usure, soit le taux maximal au-dessus duquel il est impossible de proposer un prêt. Mis en place dans le but de protéger les consommateurs, ce taux s’élève, depuis le 1er octobre 2020, à 2,52 % pour les prêts fixes d’une durée comprise entre dix et vingt ans et à 2,68 % pour les prêts fixes de vingt ans et plus, ce qui est assez faible. En pratique, le taux de l’usure est publié chaque trimestre par la Banque de France à partir des taux effectifs moyens pratiqués par les banques au cours des trois derniers mois, majorés de 30 %. Il prend en compte le taux d’intérêt nominal, l’assurance décès-invalidité, la garantie du prêt ainsi que les frais de dossiers et de courtage. Il a aussi pour effet d’exclure certains candidats à l’accession parfaitement solvables, comme les emprunteurs à qui l’on applique une assurance élevée (décès, invalidité et/ou perte d’emploi), comme par exemple, les seniors. Mais d’autres profils d’acquéreurs peuvent être concernés, comme les personnes ayant déclaré un problème de santé ou encore celles qui exercent certaines professions à risques.
Le rôle clé du courtier en crédit
Pour toutes ces raisons, un particulier investisseur doit être accompagné par un professionnel. Un courtier en crédits compare les offres d’un maximum de banques, et il négocie à sa place le taux d’intérêt, les frais de dossier, les pénalités de remboursement anticipé ou encore l’assurance décès-invalidité qui pèse de plus en plus lourd dans le coût total du crédit. L’investisseur peut éventuellement se tourner vers la délégation d’assurance pour réaliser des économies. Rappelons qu’un récent amendement offre la possibilité de changer de contrat d’assurance-emprunteur à tout moment, et non plus lors la première année du crédit immobilier ou à chaque date d’anniversaire. S’il est adopté, il permettra à de très nombreux emprunteurs d’accéder plus facilement à la concurrence et réduire le coût de cette assurance.
Le courtier peut aussi aider l’emprunteur à constituer son dossier de prêt sans commettre d’impairs et permet de peser dans la balance si son taux d’endettement est légèrement supérieur à 33 %. Plus que jamais, l’investisseur doit bien évaluer sa capacité d’endettement en prenant en compte toutes ses dépenses (échéance du prêt de la résidence principale s’il n’est pas remboursé, etc.). Il doit aussi avoir en tête que le loyer couvre rarement la totalité de l’échéance mensuelle du crédit.
Pour décrocher un prêt, un investisseur doit enfin être extrêmement vigilant et se présenter sous son meilleur profil, en soignant au maximum son dossier. Cela en évitant notamment les découverts, les rejets de chèques ou encore les commissions d’intervention facturées par la banque. Il doit également bannir les réserves de crédit revolving proposées dans les grandes enseignes. Même d’un faible montant, elles entrent dans le calcul de l’endettement et grèvent sa capacité d’emprunt. Il doit, enfin, être à jour dans le paiement de ses échéances d’impôt ou de loyers s’il est locataire.
Des régimes fiscaux avantageux
Si son taux d’endettement (ou taux d’effort) est trop élevé, l’investisseur peut revoir son projet et l’adapter à son budget. Un particulier a le choix parmi de nombreux régimes fiscaux très attractifs. Tout dépend de ses objectifs
en termes de rendement, de plus-value et de fiscalité. Il peut, par exemple, viser un bien neuf loué dans le cadre du régime Pinel et bénéficier d’une réduction d’impôt de 12 à 21 % du montant de son investissement sur une durée de six, neuf ou douze ans, à condition de respecter d’acheter le bien dans une zone éligible et de respecter des conditions de loyers et de ressources du locataire. Il peut également se tourner vers les résidences services – étudiantes ou seniors – en signant un bail commercial avec un exploitant. Cela lui permet de profiter d’une réduction d’impôt de 11 % du montant de son investissement pendant neuf ans.
Autrement, il peut aussi se tourner vers les biens anciens à rénover en profitant du dispositif Denormandie, accessible depuis janvier 2019, qui permet de bénéficier d’avantages fiscaux identiques à ceux que procure le régime Pinel sous certaines conditions. Pour réaliser cette opération, il doit notamment effectuer des travaux dans le bien représentant au moins 25 % du coût total de l’opération (prix d’achat, travaux et frais d’acquisition).
Un investisseur peut aussi rénover son bien pour bénéficier du mécanisme du déficit foncier. Les charges déductibles étant supérieures aux recettes, il bénéficie d’un déficit qu’il peut déduire de son revenu global, dans la limite de 10 700 euros par an. La part du déficit excédentaire et les intérêts d’emprunt dépassant le montant des loyers sont imputables sur les loyers des dix années suivantes.
Ces différents régimes fiscaux, destinés à créer des logements neufs en France mais aussi à favoriser les emplois, devraient être reconduits dans le projet de loi de finances pour 2021, ce qui serait une excellente nouvelle pour les investisseurs.
Les SCPI, une alternative intéressante pour les investisseurs
En cas de budget limité, un investisseur peut, enfin, se tourner vers les parts de sociétés civiles de placement immobilier (SCPI), dont le ticket d’entrée est plus accessible et que certaines banques acceptent de financer à crédit. Une telle opération permet de déduire les intérêts d’emprunt des revenus fonciers procurés par les parts, sans limitation de montant, ni de durée.
Il est possible de financer la souscription de parts (pour un montant généralement supérieur à 50 000 euros), mais certaines banques imposent, en contrepartie, de choisir les SCPI commercialisées par leurs propres filiales dont la performance n’est pas toujours au rendez-vous. Depuis la disparition du Crédit foncier en 2019, il est plus compliqué d’emprunter pour des SCPI gérées par des sociétés indépendantes. Néanmoins, certains établissements acceptent encore de le faire, à l’exemple de caisses régionales ou de banques spécialisées, à condition que l’investisseur accepte d’y domicilier ses revenus ou qu’il transfère une partie de son épargne.
Là encore, l’aide d’un courtier en crédit immobilier peut être très utile pour aider l’investisseur à trouver le financement le plus adapté.
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