Immobilier d’enseignement : une diversification avec impact

Par : edicom

Par Jean-Marie Souclier, président de Sogenial Immobilier

Investir dans l’immobilier d’enseignement est une tendance relativement nouvelle qui peut s’expliquer par plusieurs facteurs, notamment la recherche de diversification des investisseurs et le développement de l’enseignement privé.

Depuis quelques années, les fonds d’investissement, qu’il s’agisse de SCPI ou d’autres types de fonds, se spécialisent de façon de plus en plus fine. Traditionnellement, le marché était constitué de fonds bureaux ou commerce, qu’ils soient core, core+, value add ou opportunistes. Plus récemment sont apparus des fonds dédiés à la santé, la logistique ou encore l’hôtellerie. Il était naturel de voir un jour se développer des fonds d’investissement dédiés à l’éducation.

La collecte des SCPI spécialisées s’est développée depuis plusieurs années, se concentrant initialement sur les SCPI santé et logistique, avant de s’ouvrir à celles dédiées à l’hôtellerie ou à l’éducation. Ces véhicules représentent chaque année entre 10 et 25 % de la collecte annuelle de l’ensemble des SCPI. Tout cela s’inscrit dans un mouvement plus large de développement de la collecte nette des SCPI qui est passée de 4,81 milliards d’euros en 2018 à un record de 10,1 milliards d’euros en 2022.

Une typologie séduisante

Cette progression s’est naturellement accompagnée d’un fort développement de l’offre des fonds sous gestion pour sortir de l’ancien duo bureaux vs commerces. Aujourd’hui, l’offre de fonds immobiliers permet aux investisseurs, et à leurs conseillers en gestion de patrimoine, d’investir à la fois dans des fonds généralistes, mais aussi dans des fonds spécialisés. Cela permet soit de cibler une typologie d’actifs particulièrement appréciée de l’investisseur, soit au contraire d’optimiser la division des risques en touchant toutes les typologies d’actifs, avec seulement cinq ou six SCPI. Les fortes collectes de ces dernières années ont naturellement fait augmenter de façon importante les encours de la plupart des SCPI, transformant un investissement de niche en une nouvelle tendance de diversification. En effet, il s’agit bien de diversifier pour diviser les risques.

C’est tout l’intérêt de la SCPI, un fonds grand public qui permet, avec seulement quelques milliers d’euros, de se constituer un patrimoine immobilier diversifié, de percevoir des revenus réguliers, le tout sans avoir le moindre souci de gestion. La maturité des fonds diversifiés leur confère une place naturelle dans les allocations d’investissements des épargnants. Cela est particulièrement vrai pour l’immobilier d’éducation et l’immobilier de santé, souvent regroupés dans les classements des fonds dont les stratégies et les ressorts sont assez proches.

De la crèche à l’enseignement supérieur

En effet, pourquoi investir dans l’immobilier de santé et encore plus dans l’immobilier d’éducation ? On pourrait garder en tête le vieux lycée des années 1970 que certains ont fréquenté, mais heureusement les choses ont beaucoup changé. Evidemment, une grande partie de l’immobilier d’éducation appartient à l’Etat qui en a besoin pour mener sa mission de service public, que ce soit dans le primaire, le secondaire ou le supérieur.

Cependant, il existe tout le secteur de l’enseignement privé, historiquement présent dans le primaire et le secondaire, et de plus en plus, dès la maternelle avec les écoles de type Montessori. Et c’est surtout dans l’enseignement supérieur que le privé est très présent, avec un nombre d’étudiants multiplié par deux en vingt ans et qui représente aujourd’hui plus du quart des effectifs du supérieur avec sept cent-soixante-sept mille étudiants, et même plus de 30 % dans les académies de Lyon, Nantes et Paris.

Intéressons-nous d’abord aux jeunes enfants. Leur parcours commence dès l’entrée en crèche. C’est ici que les premiers apprentissages débutent, et c’est un secteur dynamique d’investissement. Il est couramment admis qu’il manque plus de deux cent mille places en accueil collectif en France, alors qu’il y a environ quatre-cent-quatre-vingt mille places disponibles.

Même si les structures publiques représentent un peu plus de la moitié de l’offre, les opérateurs privés (24 % du marché) sont en plein développement depuis le début des années 2000 et représentent, depuis dix ans, 80 % des nouvelles places créées, offrant ainsi de nombreuses opportunités pour un bailleur.

Le plus fort développement du marché concerne le secteur des microcrèches (jusqu’à douze enfants). Ce sont des petites unités (150-250 m2) situées en rez-de-chaussée, souvent en cœur de ville, très banalisées, et donc facilement transformables en bureaux ou en commerces. Avec des volumes d’investissement raisonnables (inférieur à un million d’euros, sauf dans certaines grandes villes) et des baux de longues durées fermes, les microcrèches représentent une opportunité d’investissement idéale. La volonté du président de la République de promouvoir un « réarmement démographique » et une demande largement insatisfaite font des crèches un support d’investissement idéal pour valoriser et développer un patrimoine immobilier.

Après la crèche, les enfants entrent à l’école, puis au collège et au lycée. En 2022, l’enseignement privé sous contrat regroupait plus de deux millions d’élèves, soit 17,6 % des effectifs scolarisés (13,4 % au primaire et 21 % au secondaire), avec une présence historique très importante dans l’Ouest (41 % des effectifs de l’académie de Rennes, 38 % de celle de Nantes).

Même si la quasi-totalité concerne de l’enseignement catholique propriétaire de son immobilier, il y a, là encore, quelques investisseurs privés qui acquièrent des bâtiments pour les louer. Le marché offre davantage d’opportunités avec les établissements dits Montessori : il existe de très nombreuses crèches et environ deux cents établissements primaires qui se revendiquent de cet apprentissage, tous privés, et donc grands demandeurs de locaux pour héberger leurs unités d’enseignements.

Avec les crèches, le second marché d’investissement immobilier sera l’enseignement supérieur.

Après le bac, le privé truste les formations en école de commerce, gestion ou encore comptabilité et il représente 40 % des élèves ingénieurs hors universités. Cette forte demande nécessite beaucoup de mètres carrés pour accueillir, mais aussi loger et divertir ces jeunes.

C’est donc tout naturellement que l’immobilier adéquat a beaucoup évolué et s’est beaucoup développé pour répondre à la demande. Une grande partie de ces mutations s’explique par la professionnalisation et la concentration des opérateurs, qui sont aujourd’hui de grands groupes souvent internationaux qui développent une stratégie de maillage territoriale fine.

Le modèle de campus, un peu à l’américaine, très étendu à l’écart des villes est délaissé au profit d’implantation en pleine ville, à proximité des transports et des infrastructures urbaines d’hébergement et de loisirs. Par exemple, le nouveau campus de l’EM Lyon qui a quitté Ecully, à onze kilomètres du centre de Lyon, pour s’installer sur 30 000 m2 dans le quartier de Gerland, idéalement situé entre deux stations de métro, en liaison directe avec la gare de La Part-Dieu.

L’autre élément notable depuis la crise du Covid est la forte progression, voire l’explosion de l’apprentissage dans l’enseignement supérieur. Entre 2020 et 2022, le nombre d’apprentis dans l’enseignement supérieur a augmenté de 78 %, tout particulièrement dans les écoles de commerce et, plus généralement, dans l’enseignement privé.

Tout naturellement, les groupes d’enseignements se sont adaptés et multiplient les unités d’enseignement de taille plus réduite dans les différentes villes françaises, voire internationales. Prenons le cas de l’ESPI (Ecole supérieur des professions immobilières) qui, créée en 1972, compte un campus à Paris, trois en 2012 et huit en 2023. Et ce n’est qu’un exemple parmi d’autres.

La plupart des écoles régionales ont aujourd’hui des campus dans la capitale et dans d’autres villes de France, les Parisiennes essaimant à leur tour en provinces. Ces développements vont de quelques dizaines de mètres carrés, pour moins de dix salles de classe, à plusieurs milliers de mètres carrés (13 600 m2 à Paris pour l’EM Normandie). Ces implantations ont des impacts économiques importants car il faut héberger les étudiants, les nourrir, sans oublier les loisirs et autres dépenses éducatives. Les établissements vont concevoir leurs centres d’enseignements comme on conçoit le siège social d’une grande entreprise, en tenant compte des questions d’image, de notoriété, de l’environnement, afin de renforcer leur attractivité et conquérir de plus en plus d’étudiants, tout en valorisant leurs diplômes auprès des entreprises et donc d’augmenter leur nombre d’étudiants. Certains ont d’ailleurs commencé à penser une partie de leurs locaux comme du « flex-office », en optant pour des bâtiments beaucoup plus modulables et en abandonnant partiellement les sacro-saints amphithéâtres.

Ainsi, les besoins en immobilier d’enseignement ont beaucoup changé et, même s’il est compliqué d’acquérir des unités de plusieurs milliers de mètres carrés, il existe un marché important pour accompagner tous les autres projets de développements sur de plus petites unités dont les établissements sont rarement propriétaires.

Une croissance stable

Cet immobilier présente plusieurs avantages pour un propriétaire. Tout d’abord, il répond à une demande durable, celle pour les services éducatifs et de logement destinés aux jeunes étant généralement stable et croissante. Les familles recherchent des crèches de qualité pour leurs jeunes enfants, des écoles réputées pour assurer leur éducation, des résidences étudiantes confortables et des espaces de coliving adaptés à leurs besoins. Cette demande est peu affectée par les fluctuations économiques, ce sont des actifs dits « acycliques ».

Le besoin de mètres carrés dépend plus du niveau d’éducation d’un pays, de sa démographie et de son attractivité internationale que de la santé économique dudit pays. Il y aura toujours des jeunes et il faudra toujours des lieux pour les éduquer.

Autre avantage, les biens immobiliers destinés à l’enfance, à l’adolescence et à la jeunesse génèrent des revenus locatifs réguliers, stables et prévisibles. Les crèches, les écoles, les résidences étudiantes et les espaces de coliving sont généralement loués à long terme à des opérateurs solvables. Comme nous l’avons vu ci-dessus, de plus en plus d’élèves sont en apprentissage, ce sont les entreprises, directement et via les « OpCo» (opérateurs de compétences) qui financent les études, beaucoup moins les parents. Ces actifs offrent souvent une rentabilité meilleure que des actifs comparables : le sous-jacent étant particulier, il y a moins d’investisseurs le maîtrisant et donc moins de concurrence à l’achat.

Enfin, il y a un impact social positif à investir dans des biens immobiliers liés à l’éducation et au logement des jeunes, perçu comme socialement responsable.

Ces investissements contribuent à créer des environnements éducatifs et de vie sécurisés et favorables au développement des enfants et des jeunes, ce qui peut avoir un impact positif sur la société dans son ensemble.

Cette stratégie d’investissement peut se compléter naturellement avec d’autres actifs immobiliers liés aux apprenants et donc aux jeunes : logement étudiant, coliving, loisirs… En ne perdant pas de vue l’un de nos postulats de départ : il faut le plus possible diversifier son portefeuille pour limiter les risques et sécuriser les rendements. Ainsi, on crée des fonds d’investissement qui, plutôt que de reposer classiquement sur une stratégie immobilière, s’intéressent à une stratégie sociétale : la jeunesse et son environnement.

  • Mise à jour le : 24/06/2024

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