Commerces et logistique au top, les bureaux ralentissent
Le bilan du marché français de l’investissement en immobilier d’entreprise au premier trimestre de Knight Frank France révèle que le dynamisme des commerces et de la logistique compense le ralentissement des bureaux.
Après la baisse de 5 % enregistrée en 2021, le marché français de l’investissement en immobilier d’entreprise a connu un début d’année 2022 mitigé, dans un environnement toujours perturbé par la crise sanitaire et fortement troublé depuis quelques semaines par la guerre en Ukraine. « 4,7 milliards d’euros ont été investis en France au premier trimestre 2022, soit un recul de 12 % par rapport à la même période l’an passé. Ce résultat est même inférieur de 36 % à celui du premier trimestre 2020, qui avait néanmoins constitué un record historique », annonce David Bourla, directeur des etudes chez Knight Frank France. De fait, si les nombreuses incertitudes – sanitaires, politiques, financières et économiques – pèsent sur l’activité en accentuant l’aversion au risque et en allongeant la durée des négociations, la baisse des trois derniers mois peut être relativisée. Ainsi, la performance du premier trimestre 2022 est supérieure de 15 % à la moyenne décennale et se place même dans le Top 5 des meilleurs premiers trimestres de l’histoire.
La baisse du premier trimestre 2022 est due notamment à un nombre de grandes opérations un peu plus faible qu’à l’accoutumée, puisque treize transactions supérieures à 100 millions d’euros ont été enregistrées depuis le début de l’année, contre quinze l’an passé à la même période et vingt-et-un au premier trimestre 2020. Cette configuration de marché va de pair avec un net recul de la part des bureaux, alors que ce segment est traditionnellement le moteur du marché. Avec près de trois milliards d’euros investis depuis janvier, l’Ile-de-France accuse également une baisse significative (- 20 % sur un an), qui contraste avec la solidité des régions (+ 78 %).
Bureau : en perte de vitesse
Tendance manifeste du marché de l’investissement en 2021, le bureau a continué de voir sa part diminuer au début de 2022. « 2,2 milliards d’euros ont été investis sur le marché français des bureaux au premier trimestre 2022 soit une baisse de 45 % en un an. Il faut remonter à 2016 pour trouver un volume aussi faible. Mécaniquement, la part du bureau est en net recul, cette classe d’actifs ne représentant que 46 % de l’ensemble des volumes investis dans l’Hexagone en 2022, contre 74 % à la même période l’an passé, et 69 % en moyenne lors d’un premier trimestre depuis dix ans », détaille David Bourla. Autre enseignement du premier trimestre 2022, l’Ile-de-France voit sa domination s’éroder légèrement à l’échelle nationale. Ainsi, avec 1,7 milliard d’euros investis en bureaux, l’Ile-de-France ne représente plus « que » 77 % des sommes engagées sur le marché tertiaire hexagonal, contre 87 % il y a un an.
Cette baisse est due à des transactions moins nombreuses et portant sur des volumes plus réduits. L’an passé, une dizaine de transactions supérieures à 100 millions totalisant 2 milliards d’euros avaient été recensées. Au premier trimestre 2022, seules cinq grandes opérations ont été actées, la plus importante ne dépassant pas 200 millions d’euros. Ailleurs en périphérie, le marché a été peu animé avec quelques cessions d’un montant quasi systématiquement inférieur à 50 millions d’euros. Notons aussi l’intérêt croissant pour l’acquisition d’actifs tertiaires à transformer en logements.
Paris concentre la plus grande part des volumes investis sur le marché francilien des bureaux (50 % au premier trimestre 2022), même si le recul sur un an est important (- 37 %). Sept opérations de plus de 50 millions d’euros y ont été recensées depuis janvier, dont quatre dans le quartier central des affaires (QCA). C’est d’un manque d’offres, prime ou à revaloriser, dont souffre principalement la capitale. Celle-ci conserve en effet tout son attrait : le marché locatif y est dynamique et la vacance contenue, maintenant les taux de rendement prime à leur niveau plancher malgré la remontée de l’OAT 10 ans et un spread moins avantageux. En périphérie, cette nouvelle donne financière et l’impact du télétravail sur les surfaces prises à bail expliquent, en revanche, la prudence marquée des investisseurs, dès lors qu’un immeuble ne bénéficie pas d’une accessibilité optimale, des labels environnementaux les plus performants et de baux ferme, sécurisés par l’engagement long terme de locataires solides.
En région, le dynamisme observé l’an passé s’est confirmé au premier trimestre 2022, avec des volumes investis en bureaux quasi stables par rapport à la même période en 2020 et 2021. L’activité a été particulièrement soutenue à Lyon avec près de 300 millions d’euros investis, dont un peu plus de 150 millions pour la seule acquisition par Atream et Principal Global Investors des 28 000 m2 de l’immeuble Urban Garden. D’autres grandes transactions sont attendues ces prochains mois à Lyon et dans quelques autres grandes métropoles, comme Marseille, confirmant la montée en puissance des principaux marchés régionaux et l’intérêt d’un nombre croissant d’investisseurs français et internationaux.
Commerces : retour sur le devant de la scène
En 2021, l’immobilier de commerces avait quasiment disparu des radars au premier trimestre, avec à peine 200 millions d’euros investis. L’activité avait ensuite gagné en vigueur, permettant aux commerces de terminer l’année sur une note plus positive. « Le regain de forme des commerces s’est largement confirmé au premier trimestre 2022, avec 1,2 milliard d’euros investis dans l’Hexagone, soit 26 % des sommes engagées sur le marché immobilier français et un volume au plus haut sur un premier trimestre », annonce David Bourla.
Certes, le marché a bénéficié d’un effet de rattrapage, plusieurs transactions actées au début de 2022 ayant été initiées il y a plusieurs mois. Néanmoins, « les reports et l’allongement des durées de négociation liés à la crise sanitaire ne peuvent expliquer à eux seuls la progression des investissements en commerces. Si le choc du premier confinement et les mois de restrictions l’ont sérieusement ébranlée, cette classe d’actifs a malgré tout démontré sa solidité et est en train de se réinventer, offrant de réelles opportunités aux investisseurs », affirme David Bourla.
La palme revient aux centres commerciaux qui concentrent près de la moitié des sommes investies sur le marché français des commerces au premier trimestre 2022. Les volumes représentés par les actifs de pied d’immeuble sont néanmoins assez limités en raison du nombre restreint de transactions significatives sur les artères prime parisiennes : seules deux ont été actées au premier trimestre 2022. Enfin, deux des classes d’actifs ayant le mieux résisté à la crise sanitaire ont rassemblé des volumes moins importants mais tout de même significatifs : l’alimentaire d’une part, et la périphérie d’autre part, avec quelques ventes de portefeuilles.
2022 s’annonce donc comme une bonne année pour les commerces, même si la forte hausse de l’inflation et la dégradation de l’opinion des ménages font peser des risques importants sur la consommation. Le pipeline d’opérations en cours est assez fourni et comprend notamment plusieurs portefeuilles importants. Quelques actifs unitaires de grande taille sont également mis en vente, sur le marché des parcs d’activités commerciales comme sur celui des centres commerciaux, ce qui devrait gonfler les volumes lors des trois prochains trimestres.
Industriel : bis repetita
Après une année 2021 exceptionnelle, le dynamisme du marché de l’immobilier industriel ne s’est pas démenti au premier trimestre 2022. Plus d’1,2 milliard d’euros ont ainsi été investis sur la période, soit une hausse de 16 % par rapport au premier trimestre 2021 et de 108 % par rapport à la moyenne décennale. La logistique joue toujours un rôle moteur, concentrant 73 % des volumes investis sur le marché de l’immobilier industriel. Face au manque d’offres, et alors que beaucoup de capitaux internationaux sont prêts à être déployés, l’appétit pour les Vefa reste également important. « Depuis quelques années, l’immobilier industriel est entré dans une autre dimension, qu’il s’agisse de grands entrepôts, de locaux d’activités ou de data centers, le boom du e-commerce accroissant les besoins de stockage et de distribution liés à la livraison du dernier kilomètre et au big data dans un contexte de raréfaction de l’offre. Cette configuration de marché alimente l’appétit des investisseurs et continue de faire pression sur les taux de rendement prime, compris entre 3,00 et 3,25 % pour les meilleurs actifs logistiques, soit un écart réduit de vingt-cinq à cinquante points de base avec les plus beaux bureaux et commerces parisiens », analyse David Bourla.
Quelles perspectives pour les mois à venir ?
S’ajoutant aux incertitudes liées à la crise sanitaire, le conflit russo-ukrainien a d’ores et déjà fortement accentué la prudence des investisseurs, ce qui pourrait encore différer la reprise des investissements, mais aussi freiner l’élan du marché locatif en pesant sur la demande des utilisateurs les plus exposés au ralentissement de l’économie et à la hausse des prix. Les investisseurs étrangers représentent 46 % des volumes investis depuis le début de 2022, dont une part élevée de 71 % sur les seules transactions de plus de 100 millions d’euros.
Le regain de vigueur des commerces est un autre signe encourageant, alors que cette classe d’actifs avait été largement malmenée ces dernières années. Enfin, la demande reste très forte pour la logistique, tandis que la montée en puissance des métropoles régionales se confirme, dessinant un marché plus équilibré qu’avant la crise sanitaire.
« Deux ans après le déclenchement de l’épidémie de Covid-19, le conflit russo-ukrainien devrait lui aussi contribuer à remodeler le visage du marché immobilier français. L’évolution de l’inflation et des taux d’intérêt jouera un rôle majeur, de même que la déstabilisation des chaînes d’approvisionnement. Ainsi, la pénurie de matières premières, déjà constatée pendant la pandémie et amplifiée par la guerre, aura nécessairement des conséquences sur les coûts et délais de construction », conclut David Bourla.
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