Quel avenir pour les cryptomonnaies ?
Par Fabrice Heuvrard, expert-comptable et commissaire aux comptes
Alors qu’elles ont fait la Une de tous les journaux il y a quelques mois, en particulier le Bitcoin, les cryptomonnaies représentent une alternative aux financements traditionnels encore incertaine, notamment en raison de l’absence de cadre réglementaire.
Avec une valorisation à plusieurs centaines de milliards de dollars, les cryptomonnaies ont réussi à se trouver une place, à tort ou à raison, dans le paysage médiatique. Cependant, il reste encore du chemin pour s’introduire en profondeur dans le monde financier classique, hostile par nature à toute innovation à même de la supplanter.
Les ICO, un potentiel de disruption du capital-venture
De manière synthétique, les ICO disposent de la capacité à remplacer les investisseurs en capital dans leur rôle d’accompagnateur de start-up dans la phase d’amorçage et de développement.
Les ICO présentent deux avantages majeurs :
- des montants significatifs, bien au-delà de la centaine de milliers d’euros, obtenu par les systèmes de financement classiques ;
- une levée de fonds qui ne connaît pas de frontière. Dans le monde des crypto-actifs, la libre-circulation des capitaux n’est pas qu’une simple théorie économique.
Cependant, les ICO pâtissent de la jeunesse d’une réglementation (lenteur de la mise en place d’un KYC [Know your Costumer, la connaissance client, ndlr] digne de ce nom), contrainte de réguler maladroitement ce phénomène pour protéger Madame Michu, qui ne dispose pas des compétences pour étudier la viabilité d’un projet et être à l’abri d’escrocs.
Les crypto-actifs à l’ombre de la technologie de blockchain
Bien que la technologie de la Blockchain constitue une des briques indispensables qui a contribué à développer les crypto-actifs, leurs détracteurs vantent régulièrement ses avantages disruptifs dans la technologie de Blockchain au détriment de leur potentiel disruptif comme moyens de paiement/d’échange dans le cadre de transaction de pair à pair.
Les acteurs du développement de l’Internet des objets (IoT), qui auront massivement recours à la technologie de la Blockchain, utiliseront probablement un crypto-actif pour comptabiliser les échanges entre utilisateurs (humains ou robots).
Par conséquent, si les crypto-actifs ne s’émancipent pas de leur parent – la technologie de Blockchain – leur avenir n’est pas assuré à long terme.
La réglementation : une obligation pour un développement serein et pérenne
Les crypto-actifs et la technologie de la Blockchain ont su acquérir une notoriété significative dans un intervalle de temps faible. Comme toute innovation majeure en son temps, il est nécessaire de la confronter à la réglementation locale en vigueur (par exemple, le développement du transport automobile à la fin du XIXe siècle, puis le développement du transport aérien à partir des années trente).
Les crypto-actifs sont un phénomène planétaire. A ce titre, on note l’absence de réglementation supranationale, à l’instar du droit maritime international. Dès lors, pour nous Européens, il convient de « descendre » au niveau du droit communautaire. Or, à ce jour, on note l’absence de réglementation uniforme et adaptée au niveau de l’Union. A ce stade, nous devons nous référer à notre réglementation nationale française. A ce dernier niveau, on note quelques timides initiatives du législateur français.
Cette absence de cadre clair nuit profondément à l’écosystème dans son intégralité. D’un côté, les investisseurs perçoivent les dangers d’investir en dehors d’un cadre réglementé. D’un autre côté, les bénéficiaires de ces investissements (dans notre cas, les émetteurs d’ICO) ont besoin de fonds significatifs pour mener à bien leurs projets et le cadre du financement « traditionnel » n’est pas adapté.
La fiscalité et la comptabilité : avantages et inconvénients du système français
Le développement des crypto-actifs et de leurs dérivés (ICO, ETF, etc.) sera étroitement lié à leur traitement fiscal et comptable. Si les réglementations nationales ne s’accordent pas, alors nous risquons de voir s’exacerber la concurrence entre les différents pays pour attirer les émetteurs d’ICO et surtout bénéficier des fonds qui auront préalablement fait l’objet d’une conversion en monnaie-fiat. La comptabilité et la fiscalité française sont étroitement liées, de l’une (la comptabilité) va dépendre la base de l’autre (la base taxable). Les règles comptables actuelles ne sont pas adaptées pour comptabiliser correctement les opérations liées aux crypto-actifs et aux ICO. En effet, elles conduisent à comptabiliser éventuellement un produit lors de l’émission de l’ICO, et à l’assujettir à la TVA (faute d’avoir une exonération ad hoc). En synthèse, l’avenir des crypto-actifs est pluriel, à l’image du nombre de crypto-actifs existants à ce jour. Entre réglementation et financement dynamique des innovations technologiques, les crypto-actifs doivent encore faire leur chemin et démontrer toute leur(s) capacité(s).
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