L’expert immobilier, l’allié des CGP
Par Catherine Dargent, fondatrice et dirigeante de Daxter
L’interprofessionnalité est aujourd’hui sur toutes les lèvres, les compétences des conseils en gestion de patrimoine, des avocats, des notaires et des experts-comptables étant appelées à se conjuguer pour apporter le meilleur service possible au client. Et quid de l’expert immobilier ? Professionnel méconnu, son savoir-faire est pourtant indispensable, il sécurise et apporte une vraie valeur ajoutée aux conseils dans des domaines très variés.
Tout d’abord, qu’est-ce qu’un expert immobilier ? Il ne doit pas être confondu avec l’agent immobilier. Il ne donne pas d’avis qui ne soit étayé, et il n’a par ailleurs aucun intérêt personnel, il ne s’apprête notamment pas à vendre le bien qu’il évalue.
L’expert immobilier est un spécialiste de l’évaluation des divers droits dont les biens immobiliers sont les supports : valeur vénale en pleine propriété, valeur de droits démembrés, valeur de biens grevés de droits spécifiques, calculs viagers, indemnité d’éviction ou d’expropriation, valeur locative, indemnité d’occupation, etc.
Il intervient dans un contexte réglementaire, par exemple, pour l’évaluation périodique du patrimoine des compagnies d’assurance, des sociétés foncières, les SCPI et OPCI. Mais il intervient également dans tous les domaines de la vie d’un patrimoine immobilier : investissements, arbitrages, réflexion stratégique, financement, transmission, redressements fiscaux, réflexion sur l’immobilier d’exploitation, contentieux.
Il s’agit d’une profession non réglementée, mais tout à fait organisée, tant au niveau international que national. Au niveau international, on retrouve l’International Valuation Standard, standard commun avec les professions du chiffre, le Red Book de la RICS, organisation internationale regroupant les professions immobilières et accréditant les experts immobiliers sous le label RV, et le Blue Book de TEGoVA, organisation européenne d’associations accréditant également les experts immobiliers sous le label REV.
Au niveau national, ce sont quinze organisations professionnelles qui se sont rassemblées sous l’égide du Comité de la charte de l’expertise en évaluation immobilière pour mettre à jour régulièrement la Charte du même nom qui constitue l’ouvrage de référence des experts immobiliers depuis les années 1990.
Ces organisations sont de profils divers, émanations d’organisations internationales, issues d’organisations à l’origine spécialisées dans un autre métier, réglementé ou non, ou encore issues du monde judiciaire.
La Charte de l’expertise en évaluation immobilière comprend à la fois les conditions générales d’exercice, les règles déontologiques et les méthodologies d’évaluation que l’expert immobilier est tenu de respecter. Elle a également intégré progressivement toutes les évolutions réglementaires, comme la directive AIFM, les lois Alur et Pinel, la directive sur le crédit immobilier résidentiel, et enfin la loi Elan.
En résumé, l’expert immobilier est un professionnel indépendant qui répond à des règles strictes méthodologiques et déontologiques et qui est assuré spécifiquement. Ses études sont le fruit d’un travail approfondi d’analyses juridique, économique, urbanistique et technique. Il apporte ainsi des éléments fiables et indispensables qui permettent aux CGP, avocats, notaires et experts-comptables de compléter leurs propres analyses sans en porter la responsabilité.
L’expertise immobilière : un outil adaptable et sécurisé
Le CGP trouvera un intérêt à faire appel à l’expert immobilier dans une multitude de cas, mais à chaque fois dans l’objectif d’optimiser son conseil auprès de son client.
On retiendra, en ce sens, quatre motivations fortes : renforcer son analyse préalable, élaborer une stratégie patrimoniale, mettre en œuvre cette stratégie et accompagner son client dans une problématique contentieuse.
Renforcer son analyse préalable
Avant même de prodiguer le moindre conseil à son client, tout CGP va commencer par effectuer un audit préalable de son patrimoine, c’est-à-dire de ses actifs immobiliers, mobiliers et financiers.
S’agissant des actifs immobiliers, s’ils ont une certaine importance, il est essentiel de bien connaître la valeur des biens concernés, mais aussi de comprendre comment est constituée cette valeur et s’il existe un potentiel à mettre en œuvre. En effet, la valeur d’un bien immobilier, c’est beaucoup plus qu’une simple multiplication prix par mètre carré, et l’évaluation déterminée par un rapport établi par un expert immobilier indépendant et responsable de son évaluation, offrira au CGP une garantie de fiabilité supplémentaire auprès de son client.
L’évaluation de l’expert immobilier prendra en compte une multitude de paramètres (le foncier, la constructibilité, le bâti, l’usage actuel, l’usage futur éventuel, le loyer acquitté, le loyer potentiel, les travaux et les mises aux normes à prévoir, etc.) et permettra, c’est souvent le cas, de mettre en perspective des hypothèses de valorisation, qui n’auraient pas été détectées autrement que par une étude approfondie des caractéristiques du bien et de ses potentialités futures par un professionnel averti.
Elaborer une stratégie patrimoniale
Un patrimoine immobilier peut être constitué soit d’actifs de typologie identique ou peu diversifiés (commerces, appartements, etc.), soit d’actifs très diversifiés.
Ayant en main l’évaluation des biens immobiliers concernés, le CGP pourra constituer une cartographie de ces actifs, et mettre en place une stratégie immobilière. Pour optimiser cette étape, il pourra également s’appuyer sur les conseils et évaluations de l’expert immobilier.
En effet, la réflexion stratégique peut s’orienter vers plusieurs directions, dont on trouvera ci-après les plus fréquentes :
- rechercher un équilibre entre actifs financiers et actifs immobiliers, ce qui va entraîner l’arbitrage de certains actifs immobiliers, ou au contraire la recherche de nouvelles acquisitions ;
- en cas d’arbitrage, décider de vendre en bloc ou par lots séparés, vendre libre ou vendre occupé ;
- organiser la transmission successorale de son patrimoine immobilier ;
- valoriser tel ou tel bien en définissant un programme de travaux ;
- optimiser le rendement locatif de locaux commerciaux (évincer un locataire ou lui renouveler son bail) ;
- optimiser la détention et la gestion de l’immobilier d’exploitation de son client chef d’entreprise ;
- renforcer les liquidités du client en obtenant un refinancement de tel ou tel immeuble. Ces grandes questions nécessitent chaque fois une réponse appropriée qui va s’inscrire dans une stratégie globale de la gestion du patrimoine immobilier du client, mais qui doit, pour être argumentée, s’appuyer sur les évaluations et simulations auxquels les professionnels spécialisés que sont les experts immobiliers, peuvent apporter une garantie de fiabilité et un accompagnement dans la réflexion.
Mettre en œuvre la stratégie
Pour mettre en œuvre la stratégie retenue, le CGP sera d’autant plus efficace et d’autant plus entendu, qu’il pourra argumenter des rapports d’évaluation établis >>> >>> par l’expert immobilier, défendables devant toutes les instances pouvant être concernées par la problématique du client (investisseurs, promoteurs, banques, experts-comptables, notaires, centre des impôts, tribunaux, etc.).
On citera à titre d’exemple :
- pour décider d’un arbitrage éventuel, le rapport d’évaluation d’un immeuble locatif, prenant en compte, sur le long terme, les loyers, la vacance locative, les travaux de rénovation, les charges et travaux d’entretien, les loyers prévisionnels futurs, les honoraires, etc., déterminant une valeur vénale selon la méthode des Discounted Cash Flows ;
- pour obtenir un refinancement aux meilleures conditions auprès d’un établissement financier, un rapport d’expertise concernant un immeuble locatif, déterminant la valeur vénale de marché, en l’état actuel, et en tenant compte de ses potentialités futures ;
- pour négocier avec les promoteurs immobiliers, un rapport d’expertise établissant la valeur du foncier selon la méthode dite du bilan promoteur, après avoir défini une constructibilité et analysé les potentialités du marché et les sensibilités politiques locales ;
- pour choisir d’évincer un locataire commercial en fin de bail plutôt que de lui offrir le renouvellement, le rapport établi par l’expert immobilier sera déterminant pour le calcul du montant prévisionnel de l’indemnité d’éviction et celui de la valeur locative de renouvellement. Dans cette hypothèse, il sera fortement conseillé de faire appel à un expert agréé par les tribunaux, et ce, avant d’avoir lancé la procédure.
Accompagner son client dans une problématique contentieuse
L’expert immobilier pourra enfin accompagner le CGP dans le traitement des sujets « contentieux » auquel son client peut devoir faire face, et ils sont nombreux ! Par exemple, dans l’hypothèse où le client du CGP recevrait une proposition de rectification faisant suite à un partage familial, à une succession ou encore à une déclaration fiscale, l’expert immobilier pourra préparer un dossier complet. Ce dossier comprendra la mise en évidence des caractéristiques du bien en question et des sujets pouvant prêter à discussion, l’analyse critique des termes de références proposés par l’administration, ou encore la constitution d’un panel de références contradictoires. Il constituera ainsi un argumentaire de poids permettant au CGP de défendre utilement son client devant l’administration et de négocier un terrain d’entente.
Par ailleurs, dans le cadre de grandes opérations d’urbanisme, notamment celles du Grand Paris, de plus en plus de gens sont confrontés au sujet de l’expropriation, que celle-ci concerne un patrimoine personnel ou professionnel. Il s’agira là de défendre la valeur des actifs vis-à-vis de la proposition d’indemnité exprimée par l’aménageur ou les pouvoirs publics.
L’expert immobilier, un véritable allié pour une prestation optimale du CGP
Les compétences de l’expert peuvent et doivent apporter un complément significatif aux compétences du CGP. Encore faut-il que celui-ci ait le réflexe de faire appel à l’expert immobilier. Pour ce faire, il est important que l’étendue des compétences de l’expert immobilier soit mieux connue du CGP.
C’est pourtant déjà le cas de nombreux conseils (experts-comptables, notaires, avocats), de tous les professionnels de l’immobilier ou de tout chef d’entreprise confronté à une problématique immobilière.
En effet, ces conseils spécialisés font appel de façon récurrente à des experts immobiliers, pour toutes sortes de missions pour le compte de leurs clients : valoriser un patrimoine, auditer en amont une opportunité d’acquisition, déterminer le prix de mise en vente d’un actif, évaluer amiablement une indemnité, restructurer la détention et la gestion d’un immobilier d’exploitation, etc. Ils ont besoin de s’appuyer sur des rapports d’évaluation établis par un expert immobilier, qui garantira son évaluation et engagera sa responsabilité. C’est devenu pour eux un réflexe, et un support indispensable à la qualité et à l’efficacité de la prestation qu’ils servent auprès de leurs clients. L’immobilier n’est jamais figé. Il n’y a pas que la situation personnelle, familiale et sociale du client du CGP qui évolue. Les règlements changent, l’environnement économique et financier est en perpétuel mouvement, les marchés fluctuent dans le temps et différemment selon les typologies d’actifs : l’immobilier est aussi une matière en constante évolution.
Dans ce monde complexe et incertain, les compétences des CGP doivent constituer un indispensable guide pour optimiser la gestion du patrimoine de leurs clients, et ceux qui sauront opportunément s’associer et s’approprier les compétences d’un expert immobilier, vont indiscutablement valoriser leurs performances auprès de leurs clients et, c’est évident, conforter leur fidélité.
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