Etats-Unis : à la recherche de l’inflation perdue
Par Béatrice Philippe, président de Fourpoints IM
Avec un taux de 1,3 % en moyenne sur les trois premiers trimestres 2014, l’inflation américaine reste en dessous de l’objectif à long terme de la Fed (2 %).Alors que le marché de l’emploi reprend fortement et que l’économie s’améliore, les taux d’intérêt à MLT des US Treasuries ont continué de baisser. Dans un contexte mondial plus contrasté, avec une Europe ouvrant à son tour largement les vannes, quel peut être le scénario américain en 2015 ?
L’économie américaine est en forte croissance. De notre point de vue, le marché du travail aux États-Unis se resserre rapidement : le coût du travail pourrait devenir une préoccupation pour le Federal Open Market Committee (FOMC).
Les Américains retournent au travail…
En 2014, le taux mensuel des créations d’emplois a progressé de 260 000 par mois, contre un peu moins de 200 000 entre 2011 et 2013.
Changeons de perspective : les demandes initiales d’allocations chômage en pourcentage du nombre total d’emplois sont presque aussi basses qu’elles l’étaient au cours des vingt dernières années!
Les Américains retournent au travail, les salaires devraient commencer à augmenter, les dépenses devraient s’accroître, l’activité immobilière s’améliorer, et l’économie américaine pourrait même dépasser son taux de croissance moyen historique de 3,4 %.
Une inflation contenue sous son objectif long terme
En dépit de cette amélioration, les taux d’intérêt à moyen et long terme des US Treasuries ont continué à diminuer. Le Federal Open Market Comitee (FOMC) maintient le taux des Fed Funds proche de zéro (sur la partie courte de la courbe des taux) depuis décembre 2008. Alors que le marché du travail semble se normaliser, pourquoi le taux des Fed Funds est-il encore à un niveau qui implique un marché du travail en détresse? Rappelons que l’objectif de la politique monétaire de la Fed est d’atteindre un niveau d’inflation à long terme de 2 %.
Les dépenses de consommation personnelle (PCE) sont restées inférieures au taux cible de la Fed en 2013 et en 2014.
Cette moindre inflation s’explique par un double effet : baisse du coût de l’énergie et des dépenses de santé. L’écart de 0,7 % entre le taux d’inflation de 1,3 % en 2014 (moyenne des trois premiers trimestres 2014) et la moyenne de 2,0 % à long terme, pourrait être attribué, à 79 %, à la croissance des prix des produits énergétiques (combustibles de véhicules automobiles, les lubrifiants et fluides) ainsi que ceux des services de soins de santé (services ambulatoires, les hôpitaux et maisons de soins infirmiers) inférieurs à la moyenne.
En excluant ces deux composants, l’inflation du PCE semble être sur la bonne voie pour combler le modeste écart entre le taux actuel de l’inflation et celui ciblé par la FED. Comme moins de dollars sont dépensés sur des produits énergétiques et les soins de santé, le consommateur américain pourra dépenser plus sur d’autres produits de consommation courante, entrainant ainsi une hausse plus rapide des prix, ce qui aura un effet inflationniste accentué par le resserrement du marché du travail. En conséquence, malgré le ralentissement de la progression des prix des produits énergétiques et des services médicaux, l’inflation globale aux Etats-Unis pourrait se rapprocher plus rapidement de l’objectif de la Fed que celle actuellement anticipée par les taux d’intérêt à moyen et long terme. Si le prix du pétrole rebondit en 2015, entraînant un regain d’inflation, le processus de hausse des taux américains va s’accélérer. La force du dollar américain compense ce risque. En théorie, un dollar plus fort devrait réduire le coût des marchandises importées et accroître la demande pour les marchandises étrangères.
Et l’Europe ?
La Banque centrale européenne (BCE) vise à maintenir l’inflation des prix à la consommation à un niveau inférieur, mais proche de 2 % sur le moyen terme. Nous observons que l’IPCH – l’indice harmonisé des prix à la consommation (IPCH), établi par Eurostat – dans les principales économies européennes, a augmenté à un taux décroissant pour les nations européennes en 2013, ainsi qu’en 2014, mais a augmenté à un taux croissant aux Etats-Unis en 2014. Dans un environnement de faible inflation, un taux des Fed Funds inférieur à la normale pourrait peut-être se justifier. Cependant avec le renforcement du marché du travail américain, un taux des Fed Funds proche de zéro pose un risque inflationniste significatif. Si le marché du travail venait à se renforcer davantage, le FOMC pourrait commencer le processus de normalisation du taux des Fed Funds en milieu d’année.
Une courbe des taux à surveiller
A l’heure actuelle, la courbe des taux est moins fortement inclinée que nous pourrions le penser, étant donnée la force de l’économie américaine. Si le FOMC démarre un processus de normalisation du taux des Fed funds, nous nous attendons à une augmentation du taux d’intérêt à plus long terme reflétant une hausse de la demande de monnaie et, éventuellement, une prime d’inflation plus élevée. Si, toutefois, les taux d’intérêts restent influencés par le programme de Quantitatif Easing de la BCE et des taux d’intérêt plus faibles en Europe, la courbe des taux des Etats-Unis pourrait continuer à s’aplatir. Or un aplatissement de la courbe des taux pourrait devenir un problème à la fois pour l’économie américaine mais aussi pour le marché boursier. La courbe des US Treasuries a, essentiellement, évolué pour devenir un baromètre mesurant deux grandes pressions: la déflation européenne et l’inflation américaine. En 2014, le marché boursier a évolué en prenant en compte la première pression. Nous espérons qu’en 2015, le marché mettra l’accent sur la seconde.
Un environnement favorable en 2015
Notre opinion est donc que l’environnement économique des Etats-Unis repose sur une croissance visible, une inflation modérée et des taux d’intérêt bas dans la première moitié de 2015, et probablement au-delà de cette période. Les points d’inflexion récents des indicateurs monétaires valident cette analyse. Tant le multiplicateur de base monétaire (la quantité d’argent que les banques créent pour chaque dollar de réserves) que la vélocité de la monnaie (le nombre de fois qu’un dollar est dépensé pour acheter des biens et services) se sont retournés récemment, suggérant un environnement favorable pour les prêts et les dépenses.
Cet environnement bénéficiera plus particulièrement aux secteurs économiquement sensibles, tels que la finance, l’immobilier, la consommation discrétionnaire, l’industrie et l’énergie.
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