Devoir de conseil, frais précomptés au menu du médiateur de l'assurance
La Médiation de l’assurance, présidée par Philippe Baillot, a publié son rapport annuel. Le nombre de saisine est en progression constante. L’assurance de personnes concentre moins de 50% de l’activité de la médiation et a trait à des litiges portant notamment sur le devoir de conseil et la réclamation des capitaux.
Les chiffres
Le nombre de saisines croît chaque année avec 16 151 demandes de médiation, soit une progression de plus 9 % par rapport à 2016, et de plus 67 % par rapport à 2015, année de création de la Médiation de l’assurance. L’assurance de personnes représente 41% des saisines du médiateur. Les litiges liés aux contrats d’assurance-vie représentent 23 % des litiges en assurance de personnes, juste devant les contrats emprunteurs (consommation et immobilier). Les litiges relatifs aux assurances de dépendance et garantie des accidents de la vie ont marqué une croissance par rapport à l’année dernière, à surveiller pour prévenir toute dérive. La position des assureurs est confortée dans 76 % des cas, et plus de 99 % des préconisations et avis sont suivis par les parties.
Devoir de conseil
« La durée des contrats d’assurance implique un suivi régulier de la situation personnelle, familiale, patrimoniale, voire matrimoniale de l’assuré. Cet accompagnement est même au cœur de la valeur ajoutée de l’assurance et justifie seul d’une rémunération pérenne des intermédiaires. Toutefois, cette dimension est encore insuffisamment appréhendée par les assurés. Là encore, leur information pourrait être utilement renforcée afin de transformer le contrat d’assurance d’un pensum initial, trop vite oublié, en véritable seconde peau protectrice », souligne le médiateur, même si cette remarque concerne principalement l’assurance IARD.
Les réclamations relatives au devoir de conseil sont récurrentes. Toutefois, le médiateur remarque que ces litiges devraient se raréfier avec le renforcement de la réglementation relative à la formalisation du devoir de conseil. Il illustre notamment son rapport par la souscription de trois contrats d’assurance-vie à frais précomptés. Le médiateur a conclu, à défaut de toute preuve contraire, que le conseil fourni relatif à la souscription de ces contrats n’était pas pertinent et a demandé à la société de courtage de procéder au remboursement des frais précomptés, prélevés sur les deux contrats les plus récents, au profit du souscripteur.
Réclamation des capitaux
La médiation est notamment saisie de réclamations concernant l’application de la loi Eckert sur les contrats d’assurance-vie en déshérence. Des réclamations qui portent sur le délai mis par l’assureur pour informer les bénéficiaires, mais également sur les délais de demande de pièces complémentaires.
Elle est régulièrement saisie de cas dans lesquels le décès de l’assuré est antérieur à l’entrée en vigueur de la loi Eckert, et où l’assureur n’a pris contact avec les bénéficiaires que tardivement, et du fait de ses nouvelles obligations. Les réclamants s’étonnent alors du délai écoulé entre la date de survenance du décès de l’assuré et la date de leur information de leur qualité de bénéficiaire. Si la médiation est saisie d’une réclamation portant sur le délai écoulé entre la connaissance du décès du souscripteur par l’assureur, postérieurement au 17 décembre 2007, et l’information des bénéficiaires de leur qualité, le médiateur s’assurera que des recherches ont été initiées. En fonction et au regard des éléments communiqués, il appréciera s’il y a lieu de solliciter le versement d’intérêts de retard. Si le décès du souscripteur est survenu antérieurement à l’entrée en vigueur de la loi du 17 décembre 2007, aucune obligation légale expresse de recherche ne pesait alors sur l’assureur. Toutefois, le médiateur rappelle l’existence d’un principe général d’exécution de bonne foi des conventions. L’objet du contrat d’assurance-vie étant, notamment, la transmission d’un capital en cas de décès, l’assureur informé de la disparition de l’assuré, ainsi que de l’identité et des coordonnées des bénéficiaires, se doit de procéder au versement du capital.
Enfin, il arrive que l’assureur aille bien au-delà des quinze jours pour solliciter les pièces nécessaires au versement. Le médiateur souligne le fait que l’article L.132-23-1 du Code des assurances n’assortit le manquement au délai de quinze jours d’aucune sanction. Dans une telle hypothèse, il apprécie le délai pris par l’assureur pour solliciter les pièces manquantes et si ce dernier apparaît excessif, il réclame au professionnel, au titre de l’équité, le versement d’une somme équivalente à des intérêts de retard.
Par ailleurs, ce dispositif, communément admis pour les contrats non réglés à la suite du décès de l’assuré, vaut également pour ceux arrivés à terme. La médiation est régulièrement saisie par des réclamants qui ont oublié l’existence de leur contrat retraite ou qui indiquent ne jamais en avoir eu connaissance. Cette problématique est particulièrement présente en matière d’assurance collective à adhésion obligatoire, lorsque le contrat est souscrit par un employeur, au profit de ses salariés. Le rapport souligne que cette problématique devrait s’estomper dans la mesure où le nouvel article L.132-9-5 du Codedes assurances prévoit, en effet, l’obligation pour l’assureur d’informer annuellement les assurés ayant dépassé la date légale de liquidation de leur pension de vieillesse de la possibilité de liquider les prestations au titre de contrats retraite.
Il est également saisi au titre de la clause bénéficiaire d’un contrat d’assurance-vie souscrit par un majeur protégé et de contrat d’assurance-dépendance. Dans ce dernier cas, il s’agit de savoir à quelle date l’assureur doit sa garantie, au moment de la déclaration de la perte d’autonomie ou à la date de la perte effective de l’autonomie, réclamée par les enfants. Le médiateur souligne qu’il faut se référer aux dispositions contractuelles et donc à la date de la déclaration de perte d’autonomie. Toutefois, par équité, il peut inviter l’assureur à délivrer sa garantie, non pas à compter de la perte, mais à compter de la date à laquelle l’état de dépendance avait été jugé définitif, par son propre expert médical. Cette équité se justifie d’autant plus que la survenance de cette affection accroît sensiblement la probabilité pour l’assuré de ne plus avoir en mémoire l’existence de la garantie souscrite, et pour ses proches d’en ignorer l’existence.
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