Lourdement sanctionnés, H2O et ses dirigeants contestent la décision de l’AMF
Le 30 décembre dernier, la commission des sanctions de l’AMF a prononcé à l’encontre de la société H2O AM et de ses dirigeants, Bruno Crastes et Vincent Chailley (respectivement, directeur général et directeur des investissements à l’époque des faits), des sanctions pécuniaires de respectivement 75 millions d’euros, 15 millions d’euros et 3 millions d’euros, chacune assortie d’une sanction disciplinaire pour plusieurs manquements commis dans le cadre de la gestion de fonds français à l’occasion d’investissements dans des instruments financiers.
Lecollège de l’AMF avait notifié aux mis en cause des griefs en lien avec les investissements réalisés par H2O AM pour le compte de sept fonds de droit français (Adagio, Allegro, Moderato, Multibonds, Multiequities, Multistrategies et Vivace) dans des instruments financiers émis par des sociétés du groupe Tennor, soit directement, soit dans le cadre d’opérations consistant en un achat immédiat couplé à une vente à terme de titres, à une date et un prix convenus d’avance (opérations dites de buy & sell back).
La commission a retenu dans sa décision l’ensemble des griefs notifiés.
En ce qui concerne les acquisitions directes de titres, la commission a considéré que la société de gestion avait investi pour le compte de certains de ces OPCVM dans des titres financiers émis par des sociétés du groupe Tennor, alors que ceux-ci n’étaient pas éligibles à l’actif des fonds, pour trois raisons :
- le défaut de liquidité de ces instruments financiers compromettait la capacité des OPCVM à honorer les demandes de rachat des porteurs et H2O AM n’avait pas pris en compte de façon appropriée ce risque de liquidité au moment des investissements ;
- ces titres n’entraient pas dans le cadre de la politique d’investissement fixée par les prospectus des fonds à défaut d’être notés par une agence de notation ou d’être émis par un émetteur noté par une agence de notation ;
- la société de gestion ne disposait pas d’informations suffisantes pour valoriser ces instruments financiers de façon fiable.
La commission a également estimé que H2O AM n’avait pas respecté le ratio d’investissement dit « ratio d’emprise » applicable à ces OPCVM : certains d’entre eux ont détenu plus de 10 % de titres de créance émis par un même émetteur du groupe Tennor.
S’agissant des investissements réalisés dans le cadre d’opérations de buy & sell back, la commission des sanctions a considéré que H2O AM avait réalisé ces opérations ayant pour sous-jacents des titres financiers émis par des sociétés du groupe Tennor alors qu’elles n’étaient pas éligibles à l’actif des OPCVM à plusieurs titres. Elle a en particulier considéré que la société de gestion n’avait pas pris en compte de façon appropriée les risques qui empêchaient les fonds de dénouer ces opérations à leur valeur de marché, à leur initiative et à tout moment. Elle a également constaté que certaines de ces opérations n’étaient pas prises en compte pour le calcul de l’exposition maximale de 5 % au risque de contrepartie sur un même cocontractant
La Commission a retenu que ces manquements étaient imputables aux deux dirigeants.
Outre les sanctions pécuniaires précédemment énoncées, Bruno Crastes s’est également vu infligé une une interdiction d’exercer pendant une durée de 5 ans l’activité de gérant, directement ou par délégation, ou de dirigeant d’une des entités mentionnées aux 7°, 7 bis et 7° ter du II de l’article L. 621-9 du code monétaire et financier ; tandis que Vincent Chailley a quant à lui reçu un blâme.
La rapide réaction de H2O
Dès le 4 janvier, soit le lendemain de la parution du communiqué de presse l’AMF, H2O AM indiquait « contester vigoureusement » la décision et son intention de déposer un recours devant le conseil d’Etat. Elle a par ailleurs annoncé avoir adapté son organisation.
La société considère en effet les sanctions comme « démesurées et complètement inédites », « au regard d’un dossier portant sur trois griefs essentiellement techniques sur le non-respect des règles d’investissement, dont deux d’entre eux sont contestés par H2O AM ; en l’absence de toute erreur intentionnelle commise par H2O AM, Bruno Crastes et Vincent Chailley ».
Dans l’attente de la procédure à venir, H2O AM indique que :
- le fonds H2O MultiBonds géré par Bruno Crastes est désormais placé sous la coresponsabilité de Thomas Delabre et Philippine Watteaux ; tandis que Bruno Crastes reste au sein de la société en tant que Directeur de la stratégie « corporate » et marchés ;
- Loïc Guilloux, jusqu’ici Co-CEO du Groupe, est nommé CEO d’H2O AM ;
La société précise par ailleurs qu’elle a renforcé ses organes de gouvernance avec notamment la constitution d’un Conseil de Surveillance composé majoritairement de membres indépendants.
La société indique également avoir constitué des réserves de près de 200 millions d’euros au bénéfice de ses clients investis dans des fonds cantonnés, « mais désormais réduites par l’amende décidée par l’AMF. Les sanctions financières n’auront pas d’incidence sur la conduite des activités de la société. » Elle rappelle aussi s’être déjà engagée à ne plus investir dans des titres privés.
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