La responsabilité civile du CIF ne peut être engagée en l'absence de préjudice (Expertise Fidroit)
Seul un préjudice subi par l’investisseur permet d’engager la responsabilité du CIF (Cass. com. du 3 mai. 2018, n°16-16809). Le point avec Fidroit.
Ce qu'il faut retenir
En matière de responsabilité civile, un investisseur ne peut pas utiliser les manquements du conseiller pour être indemnisé, s’il ne subit pas de préjudice financier. Seul un préjudice avéré et chiffré peut justifier une action en responsabilité civile : une négligence ou une infraction règlementaire de son intermédiaire permet seulement de justifier, en cas échéant, la cause du préjudice.
Rappel : le prestataire de services d’investissements (PSI) est responsable devant l’ACPR et l’AMF de ses actions. Il a un devoir de connaissance de son client, de conseil et d’information de ce dernier. Les sanctions en cas d’inobservation de ces obligations ne sont pas civiles, mais règlementaires et éventuellement pénales…
Conséquences pratiques
Les conseils en investissements doivent être extrêmement vigilants en matière de connaissance du client. La sanction sera toujours règlementaire (voire pénale) même en l’absence de préjudice subi par l’investisseur, ou même si ce dernier est pleinement satisfait de son investissement. En revanche, la sanction peut s’aggraver si un préjudice est subit par l’investisseur. Ce dernier pourrait alors engager la responsabilité civile du prestataire en utilisant ce manquement pour étayer son argumentaire.
Avis Fidroit : une parfaite connaissance du client est nécessaire pour rendre un service d’investissement économiquement efficace et règlementairement juste. Un simple recueil d’information des données du client ne sera pas suffisant et vous devez être en mesure d'analyser ces données pour fournir un conseil adapté. De ce conseil découleront la proposition de produits d’investissements et votre devoir d’information du client.
Pour aller plus loin
Contexte
La réglementation sur les prestations de services d’investissements est de plus en plus abondante ; en cas d’infraction, les sanctions demeurent principalement pénales ou réglementaires. Les investisseurs peuvent-ils utiliser ces obligations réglementaires et légales à l’appui d’une action en responsabilité civile ? La réponse est non. : le manquement aux obligations réglementaires et légale ne constitue pas à lui seul un préjudice.
Faits et procédure
Deux investisseurs concluent un mandat de gestion profilé sur un portefeuille de titres démembré entre eux. Le profil choisi est « dynamique ».
Au décès de l’usufruitier, le nu-propriétaire devenu plein propriétaire reproche à la société de gestion un manquement à son devoir de conseil, d’information et d’évaluation de la situation financière du client, de son expérience en matière d’investissements et de ses objectifs.
La cour d’appel déclare prescrite l’action sur l’obligation d’évaluation de la situation du client. Le titulaire du portefeuille se pourvoit en cassation.
Arrêts
La Cour de cassation précise que « le seul manquement à l'obligation d'évaluer la situation financière du client, son expérience en matière d'investissement et ses objectifs ne peut, en lui-même, causer un préjudice et donc engager la responsabilité civile du prestataire de services d'investissements. Le moyen, qui suppose la réalisation d'un dommage résultant exclusivement de ce manquement, est inopérant.
Analyse
La Cour de cassation rappelle un principe en matière de responsabilité civile. Selon l'article 1240 du code civil : "Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer".
Le texte est clair, seul un préjudice peut permettre d’engager la responsabilité civile d’une personne physique ou morale. On ne peut donc se baser sur la cause éventuelle d’un dommage pour agir en responsabilité dès lors qu’il n’y a pas de préjudice avéré.
Seul un dommage défini et résultant du manquement peut permettre d’engager la responsabilité civile du prestataire de service d’investissement. Cette situation peut se présenter lorsqu’un prestataire de services d’investissements n’exécute pas l’ensemble de ses obligations. Les sanctions de telles inobservations sont pénales et réglementaires, mais ne sont pas nécessairement civiles, à défaut de préjudice.
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