Aerophile : de l’industrie du loisir à la GreenTech
Créée par deux polytechniciens et ingénieurs des Ponts, Jérôme Giacomoni et Matthieu Gobbi, la société Aerophile s’est d’abord amusée à envoyer les gens dans le ciel sur ces ballons captifs et Aerobars. Après avoir contribué à mesurer la qualité de l’air, la structure, accompagnée dans sa croissance par Entrepreneur Invest depuis dix ans, se positionne désormais comme un acteur permettant de dépolluer l’air.
Aerophile est une société créée dès l’issue de leurs études, en 1993, par Jérôme Giacomoni, président, et Matthieu Gobbi, directeur général, deux polytechniciens et ingénieurs des Ponts qui s’est tout d’abord développée sur la création de ballons captifs. Alors que le premier vol humain en montgolfière a été effectué au XVIIIe siècle, la technologie des ballons captifs a ensuite été déployée par les militaires, mais le savoir-faire a disparu avec la Première Guerre mondiale.
Une technologie relancée depuis trente ans par les deux associés qui conçoivent eux-mêmes leur appareil baptisé Aerophile et dont le premier a été lancé le 18 avril 1994 au château de Chantilly.
Rapidement, de nouveaux systèmes sont installés en Allemagne, en Australie et en Chine, à côté de Shanghai. Produit le plus populaire d’Aerophile (vingt-deux mètresde diamètre et trente-quatre mètres de haut), le grand ballon captif permet, avec sa vue à 360°, sans bruit ni secousse, d’embarquer jusqu’à trente passagers et de s’élever jusqu’à trois cents mètres d’altitude.
Des ballons captifs aux quatre coins du monde
Aujourd’hui, Aerophile est le leader mondial du ballon captif avec cent-vingt ballons vendus dans quarante pays, aussi bien dans des parcs d’attractions, des villes, des lieux touristiques ou des événements spéciaux permettant d’assurer une bonne visibilité, notamment à leurs sponsors. Par exemple, il est installé à Walt Disney World (Orlando, USA), Paris (Aeroparis), Disney France, au temple d’Angkor Vat (Cambodge), CocoBay (Bahamas), City of Irvine (Californie) ou encore San Diego Zoo Safari Park. Plus de quinze millions de passagers ont ainsi déjà volé sur un ballon captif conçu par Aerophile, dont plus de cinq cent mille chaque année sur l’un des sept exploités par la société.
Mesurer la qualité de l’air
Depuis 2013, le Ballon Generali (ou Aeroparis) installé par Aerophile dans le parc André-Citroën à Paris pour célébrer l’An 2000, est devenu, en partenariat avec le CNRS et Airparif, association chargée de la surveillance de la qualité de l’air en Ile-de-France, un laboratoire volant pour mesurer et réduire en temps réel les particules fines grâce à l’effet d’une lasure photocatalytique.
En effet, rapidement les deux ingénieurs constatent que l’enveloppe blanche du ballon amassait des particules fines de suie et de carbone. Les principaux polluants sont ainsi mesurés : dioxyde d’azote, monoxyde d’azote, ozone et particules fines. Grâce à ces données, le ballon indique depuis dix ans à la population parisienne l’état de l’air (de zéro à trois cents mètres d’altitude) sur son site Internet, ainsi que sur son enveloppe même, grâce à des ampoules Led qui changent de couleur selon le niveau de pollution.
Outre la mesure de la qualité de l’air, le Ballon Generali de Paris, à lui seul, dépollue autant de particules fines qu’une surface au sol de cent hectares par vent nul. Avec du vent, la surface équivalente est au minimum de 2,5 hectares. Gonflé à l’hélium et fonctionnant avec un treuil électrique, ce ballon ne consomme pas plus qu’un ascenseur, ne fait aucun bruit et les instruments installés à son bord sont alimentés grâce à des panneaux solaires. En Pologne, Cracovie s’est également équipée d’un ballon avec les mêmes propriétés.
Prendre un verre à trente-cinq mètres d’altitude
En 2013, la société élargissait ses activités et lançait son premier Aerobar, au Futuroscope. Ballon captif entouré d’une structure métallique autour de laquelle il coulisse, l’Aerobar est le premier bar aérien au monde. En deux minutes, ses seize passagers sont élevés dans le ciel, à trente-cinq mètres d’altitude, pour une expérience unique, les pieds dans le vide : un bar qui tourne sur lui-même et permet ainsi de contempler un panorama à 360° autour d’un rafraîchissement, accompagné d’un opérateur, l’« aerobarman ».
C’est à cette époque, plus précisément en 2012, qu’Entrepreneur Invest entre au capital : « Il nous fallait alors des capitaux pour mettre en place notre première concession avant que d’autres ne puissent voir le jour », se souvient Jérôme Giacomoni. Et tout comme pour les ballons captifs, ses activités dépassent largement nos frontières. Outre le parc Astérix en France notamment, l’Aerobar est également présent à Dubaï, à Tulum au Mexique ou encore à Las Vegas aux Etats-Unis.
« Ils nous sont apparus comme des “Géo Trouvetou”, toujours une innovation en tête, tout en restant des entrepreneurs opérant sur des marchés en croissance et ayant business model et rentabilité en ligne de mire, confie Anastasia Bizard, Investment Manager chez Entrepreneur Invest. Notre accompagnement n’est pas uniquement financier. L’ADN d’entrepreneur des fondateurs de notre société reste bien présent, et nous sensibilisons les dirigeants sur les forces structurelles de leur marché. Nous partageons les expériences que nous apporte notre présence au board de plus de soixante-dix entreprises de secteurs différents, en particulier les dimensions ESG et surtout la nécessité d’être rentable, ce qui est la clé du pouvoir pour continuer à décider, investir et innover. Car l’absence de rentabilité ne permet pas d’investir pour innover, en tout cas librement. »
Dans la lignée des Aerobars, la société Aerophile a aussi développé :
- l’Aerophare d’une hauteur et d’un volume comparables à la tour de Pise (cinquante-quatre mètres), il permet à douze passagers de s’envoler, toutes les cinq minutes, à la hauteur d’un immeuble de dix-sept étages. Il a été pensé pour être vu de tous à 360°, de jour comme de nuit. Ce ballon publicitaire géant permet de délivrer un message lisible jusqu’à 1,5 km ;
- et l’Aero30para à vocation militaire, permettant aux parachutistes de s’entraîner à sauter, avec deux versions : une fixe et l’autre mobile. Le premier ballon militaire a été mis en service en février 2009, au Yémen, et permet d’élever une vingtaine de parachutistes toutes les vingt minutes à trois cents mètres de hauteur.
En 2014, la structure créait son premier parc d’attractions, le parc du Petit Prince, en Alsace. Cette fois encore, Entrepreneur Invest participe au tour de table. « Cette opération a permis à la société de diversifier habilement ses activités », note Anastasia Bizard.
Dépolluer l’air
Enfin, depuis l’an passé, Aerophile propose un système de dépollution de l’air, le Para-PM. « Avec le ballon captif, nous nous sommes rendu compte d’un phénomène physique : la pollution s’accrochait au ballon via l’électricité statique. D’où notre idée de collecter l’air des particules fines. Loin de notre activité principale qu’est l’industrie du loisir, nous sommes également devenus une GreenTech », estime Jérôme Giacomoni.
Modulaire, le Para-PM à la technologie fondée sur un procédé d’ionisation et de filtration électrostatique breveté permet de dépolluer de très grands volumes d’air en capturant les particules fines, et surtout les plus petites (jusqu’à 95 %), afin de diffuser l’air purifié à proximité immédiate du public, le tout avec un minimum de dépenses énergétiques (280 W par module) et peu d’entretien. Un module Para-PM aspire, traite et rejette sous forme d’air pur 3 600 m3 par heure, soit l’équivalent en volume d’une piscine olympique et demi. Il peut être installé sur différents sites : centres urbains, métros, chantiers, parkings souterrains, écoles et crèches, hôpitaux, Ehpad, installations sportives, etc.
Plusieurs années de recherche et développement ont été nécessaires pour concevoir ce Para-PM, sorte de gros frigo capable de traiter 1 m3 d’air par seconde. Une première école dans le IXe arrondissement de Paris a été équipée. Résultat : l’air y est désormais inférieur au seuil préconisé par l’Organisation mondiale de la santé. Une station de métro lyonnaise va être également équipée de ce système.
Une déclinaison du Para-PM est également proposée : l’Aerophiltre, sorte de fontaine d’air pur pour les grands espaces publics ou privés, intérieurs ou extérieurs. Mesurant 5 m x 5 m, il traite 6 m3/s, soit l’équivalent de neuf piscines olympiques d’air pur par heure, et consomme peu d’énergie (1,8 kW). Cet Aerophiltre a été choisi dans le cadre de l’appel d’offres de la Solideo (société de livraison des ouvrages olympiques) pour l’aménagement de la place des athlètes à Paris-Saint Denis en 2024. « Le potentiel du marché de la dépollution de l’air est énorme car tout reste à faire, observe Jérôme Giacomoni. Tout le monde parle de qualité de l’air, mais personne ne dépense (encore) de l’argent même si les polémiques vont accentuer la prise de conscience. Ce marché est naissant. 2024 permettra peut-être de mettre en lumière notre offre, mais, aujourd’hui, nous avançons encore à tâtons, même si notre produit fonctionne et qu’il existe un marché. »
Tout comme pour ses autres activités, Aerophile devrait trouver de nombreux débouchés à l’international. Pendant qu’Entrepreneur Invest accompagne à nouveau Aerophile via une prise de participation réalisée l’an passé aux côtés de BPIfrance et NextStage, Anastasia Bizard reste convaincue : « La dépollution de l’air est un enjeu majeur et la solution est prometteuse ! Ici, ce n’est pas la phase de recherche et développement que nous finançons, mais la phase de commercialisation et l’industrialisation du modèle avec de nombreux appels d’offres en cours. Le momentum est très bon pour lancer cette solution et la diffuser à grande échelle. Nous accompagnons Aerophile dans sa croissance depuis plus de dix ans. Ses dirigeants ont toujours su créer des solutions porteuses de valeurs et aller chercher les leviers de croissance. L’innovation est au cœur de leur business, avec toujours la volonté d’atteindre la rentabilité et en y associant des valeurs extra-financières ».
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