Une récession inévitable en Europe ?
Par Alexandre Hezez, stratégiste chez Groupe Richelieu (achevé de rédiger le 22 décembre 2022)
Nous avons eu quelques signes contrecarrant les mauvaises nouvelles successives accumulées tout au long de l’année 2022 : l’inflation US a surpris à la baisse, le climat européen a été clément, les prix du gaz ont fortement baissé, la Russie s’est retirée militairement de Kherson… Les nouvelles de réouverture de la Chine se sont améliorées, et les relations sino-américaines se sont stabilisées.
L’économie mondiale est confrontée à la pire crise énergétique depuis les années 1970. Après s’être retrouvées à la traîne en 2021 face à la hausse des prix, les banques centrales des économies occidentales se sont rapidement transformées en combattantes de l’inflation. Le consensus macroéconomique est passé de la capacité des banques centrales à éviter un ralentissement total, comme elles l’avaient fait depuis dix ans, à l’opinion selon laquelle les banques centrales organiseront un atterrissage économique en douceur en 2023.
2023, une désinflation longue et laborieuse, mais une désinflation !
Pour Jerome Powell, l’erreur des années 1970 est d’avoir baissé les taux trop tôt suite à la récession qui a suivie. Le président de la Fed préférera une récession plus forte, car la maîtrise de l’inflation est le garant d’une croissance pérenne. A partir du deuxième trimestre 2023, nous pensons que la décélération de l’inflation, la pause dans les hausses de taux des banques centrales, la réaccélération de la Chine et l’atténuation des perturbations de la chaîne d’approvisionnement devraient toutes soutenir l’attrait pour le risque.
Nous prévoyons une croissance mondiale de seulement 2,4 % en 2023 (après 3,1 % en 2022), la résistance des Etats-Unis et de son consommateur contrastant avec une récession européenne marquée en début d’année et une réouverture chaotique en Chine. L’Asie sera le principal moteur de la croissance en 2023 et 2024, tandis qu’en Europe, en Amérique du Nord et en Amérique du Sud, les taux de croissance seront très faibles. La poursuite du resserrement monétaire est nécessaire pour lutter contre l’inflation, tandis que les mesures de soutien budgétaire devront être plus ciblées et temporaires.
La récession nous semble inévitable en Europe. Les perspectives d’approvisionnements énergétiques restent fragiles et ne permettront pas à l’activité de rebondir. Les revenus réels impacteront la consommation des ménages. La BCE est en retard sur sa normalisation et continuera d’augmenter ses taux d’intérêt jusqu’à ce que l’inflation revienne vers l’objectif à moyen terme. Nous prévoyons pour 2023 une récession de l’ordre de - 0,3 %.
Notre vision de la Chine à plus long terme reste prudente en raison du marché immobilier et du ralentissement de la croissance potentielle. Elle devrait connaître une croissance lente au premier semestre, la réouverture déclenchant initialement une augmentation des cas de Covid. Elle devrait toutefois s’accélérer fortement au second semestre. La croissance chinoise devrait rebondir en 2023 à 4,8 % et être mathématiquement le premier moteur de la croissance mondiale en 2023.
Notre scénario central sur les trois plus grandes économies reste évidemment dépendant de facteurs non seulement exogènes, mais aussi de l’inflation qui pose question. Plus l’inflation reste élevée dans le temps, plus le risque qu’elle s’enracine s’accroît. Il est donc, non seulement indispensable de la juguler, mais surtout de tout faire pour que les acteurs soient convaincus qu’elle va demeurer faible à long terme. Pour l’instant, le pari est gagné, mais l’équilibre reste précaire et Jerome Powell maintiendra la pression fermement et continuera de « persévérer jusqu’à ce que le travail soit terminé ».
Nous pensons que les banques centrales, en général, et la Fed, en particulier, ont raison d’agir ainsi pour préserver leur crédibilité, en essayant de faire baisser l’inflation suffisamment tôt pour que le public conserve sa foi en une inflation future faible et en une croissance pérenne. Dès que nous aurons des preuves notoires que les prix baissent, la Fed aura eu raison. Dans le cas contraire, les banques centrales devront aller encore plus loin et l’économie, et les actifs dans leur ensemble s’ajusteront encore.
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