S’endetter pour bien préparer sa retraite
Par Serge Harroch, président d'Euclide
Si nous essayons d’identifier les principes de base qui permettent de se constituer une bonne retraite complémentaire… la réponse est très simple :
1 : Il faut épargner le plus tôt et le plus possible pour qu’une fois à la retraite, nous ayons accumulé le « stock » patrimonial le plus important.
2 : Quand un investisseur, non héritier, démarre dans la vie, il ne possède que peu d’actifs patrimoniaux. Il lui faut donc recourir à de l’avance d’épargne afin de pouvoir se porter acquéreur au plus tôt, de biens. Ce recours à l’épargne à l’envers c’est le crédit. Le crédit permet d’entrer en patrimoine immédiatement, à un prix connu, un bien (immobilier en général) et de rembourser sur une durée la plus longue possible cette « avance d’épargne ». Plus la durée du financement sera longue moins cela va grever son taux d’endettement et par conséquent lui permettre de réitérer l’opération alors qu’il a encore la capacité d’emprunter.
3 : Travailler son effet de levier le plus tôt possible. En effet, nous subissons tous un facteur inexorable : le vieillissement. Chaque jour, nous entraîne dans un monde d’incertitudes où nous ne connaissons pas notre futur état de santé, notre situation financière ou l’évolution du marché de l’immobilier. Il est donc indispensable d’organiser correctement son endettement pour qu’il soit toujours maximal tant que nous pouvons encore emprunter… dans ses propres limites d’acceptabilité bien entendu ! (ici le taux théorique d’endettement n’est pas au cœur de la réflexion : ce qui importe est le reste à vivre acceptable pour l’investisseur).
4 : Savoir arbitrer pour pouvoir rebondir. L’immobilier est un actif comme un autre, il faut arriver dans un premier temps à se séparer de l’affect que nous lui portons pour le traiter de manière rationnelle. Et dans toute rationalité, les arbres ne montent pas jusqu’au ciel. Il faut donc savoir arbitrer son immobilier.
Cela est d’autant plus vrai qu’en parallèle de l’investissement, une caractéristique essentielle du crédit c’est l’érosion du pouvoir d’achat. Cette érosion est mécanique puisque nous remboursons la même somme tous les mois pour un capital restant du qui diminue. Donc, en milieu de prêt par exemple, nous avons un petit peu plus que la moitié de l’emprunt en capital restant dû pour une mensualité constante. Vendre le bien à cet instant (pour autant que cela soit intéressant compte tenu de sa plus-value éventuelle ou de l’opportunité d’achat) peut représenter une véritable opportunité de réinvestissement.
En effet, le produit net issu de la vente peut permettre une ou plusieurs nouvelles acquisitions pour des montants supérieurs.
C’est un exercice relativement complexe et par conséquent pas spontané, mais il permet une réelle capitalisation de ses acquis et donc la consolidation de son stock patrimonial.
Pas d'endettement sans épargne
Mais s’endetter pour bien préparer sa retraite, c’est aussi et surtout s’endetter en préservant son quotidien. Cela nous amène au cinquième principe : il ne peut y avoir d’endettement sans épargne.
En effet, même si le crédit n’est rien d’autre que de l’épargne à l’envers, il n’en reste pas moins que nous pouvons décider à tout moment d’interrompre un versement d’épargne volontaire, il est plus compliqué d’interrompre le remboursement de son crédit.
Cela signifie qu’il faut se préparer à s’endetter intelligemment. Pour cela, il faut d’abord dépenser moins que ce que nous gagnons. Il faut ensuite être capable de mettre de manière stable, de l’argent de côté.
Une fois que nous nous sommes constitués une « épargne de précaution », alors nous pouvons envisager un investissement patrimonial à crédit.
Lorsque le premier investissement est réalisé, il faut être en mesure de reprendre une épargne supplémentaire, pouvant servir d’apport ou pouvant être substitué à l’ « effort d’épargne » de l’opération (la différence entre le rendement et le coût si elle est négative). Et ainsi de suite…
Quid de la résidence principale ?
Reste l’épineuse question de l’achat de sa résidence principale.
Il y a somme toute, deux cas de figures :
Cas n°1 : l’investisseur n’a pas les ressources suffisantes pour se loger et investir en même temps. En conséquence, la seule façon qu’il ait d’épargner est de substituer le montant du loyer au remboursement d’un crédit. Nous rencontrons ce cas de figure, essentiellement en province et en grande banlieue, avec des revenus modestes et peu ou pas d’épargne.
Cas n°2 : l’investisseur détient de l’épargne, veux vivre en grande métropole et désire se constituer un patrimoine. Dans ce cas de figure, pour un nouveau propriétaire (pas forcément primo accédant puisqu’il peut avoir arbitré et vendu sa résidence principale récemment) il n’est pas judicieux de tout de suite se précipiter sur une nouvelle résidence principale.
En fonction de la métropole, accepter d’être locataire et investir le différentiel entre le coût d’un crédit et d’un loyer en investissement locatif (apport éventuel compris) peut aller jusque tripler le pouvoir d’achat donc tripler la surface d’investissement.
Ce cas numéro 2 présente un écueil majeur : accepter psychologiquement de ne pas être – tout de suite – propriétaire de sa résidence principale. Moyennant cette acceptation, en triplant son pouvoir d’achat, l’investisseur met plus de chances de son côté de pouvoir à la retraite, à la fois s’offrir sa résidence principale mais aussi des revenus complémentaires.
En effet, le dernier principe bouscule encore plus les idées reçues : si l’immobilier est le meilleur vecteur d’enrichissement patrimonial d’un point de vue rendement / risque, il n’est pas bon d’en avoir à tout âge.
En effet, grâce au levier du crédit il faut en détenir de 20 à 65 ans et recharger si nécessaire sa capacité d’investissement en fonction des capitaux restant dus, de l’évolution de ses revenus ou de l’évolution du marché, il n’en reste pas moins vrai qu’à l’âge de la retraite il faut raisonner tout autrement.
Si l’investisseur a passé sa vie active à s’endetter pour détenir des biens immobiliers, il lui faudra arbitrer à l’âge de la retraite : transformer son stock accumulé en stock productif de rentabilité nette fiscale optimale et surtout plus facilement liquide et transmissible. Pour cela, un des bons supports reste encore l’assurance vie. Le sort de la résidence principale à la retraite reste pour lui, dépendant du stock accumulé et des revenus que le retraité pourrait en tirer.
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