Quel sera le conseil de demain ?
Par Didier Kling, président du groupe CNCEF, Stéphane Fantuz, président de la CNCEF Patrimoine, Vincent Juguet, président de la CNCEF Entreprise, et Christelle Molin-Mabille, présidente de la CNCEF Crédit
La huitième édition de nos Assises est l’occasion pour nous d’imaginer et de dessiner l’avenir de nos professions. Le thème que nous avons retenu cette année, incline naturellement dans cette direction : « Le conseil de demain ».
Il dépasse d’ailleurs bien largement le cadre de nos travaux, en cela qu’il rejoint la recherche globale conduite actuellement autour de la Nouvelle Économie. En effet, les métiers de la finance reposent, dans leur ensemble, sur un socle historique né au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. L’avènement de l’Union européenne a donné lieu à deux nécessités auxquelles nous n’avons jamais cessé de répondre : l’épanouissement de l’économie réelle et l’éducation financière de toutes les parties prenantes (professionnels et particuliers).
En un peu plus d’un demi-siècle, nos métiers, exercés à titre libéral, n’ont cessé d’évoluer. Dans un premier temps, nous avons recherché la force du nombre. C’est pourquoi, les syndicats professionnels ont rassemblé celles et ceux qui pratiquent différentes matières au quotidien. Représentativité, discipline et formation ont ensuite façonné les professionnels experts que nous sommes. Par ailleurs, le législateur a encadré et régulé nos activités, aussi bien au plan européen que français, pour nous structurer et protéger le consommateur. Enfin, les nouvelles technologies ont apporté à la fois, une souplesse d’exercice en même temps qu’une nouvelle forme de concurrence. Pourquoi ? La bureautique, l’informatique, les mathématiques et autres sciences appliquées, ont conduit à l’intelligence artificielle. Parallèlement, les pouvoirs publics ont renforcé le devoir d’information et de protection du consommateur. Flots technologiques et réglementaires se sont conjugués si rapidement qu’il nous faut nous adapter pour assurer la permanence, la pertinence et la durabilité de nos métiers.
Quel sera donc le conseil de demain ? Il reposera sur l’expertise-métier, l’intelligence artificielle et la valeur apportée par l’humain. Une trilogie inséparable qui s’appliquera aussi bien aux domaines de l’assurance, du crédit, du financement, de la gestion de patrimoine, qu’au conseil aux entreprises ou à l’immobilier.
L’expertise-métier : parce que nos métiers sont indissociables de l’obligation de conseil qui nécessite de se former régulièrement. Une formation qui vient enrichir le développement des affaires, car la montée en compétences sert l’intérêt final du client, qui a lui-même besoin d’une éducation financière.
L’intelligence artificielle : car la commission européenne vient de publier, le 19 février dernier, un Livre Blanc sur le sujet, qui est bien plus qu’une note d’intention. Inédit, il trace les perspectives d’une approche communautaire, basée sur l’excellence et la confiance ; deux valeurs qui font sens dans nos métiers. L’excellence pour augmenter l’efficacité prédictive. La confiance pour assurer la sécurité des Européens.
L’humain : parce que le conseil personnalisé et le relationnel seront toujours plébiscités par le client final. La nouvelle économie de la data, générée par l’Intelligence Artificielle va renforcer le rôle des professionnels, tels des tiers de confiance. L’accompagnement et la sécurisation des données seront donc indispensables et vont augmenter la valeur de nos métiers.
C’est pourquoi, après avoir fait de la réglementation une opportunité pour valoriser le conseil, nos métiers sont amenés à être les acteurs d’un nouvel écosystème.
C'est-à-dire une relation client qui garantira :
- une transparence et une sécurisation des données.
- une bonne compréhension des infrastructures artificielles qui amènent aux simulations patrimoniales et financières qui seront présentées.
- une transparence sur l’ensemble de ce processus.
Cependant, pour rendre optimal et performant le conseil de demain, l’Europe doit agir pour harmoniser la réglementation qui concerne nos professions. Notre expérience en la matière prouve que ce besoin est incontournable pour :
- la compréhension du consommateur,
- un meilleur financement de l’économie réelle,
- un cadre d’exercice plus simple des acteurs dont nous faisons partie.
En effet, DDA, MIF, PRIPS et tant d’autres textes, légitimes au fond pour parvenir à une Europe de la finance plus vertueuse, n’ont pas été pensés comme un tout, mais plutôt comme une somme d’obligations sans passerelle entre eux.
Si bien que ces textes européens génèrent plus de formalités administratives et d’incompréhensions en direction du client final, alors que leur but initial était de le protéger. Le consommateur qui s’engage pour un conseil et/ou d’un produit n’en saisit pas l’utilité. Ceci peut même être source d’un doute dans la relation de confiance que le client entretient avec son conseiller. Enfin, cette absence d’harmonisation vient aussi ralentir les acteurs du financement de l’économie réelle par la surcharge de back office générée.
En ouvrant à nouveau ce débat, nous faisons preuve de responsabilité. Nous n’ignorons pas la notion de risque relative à notre profession. Pour autant, acteurs au service du financement de l’économie réelle, nous savons aussi que la sinistralité dans nos métiers est relativement faible. Constat sur lequel s’accordent beaucoup d’intervenants de la Place et que les pouvoirs publics européens devraient mieux apprécier.
En conclusion, le conseil de demain sera à la fois stratégique et technologique. Il va procurer une nouvelle dimension à notre profession et un nouveau rapport à nos clients. L’Intelligence Artificielle jouera un rôle fondamental pour notre avenir si elle est éthique, durable, proportionnée et reposant sur une dimension humaine. Qualités qui sont déjà exigées et recherchées dans nos métiers, aussi bien de la part des différents régulateurs que du client final. A l’heure où l’Europe s’apprête à réviser MIF 2, il est souhaitable que les textes qui régissent notre profession soient harmonisés, tout en intégrant les exigences de l’Intelligence Artificielle. A défaut, dans le concert mondial et sans une approche globale, l’Europe sera confrontée à une définition imposée par les Etats-Unis et la Chine. Tout indique, par leur puissance technologique et financière, qu’elle est bien différente de la nôtre. Elle tendrait à nous rendre dépendants d’un modèle où la personnalisation du conseil et la dimension avancée de l’I.A. ne semblent pas, pour le moment, avoir partie liée.
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