Ne touchez pas au crédit !
Par Georges Nemes, président de Patrimmofi
Nous le disons souvent, en période de crise, il faut fuir la volatilité des marchés financiers pour se concentrer sur les actifs résilients, au premier rang desquels on trouve l’immobilier.
Car la pierre bénéficie d’un atout unique : la possibilité d’utiliser l’effet de levier du crédit pour se constituer un patrimoine immobilier.
Emprunter à 1 % pour acheter des parts de SCPI qui rapportent entre 4 et 6 % nets, ou faire un investissement locatif qui procure un rendement de 2 ou 3 % nets, nous semble judicieux.
D’autant que ce type de placement peut être optimisé fiscalement par le biais de mécanismes faciles à mettre en œuvre par l’utilisation de dispositifs fiscaux comme le Pinel ou le déficit foncier mais aussi le démembrement de propriété pour les parts de SCPI et l’immobilier direct. Il peut également être logé dans un contrat d’assurance-vie et bénéficier de sa fiscalité douce.
Actuellement, il est encore possible d'emprunter à prix cassés pour acheter ce type d’actifs.
Alors fort logiquement, quand les taux d’intérêt des prêts sont bas, beaucoup auraient envie de maximiser leur endettement.
Pourtant, il n’a jamais été aussi difficile d’emprunter. Un comble. Après un début d’année 2020 euphorique, exacerbé par un nombre très important de transactions immobilières, le second trimestre a, quant à lui, été bouleversé par la crise sanitaire, laquelle a eu pour effet de ralentir voire de stopper le marché du crédit immobilier.
Si le marché a repris sa dynamique dès le déconfinement, les conditions d’emprunt se sont resserrées en raison des injonctions du Haut conseil de stabilité financière (HCSF) pour restreindre l’accès au crédit (durée de l’emprunt limitée à vingt-cinq ans et taux d’endettement à 33 % maximum), mais aussi du fait de la baisse du taux d’usure qui génère un effet ciseau pour les dossiers « à risques. »
Par conséquent, les refus de prêts sont désormais monnaie courante. 16 % des dossiers sont mis de côté aujourd'hui et cela risque d'empirer dans les mois qui viennent.
Car le problème, c’est que pour les banques, les crédits coûtent cher. Très cher. Pour faire court, il ne leur rapporte plus rien.
Selon le HCSF, « les marges nettes de ce coût de transformation ainsi estimées oscillent autour de zéro depuis fin 2016. »
Si les banques continuent de se battre sur ce marché, c’est qu’elles espèrent « compenser ce manque par la marge positive d’autres activités bancaires facilitées par le recrutement de clients à l’occasion de prêts immobiliers, comme, par exemple, la fourniture d’assurances liées aux prêts ou aux biens financés. »
Mais derrière le refus des banques, nous observons surtout les effets collatéraux de la guerre entre les banques et les courtiers.
Alors que tous les établissements sous-traitaient largement la conquête de nouveaux clients aux courtiers, au point qu’ils représentaient jusqu’à 60 % des nouveaux dossiers, ils se font désormais tirer l’oreille. Dans certaines grandes maisons, la décision a été prise de remettre en cause les partenariat avec les réseaux de courtage. « La guerre est déclarée », assure même aux Echos, un des plus gros courtiers français.
La raison du courroux des banques : les commissions, autour de 1 % (plafonnées), versées aux courtiers qui écorchent encore un peu plus leur marge.
Surtout, les courtiers poussent leurs clients à faire jouer la concurrence sur les assurances de prêts, très rémunératrices pour les banques, voire à en changer chaque année, comme la loi le permet.
Plusieurs groupes bancaires ont donc modifié les conventions passées avec les courtiers : diminution de la commission, hausse des frais de dossiers pour les clients voire résiliation de la convention, si trop de délégations d'assurance sont réalisées par le courtier.
Alors que l’immobilier, notamment dans le neuf, est enfin au cœur du plan de relance économique du gouvernement, tout cela ne nous semble rien augurer de bon.
Pour nous, le principe de l’architecture ouverte qui ouvre le choix des possibles pour les épargnants et qui a montré sa justesse dans de nombreux secteurs, doit primer dans le crédit immobilier. Les courtiers doivent pouvoir continuer à assurer une saine concurrence au bénéfice de nos clients.
Alors, nous le disons haut et fort « Ne touchez pas au crédit ! ».
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